Ferrari sait faire du rallye
Il est vrai que l'association Ferrari-Rallye ne vient pas en tête au commun des mortels, qui associe davantage le cheval cabré à la F1 et à l'Endurance. Pourtant, les bolides de Maranello ont tenté et souvent réussi leurs escapades en rallye. D'ailleurs, en 1984, la 308 GTB Groupe 4 décroche le titre de champion d'Espagne des rallyes et au début des années 80, Jean-Claude Andruet a fait le bonheur du Tour de France auto et du championnat de France des rallyes avec cette 308 GTB. La règlementation Groupe B plaît à Ferrari qui pourrait donc y engager une voiture puissante utilisant le turbo, une technologie qu'elle maîtrise désormais parfaitement grâce à l'expérience de la F1.
288 GTO, la pionnière
L'homologation imposant de produire un minimum de 200 modèles de route sur un an, Ferrari développe ainsi la 288 GTO, qui est considérée comme la "matrice" de la lignée des supercars Ferrari jusqu'à nos jours. Même si elle ressemble par certains traits à la 308, cette 288 au dessin signé Pininfarina est une véritable voiture de course déguisée en "stradale", avec un châssis tubulaire recouvert d'une carrosserie en fibre de verre, kevlar et carbone, un poids allégé, des voies élargies et surtout un fabuleux V8 2.8 litres gavé par deux turbos IHI donné pour 400 chevaux. Produite initialement à 200 exemplaires, la 288 GTO rencontre un franc succès qui poussera Ferrari à rallonger la production de 72 unités supplémentaires.
Groupe B comme...Bombe !
Mais ce n'est pas elle la vedette de notre présent article, mais plutôt sa version de course, préparée à partir de 1985 et baptisée "Evoluzione". Trois équipes se partagent les tâches pour la préparation aérodynamique, le châssis et le moteur. Allégée à 940 kilos, la GTO Evo ne fait aucune concession à la performance et se voit affublée d'un énorme spoiler arrière, d'ailes élargies bien méchantes et de nombreux appendices aérodynamiques. Le V8 reste sur une cylindrée de 2,8 litres, soit le maximum permis pour les turbos dans la règlementation Groupe B (en appliquant le coefficient de cylindrée de 1,4 aux 4 litres maxi autorisés).
La GTO de base, avec ses 400 chevaux, offrait déjà des performances étonnantes : Un 0 à 100 km/h en 4,9 secondes et une vitesse maximale supérieure de 320 Km/h. La motorisation de la GTO Evoluzione est déclinée en deux versions, CK pour la piste et CR pour le rallye. Dans sa version CK, nous grimpons à 650 chevaux et les chiffres sont à l'avenant : le 0-100 Km/h tombe à 4 secondes, le 0-200 Km/h en 6 secondes et la vitesse maxi explose à 369 Km/h ! On vous laisse imaginer cela sur les routes de Corse...Initialement, 20 modèles de course devaient être produits. 5 sont déjà construits quand, suite aux drames à répétition de la saison 1986 et notamment à l'accident mortel de Toivonen en Corse, la FIA légifère et interdit la catégorie Groupe B. Le coefficient de conversion de cylindrée est modifié, ce qui induit que le V8 de la Ferrari n'est plus dans les clous. La 288 GTO Evoluzione ne disputera jamais de course.
Aux sources d'un mythe
Cependant, vous l'avez sans doute remarqué, cette Ferrari n'est pas sans rappeler une supercar qui sort l'année suivante. Ferrari se convainc de ne pas rester avec la GTO Evoluzione sur les bras et , à défaut de limer les pistes du WRC, d'en faire une version de route. Et oui, la fameuse F40, l'iconique supercar, l'ultime voiture sortie du vivant d'Enzo Ferrari, est l'évolution naturelle de cette bestiale 288 GTO Evoluzione, dont certains exemplaires ont servi de prototype d'essai. Les ailes avant musclées, l'aileron arrière énorme, les ouïes latérales arrière (qui rendaient déjà hommage à la 250 GTO), les prises d'air NACA, beaucoup d'ingrédients sont déjà là. Derrière ces deux monstres, le même géniteur en la personne de l'ingénieur Nicola Materrazzi. Tout ne fut donc pas perdu dans cette aventure mort-née.
Images : flickr, wikimedia, pinterest, Ferrari