Elle n'a jamais couru, épisode 12 : la
par Nicolas Anderbegani

Elle n'a jamais couru, épisode 12 : la "McLambo"

Face à la toute puissance de Williams au début des années 1990, McLaren a remué ciel et terre pour trouver un moteur capable de défier le V10 Renault. Une étonnante alliance anglo-italo-américaine aurait pu voir le jour fin 1993 : la "McLambo"

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Un Renault sinon rien

Dès 1992, une évidence s’est imposée : le V10 Renault est LA nouvelle référence des moteurs de Formule 1. Combiné aux monoplaces Williams, qui appréhendent au mieux les artifices électroniques tels que les suspensions actives, c’est une arme absolue. Cette année-là, McLaren subit la domination de Williams-Renault et Nigel Mansell. De surcroît, elle doit se résoudre à perdre le motoriste Honda, qui annonce son départ après avoir dominé la F1 plusieurs années de suite. Ron Dennis se démène pour trouver un bon moteur, car une autre épée de Damoclès pèse sur lui : perdre sa pépite, Ayrton Senna, qui est prêt à tout pour avoir le V10 Renault. Le brésilien a tout tenté pour aller chez Williams en 1993, mais Prost, de retour dans l’équipe britannique après une année sabbatique, a mis son véto, peu enclin à revivre une cohabitation avec son ennemi juré. Dennis a tenté alors de mettre la main sur le moteur français…en proposant de racheter pour 100 millions de francs l’écurie Ligier, qui était motorisé par le losange !

Ayrton, ne t’en va pas !

L’affaire Ligier capote, non seulement pour une question contractuelle et technique (le V10 Renault était développé avec Elf, McLaren utilisait Shell) mais aussi une raison politique. L’exigeant et retors Dennis avait poussé Max Mosley et la FIA à mettre des bâtons dans les roues à Williams pour enrayer leur domination et Renault ne l’avait pas oublié. McLaren trouve finalement un accord avec Ford pour obtenir le V8 américain, mais la firme de Détroit est intransigeante : Benetton demeure son partenaire n°1. Autrement dit, McLaren devra disputer la saison 1993 avec un moteur Ford « client » moins évolué, rendant une bonne trentaine de chevaux à la version « Benetton » et 80 chevaux au V10 Renault ! Une mauvaise pioche, d’autant que Senna fait durer le suspense tout au long de l’intersaison sur ses intentions. Retraite ? Année sabbatique ? Il essaye même une Penske Indycar, histoire de faire monter la pression. Il se résout finalement à rempiler pour une saison supplémentaire avec McLaren, mais en signant un juteux contrat…course après course, payé 1 million de dollars le grand prix ! « Magic » reste à l’affût du volant Williams…

1993 confirme les craintes de Senna. Au volant d’une MP4/8 réussie, le brésilien réalise pourtant une saison magnifique, ponctuée par 5 victoires, dont la légendaire course de Donington, mais le V8 Ford ne lui a pas permis de contrarier Alain Prost dans sa quête d’un 4e titre mondial.

C’est pour cela que Senna, tout en discutant avec Ferrari, a poursuivi son opération séduction envers Williams, sachant rapidement que Prost, usé par les coulisses politiciennes, ne rempilerait pas en 1994. Décidément pas résolu à perdre son champion, Dennis est de nouveau sur tous les fronts pour décrocher un moteur. La politique du losange étant, malgré les pressions d’Ecclestone, de ne fournir qu’une seule équipe de pointe, la piste Renault, envisagée encore une fois, demeure improbable puis une autre opportunité se présente : Lamborghini !

Taureau cherche bon carrosse

En 1987, le taureau, alors exsangue financièrement, était passé sous le contrôle du géant Chrysler, qui comptait beaucoup sur cette acquisition pour augmenter son image. La même année, le directoire avait validé l’entrée en compétition de Lamborghini, à l’encontre de la philosophie du fondateur, avec un projet de moteur F1 V12 atmosphérique conçu par Mauro Forghieri, l’ancien directeur technique de Ferrari. Un accord est conclu en 1988 avec l’écurie Larousse mais les résultats ne vont jamais suivre, faute de moyens pour la petite structure tricolore et faute de fiabilité pour le moteur.

Le V12 italien n’équipe par ailleurs que des structures de « seconde zone » comme Lotus (1990), Ligier (1991) Venturi et Minardi (1992), sans oublier la rocambolesque aventure Modena Team en 1991, avec un projet châssis-moteur 100% Lambo qui n’a rien donné. En 1993, Lamborghini est revenu chez Larrousse mais Chrysler, qui ne s’est pas encore débarrassé de ce gouffre financier, désespère de voir un jour ce moteur V12 dans un châssis digne de ce nom ! Ron Lutz, le pdg de Chrysler, rencontre Dennis au salon de Francfort et les deux hommes se mettent d’accord pour un test.

McLambo

Plusieurs semaines durant, le staff McLaren travaille d’arrache-pied pour intégrer le V12 Lamborghini à 80°, plus volumineux que le V8 Ford, dans une McLaren expérimentale dénommée MP4/8B. Un premier roulage a lieu à Silverstone après le GP d’Italie. Senna, fidèle à sa réputation acquise du temps de Honda, conseille Forghieri pour rendre plus coupleux un moteur qui délivrera au final 750 chevaux, soit 70 de plus que le Ford Cosworth ! Un nouvel essai est effectué à Estoril par Senna, dans une McLaren blanche immaculée, vierge de tout sponsor. Les retours sont dithyrambiques. A Silverstone, Mika Hakkinen, qui vient d’être promu en lieu et place du décevant Michael Andretti, bat d’une seconde le temps établi avec le V8 Ford lors du grand prix d’Angleterre. La voiture a gagné en stabilité et l’usure des pneus est améliorée. Toutefois, le moteur reste fragile, plutôt lourd et assez prompt à se transformer en éruption plinienne. Senna est pourtant catégorique : le package McLaren-Lamborghini est prometteur et devrait même commencer dès le GP du Japon 1993 !

Le taureau chassé par un lion

Pour des raisons évidemment contractuelles, Dennis refuse mais le deal n’aura jamais lieu car le manager anglais a déjà viré casaque. Chrysler avait des réticences à aller plus loin, alors que l’idée de vendre Lamborghini faisait son chemin. Qui plus est, avec la retraite de Prost, Senna a sauté sur la Williams pour 1994. Ron Dennis a en réalité déjà fait son choix : ce sera Peugeot, qui débarque en F1 avec l’ambition de défier Renault. Le Lion amène un prometteur V10, fourni gratuitement qui plus est, dérivé du bloc utilisé sur la 905 victorieuse en Endurance. Du côté de Lamborghini, c’est la déception mais peu après, Chrysler revend la marque à des investisseurs indonésiens qui n’ont cure du sport automobile. On ne reverra plus le taureau en F1.

Images : flickr, pinterest, ayrtonsenna.com

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Pour résumer

Face à la toute puissance de Williams au début des années 1990, McLaren a remué ciel et terre pour trouver un moteur capable de défier le V10 Renault. Une étonnante alliance anglo-italo-américaine aurait pu voir le jour fin 1993 : la "McLambo"

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