Les "brèves rencontres" concernent par définition d'obscurs véhicules. On ne les connait pas forcément et on ne sait pas forcément pourquoi ils ont aussi vite disparu. Au moins, lorsqu'un véhicule porte le nom de "Perestroika", on a déjà presque tout dit...
L'Union Soviétique manquait d'imagination pour nommer ses constructeurs. En général, c'était [ville] Avtomobilny Zavod (usine d'automobile.) Après GAZ, UAZ ou VAZ, voici donc MAZ, originaire de Minsk, capitale de la Biélorussie (alias Belarus.)
Le plus célèbre produit de MAZ, c'est le transporteur de missiles intercontinentaux:
En 1944, Moscou décide de bâtir une usine de camions à Minsk. Dans la tradition Stalinienne, ce furent des zek et des prisonniers de guerre qui construisirent le site. En un temps record, Minsk disposa d'une chaine d'assemblages, mais également de baraquements pour les futurs ouvriers. Le cout humain n'est pas précisé.
Le premier camion de MAZ, le 200, disposait d'une mécanique 2-temps GM.
Au milieu des années 80, MAZ est le N°1 du poids-lourd Soviétique. En 1985, Moscou met une équipe de 5 personnes sur un projet grandiose. Il s'agit de créer le camion de l'an 2000, un 80t à rendre jaloux les Américains, capable d'effectuer Berlin est-Pékin (les deux extrémités des "pays frères") dans un fauteuil. V.N. Sivolobov, vétéran des ingénieurs MAZ, est chef de projet. Gennady Hainov, spécialise des automobiles futuristes, se charge du dessin.
Le camion est logiquement nommé "2000". Puis il est surnommé Perestroika (littéralement "reconstruction"), du nom de la politique de réformes engagée par Mikhaïl Gorbatchev.
Le MAZ Perestroika est présenté en 1988. Il fait la tournée des salons d'Europe de l'ouest (dont celui de Paris.) Les visiteurs sont subjugués par les caractéristiques annoncés.
Apparemment, au moins deux prototypes (un roulant et un non-roulant?) sont conçus.
MAZ envisageait d'en produire 1 000 par mois, à partir de 1992.
Mais l'actualité politique balaya l'idée. La perestroika devait ouvrir suffisamment la porte pour donner de l'air au peuple, tout en la laissant suffisamment fermée pour maintenir le PC à la tête du Kremlin. Mais l'appel d'air rend la machine incontrôlable. La chute du mur de Berlin enhardit des francs-tireurs comme Boris Eltsine. Sur sa gauche, Gorbatchev se fait doubler par les tenants d'une ligne dure.
A partir de 1990, l'U.R.S.S. sombre dans le chaos. Elle implose fin 1991.
Dans ce contexte, MAZ n'a plus le moindre budget pour produire son camion futuriste. Les Perestroika moisissent dans une réserve.
MAZ a finalement réussi à négocier les années 90. L'ex-N°1 Soviétique est aujourd'hui un minuscule fabricant de poids-lourds. Il propose des véhicules aux normes Euro 2 (!) et Euro 3, essentiellement pour le marché local. La photo ci-dessous date de 2010.
Quant au Perestroika, l'un d'eux vous accueille désormais à l'entrée de l'usine de Minsk:
Certains Russes en sont certains: Renault V.I. a profité du chaos pour copier le Perestroika et ainsi créer le Magnum!
Sauf que le Magnum dérive du concept-truck Virages de 1985 (donc contemporain du début des études du Perestroika.) A la limite, on pourrait plutôt accuser les Soviétiques d'avoir copié les tricolores...
A lire également:
Brève rencontre: GAZ M1
Les voitures communistes sympas
« ćao, nema vie » Zastava