Mercedes : la militante
C'est évidemment la livrée qui a fait le plus de "buzz" ces derniers jours. La Formule 1 n'est pas épargnée par les questionnements sur le racisme et la diversité, dans le contexte d'indignation mondiale suscitée par la mort de George Floyd. Dans un sport qui renvoie une image très blanche, masculine et capitaliste, si la question du racisme ne s'est jamais réellement invitée dans le paddock, la politique a souvent créé des remous, depuis les grands prix d'Afrique du Sud organisés au temps de l'apartheid au tournant des années 70/80, jusqu'à l'apparition récente au calendrier de GP organisés dans des états - Bahreïn, Chine, Azerbaïdjan, etc. - où les questions des droits de l'homme et de démocratie sont plus que "sensibles", pour employer un bel euphémisme. La F1 ne renvoyait pas une image très progressiste, et ce n'est pas le passé trouble de Jean-Marie Balestre ou les déclarations à l'emporte pièce provocantes de Bernie Ecclestone, gigantesque point Godwin à lui tout seul, qui pouvaient changer la donne !
Lewis Hamilton, premier pilote "noir" d'envergure en F1, n'a pas manqué de rappeler les diffamations racistes qu'il a subi surtout à son arrivée en F1. Habitué des premières lignes sur la grille de départ, il a également été en première ligne dans le paddock à propos des récents évènements. Il est monté au créneau sur les réseaux sociaux, pour dénoncer le manque de diversité du sport, déplorer la passivité de ses pairs ou encore lancer une commission diversité au sein de la FIA. Mercedes, qui soutient son pilote, lui emboite le pas en dévoilant une nouvelle livrée de la W11 EQ, dominée par le noir en lieu et place de l'argent.
Un choix totalement assumé par l'étoile qui veut ainsi apporter sa pierre à l'édifice dans la lutte contre le racisme, les discriminations et la promotion de la diversité, où il ne faut pas oublier les femmes non plus. On peut jaser sur ces multinationales qui semblent découvrir depuis un mois ces problématiques, et même les taxer d'opportunisme marketing, voire d’hypocrisie, mais c'est assez rare néanmoins de voir un constructeur officiel prendre position ainsi et l'afficher ostensiblement via une livrée de monoplace. Au passage, la W11 n'est pas sans rappeler la Sauber de 1994 d'ailleurs...
Williams : retour aux sources
On ne regrettera pas la livrée "Rokit" 2019 peu inspirée, mais le sponsor-titre ayant rompu son contrat pendant le confinement...pour aller chez Mercedes, Williams a bien été obligée de revoir sa copie. Le rouge disparaît et la FW43 est largement dominée par le blanc, matinée de touches bleues. Ce retour au blanc exprime comme un retour aux sources, puisque les premières Williams de la fin des années 70 étaient de cette couleur, à l'époque où elles arboraient le sponsor-titre saoudien Fly Saudia. Les sponsors "Sofina" et "Lavazza" trahissent la présence de Nicolas Latifi, puissamment soutenu par ces marques, alors que l'aileron arrière arbore un énorme WILLIAMS brandi comme un cri de résistance, alors que la marque cherche un repreneur et doit faire face à des difficultés financières.
United colors of McLaren
Si l'actualité de McLaren a surtout été dominée ces dernières semaines par les difficultés financières de la maison mère, l'écurie britannique a également emboité le pas au débat sur la diversité soulevé par le mouvement "Black Live Matters". Pas de changement de couleur majeur ici, le orange et le bleu restent prédominants, mais la carrosserie de la MCL34 arbore sur les flancs des pontons et sur le halo un faisceau arc-en-ciel, complété par les hashtag #WeRaceAsOne et #EndRacism qui font écho à la campagne lancée par la Formule 1.
On peut évidemment se gausser de l'apparence marketing et opportuniste de ces revirements décoratifs, mais la F1 ayant été longtemps accusée de fermer les yeux sur les problèmes de droits de l'homme des pays hôtes, on peut saluer au moins l'initiative. Reste à sa voir si le WeRaceAsOne et la fondation soutenue par Chase Carey auront un réel impact sur la diversité dans les pelotons, en dehors des beaux habillages de communication. Rappelons que, en sport automobile plus que dans tout autre sport, la barrière reste d'abord sociale et financière.