De la voiturette...au coupé 4x4 V12
En 1992, un ORNI (objet roulant non identifié) attire les regards au salon de Paris : un véhicule imposant de plus de 5 mètres de long et 2,20 mètres de large, haut sur pattes avec d’énormes roues de 20 pouces dont les pneus ont été créés sur mesure par Michelin. Oui, ce qui s'apparente aux gros SUV actuels est à cette époque une étrangeté, et encore plus quand on regarde le nom du constructeur : MEGA
Dans les années 80, la société AIXAM (pour Aix-les-Bains et automobile) connaît un succès grandissant sur le marché de la voiturette sans permis, devenant même le leader européen du secteur, mais l’entreprise de George Blain veut aller plus loin et se diversifier dans le véhicule thermique conventionnel. Les Mega Ranch et Club, sur base de Citroën AX, sont lancées avec l’ambition d’être des « Mehari » des temps modernes et devenir les nouvelles vedettes des destinations estivales. Toutefois, on voit encore plus grand, très grand puisque c’est par le segment ultra sportif et premium qu’Aixam entend se faire une place, avec une suercar qui doit révolutionner le genre. C’est ainsi que l’on s’attelle à la création de la Mega Track.
Développé à partir de 1990, le véhicule créé la sensation, avec un profil de coupé sportif croisé avec un véhicule tout-terrain équipé de roues énormes. Mega invente le SUV sportif avant l’heure, mais à cette époque, il s’agit vraiment d’une bizzarerie, où seul Lamborghini s'était aventuré avec son énorme LM2002.
Un monstre avant-gardiste
La Mega Track porte bien son nom. Outre ses dimensions impressionnantes, elle est propulsée par un moteur V12 à 60° placé en position centrale arrière, un bloc de Mercedes-Benz que l’on trouve aussi sur la classe S modèle S600, délivrant une puissance de 395 chevaux, le tout couplé à une transmission intégrale. Même s’il s’agit d’un moteur allemand (qui sera repris plus tard par la Pagani Zonda), c’est la première fois depuis l’avant-guerre avec la Delage V12 qu’une voiture française ose s’équiper d’une motorisation aussi prestigieuse ! La capacité de son réservoir de carburant, 110 litres, est à la hauteur de sa consommation : de 20 litres sur route à 50 litres en tout-terrain !
Grâce à sa suspension contrôlée réglable qui permet de modifier la garde au sol de la voiture, celle-ci gagne 34 cm de hauteur et peut donc s'aventurer sur des parcours tout-terrain, en plus de la route et des circuits. En termes de performance, la Mega Track peut atteindre 250 Km/h et abattre le 1000 mètres départ arrêté en 28 secondes. Des performances incroyables pour une voiture française, qui peut, grâce à ses capacités hors normes, rouler très vite aussi bien sur circuit que sur les pistes. Mega a tout simplement créé une Ferrari des sables !
Mission impossible
Seulement, le projet sera un énorme échec. Aixam Mega n’a pas les capacités industrielles pour produire en quantité un tel véhicule, mais surtout la Mega Track, sans doute trop en avance sur son temps, nécessite 3500 heures de travail d’assemblage, ce qui la rend très chère, affichée à 1,9 million de francs, soit un tarif supérieur à ce que propose alors Ferrari ou Lamborghini, dont le pédigrée n’est pas du même acabit !
Sa consommation est gargantuesque, le tout pour une mise au point qui n’est pas encore optimale et une fabrication très artisanale avec des standards de finition assez éloignés de ce qui est attendu avec de tels tarifs. Le déficit d’image est également important : Mega est une émanation d’Aixam, fabricant de voituettes sans permis, et face à des blasons prestigieux, il est impossible d’exister, malgré les efforts de Mega en compétition, qui se distinguera en Trophée Andros et au Dakar dans les années 90 et le début des années 2000. La production finale reste mystérieuse, mais l’on parle de 5 à 6 modèles construits en tout et pour tout, dont quelques exemplaires seraient encore en circulation à Monaco et en Russie.
En tous cas, 30 ans après, elle n’a pas pris une ride et sa ligne reste bluffante.