Liberty Media / FIA : au bord de la rupture ?
par Nicolas Anderbegani

Liberty Media / FIA : au bord de la rupture ?

Se dirige-t-on vers une nouvelle guerre politique en F1, comme au « bon vieux temps » de la guerre FISA-FOCA du début des années 80 qui opposait la fédération de Jean-Marie Balestre et l'association des constructeurs de Bernie Ecclestone ? La donne politique semble néanmoins bien différente.

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Un enchaînement de polémiques

La BBC a jeté un pavé dans la mare quelques jours auparavant, via un rapport dans lequel Liberty Media, le détenteur des droits commerciaux de la Formule 1 via la FOM (Formula One Management), serait prêt à aller à une rupture avec la FIA. Autrement dit, celle d’un championnat de F1 « dissident », qui se libérerait de la tutelle règlementaire de la FIA, un peu ce que Bernie Ecclestone avait tenté de faire au début des années 80 face à la FISA de Balestre, avant que tout ne soit réglé par les Accords Concorde. N’oublions pas que dans le domaine du sport automobile, les américains ont une culture d’indépendance politique, comme avec leurs emblématiques championnats NASCAR, lMSA et Indycar qui sont régis hors FIA.

Pourquoi cette crise ? Depuis plus d’un an, c’est un euphémisme de dire que le torchon brûle entre la FIA et Liberty Media, les tensions se cristallisant autour de la figure controversée du président Mohamed Bin Sulayem, qui a pris la relève de Jean Todt fin 2021. Les polémiques se sont succédées, Liberty Media et les écuries jugeant que le président Sulayem outrepassait ses prérogatives et que la FIA empiétait sur la chasse gardée de la FOM, à savoir l’aspect business, puisque la FIA est censée se limiter à une intervention règlementaire et sportive.

La mèche s’est allumée début 2023 avec les déclarations sur twitter de Bin Sulayem concernant des rumeurs de ventes de la F1 à un fonds saoudien, ce qui a rendu Liberty Media furieux, puis tout au long de l’année, nous avons assisté au bras de fer sur la candidature Andretti (soutenue et approuvée par la FIA, rejetée par les écuries), sans oublier les nombreuses polémiques sur les pénalités, la convocation de Toto Wolff et Fred Vasseur pour des « propos injurieux », les enquêtes diligentées contre Lewis Hamilton au Qatar ou Sergio Perez après ses déclarations sur les commissaires, donnant l’impression d’un « forcing » de la FIA pour réasseoir son autorité. Mais c’est surtout la dernière polémique en date, celle des suspicions de conflits d’intérêts concernant le couple Wolff, qui pourrait être dévastatrice.

Un axe Liberty/écuries contre la FIA ?

« L’affaire Wolff », dont les tenants et les aboutissants ont été évoqués ici, ressemble à un pétard mouillé dont les conséquences politiques pourraient être bien plus fortes. La FIA a clairement indiqué qu'elle agissait après des plaintes formulées par des directeurs d'écurie, ce qui aurait pu attiser des divisions au sein de la grille, quand on connaît notamment l’inimitié entre Toto Wolff et Christian Horner, le directeur de Red Bull, ce que Drive To Survive n’a pas manqué de souligner. Toutefois, le contraire s’est produit. La FIA a rapidement reculé, abandonnant toute enquête, ce qui a donné à réfléchir sur les véritables intentions qui se jouent derrière. « La FIA a le devoir de maintenir l’intégrité du sport automobile mondial et réaffirme son engagement en faveur de l’intégrité et de l’équité» a-t-elle déclaré pour calmer la tempête. La FIA essaie-t-elle de diviser les écuries, voire de liguer certaines contre Liberty, afin de reprendre la main ?

C’est tout l’inverse qui semble s’être produit, contrairement à l’époque Ecclestone, où ce dernier jouait des rivalités entre équipes pour mieux imposer ses compromis, en complicité avec son acolyte de la FIA Max Mosley. Même au temps de la guerre FISA-FOCA, les équipes n’étaient pas unies : les grands constructeurs étaient des « légalistes » rangés du côté de la FISA, alors que les écuries privées, essentiellement anglo-saxonnes, étaient plutôt alignées sur la fronde « Eccestonienne ». Il semble désormais que les équipes, en dépit de leurs rivalités sportives et de crispations politiques parfois sévères, mènent désormais un front commun : elles l’ont déjà montré face à la candidature Andretti, mais elles l’ont encore manifesté en publiant toutes le même communiqué qui démentait celui de la FIA à propos des allégations sur Wolff. On a donc une configuration politique inédite :  Liberty Media, qui a transformé le plomb en or en faisant de la F1 un très juteux business, et les écuries forment un front commun contre les interventions de la FIA. Plusieurs gestes d’exaspération contre la FIA ne sont pas passés inaperçus, comme celui de Lewis Hamilton au gala de la FIA qui a laissé volontairement son trophée. Ben Sulayem, absent de la cérémonie suite à une mauvaise chute survenue en marge de l’évènement, sera très observé cet hiver, alors qu’il s’était engagé précédemment à prendre du recul sur la F1.

 

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Pour résumer

Allez, on prend les paris : tout cela va nous maintenir en haleine pendant l’intersaison et un compromis sera trouvé mais la position du président Ben Sulayem semble très fragilisée. La FIA ne peut prendre le risque de se passer de la manne financière que représente la F1, alors qu’un championnat hors FIA pourrait rebuter les constructeurs. Le dossier Andretti ne risque pas de s'améliorer...

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