Nerf de la guerre
Initiés en 1981 suite à un long de bras de fer qui avait failli faire imploser la Formule 1, ces accords à l’origine avaient partagé les responsabilités entre la FISA, qui gardait la main sur les aspects règlementaires et sportifs de la F1, et la FOCA qui s’occupait des aspects financiers et marketing. Ce deal avait ensuite donné lieu aux « Accords Concorde 2 » de 1987, qui officialisaient la naissance de la FOM (Formula One Management) de Bernie Ecclestone, l’organe tout puissant de promotion de la discipline (négociation avec les organisateurs des GP, droits télé, merchandising, etc.) sur laquelle le britannique a bâti son empire commercial, devenue aujourd’hui Formula One Group sous la direction, depuis 2017, de Liberty Media. Il faut rappeler que les Accords Concorde sont vitaux pour les équipes, puisque ce sont eux qui définissent notamment la gouvernance du sport et la redistribution des revenus. Leur signature complète et avalise donc les précédentes décisions qui avaient porté sur la nouvelle règlementation technique (dont l’introduction a été reportée à 2022 suite au Covid) et l’adoption des plafonds budgétaires dès l’an prochain.
Tout le monde est beau, tout le monde est gentil ?
Les communiqués étaient évidemment à l’unisson :
La F1 a déclaré que "L'accord garantira l'avenir durable à long terme de la Formule 1 et combiné avec la nouvelle réglementation, annoncée en octobre 2019 et entrée en vigueur en 2022, réduira les disparités financières et en bonne voie entre les équipes. , aidant à uniformiser les règles du jeu, créant des courses plus rapprochées sur la piste que nos fans veulent voir davantage (…) Avec des courses plus rapprochées, nous attirerons plus de fans dans notre sport, ce qui profitera à chaque équipe, et nous continuerons à augmenter la croissance mondiale de la Formule 1." Chase Carey, président-directeur général de la F1, a déclaré : "Le nouvel accord Concorde, en conjonction avec le règlement pour 2022, mettra en place les fondations pour en faire une réalité et créer un environnement à la fois plus équitable financièrement et comblant les écarts entre les équipes sur la piste."
De son côté, Jean Todt, Président de la FIA, a ajouté : «La conclusion du nouvel accord Concorde entre la FIA, la Formule 1 et les dix équipes actuelles assure un avenir stable au Championnat du Monde de Formule 1 de la FIA (…) Face aux défis mondiaux sans précédent auxquels tout le monde est actuellement confronté dans le monde, je suis fier de la façon dont toutes les parties prenantes de la Formule 1 ont travaillé ensemble au cours des derniers mois pour les meilleurs intérêts du sport et les fans pour convenir de la voie pour plus durable, compétition juste et passionnante au sommet du sport automobile. »
Ils ne partiront pas en vacances ensemble
Bref, tout le monde s’en félicite, c’est bien normal mais derrière ces belles paroles de circonstance, on ne peut nier que les accords ont été négociés dans un climat de tension évident où même les noms d’oiseau ont volé. La négociation des Accords Concorde n'a rien à envier aux négociations budgétaires européennes, la bienséance diplomatique en moins parfois. L’affaire Racing Point, dans laquelle Mercedes est impliquée, avait jeté de l’huile sur le feu (après une affaire du moteur Ferrari déjà bien brûlante) et poussé Brackley (la base anglaise de Mercedes F1) à traîner la patte pour signer, le géant allemand se plaignant d’une répartition de revenus inéquitable ne prenant pas suffisamment en compte l’apport de l’étoile à la F1 (sous-entendu : la F1 ne file pas assez de fric à Mercedes). Toto Wolff avait notamment déclaré à Silverstone que "Nous (Mercedes F1) sommes la plus grande victime en termes de perte de revenus et du reste. Ferrari a maintenu sa position avantageuse" et déploré que « nous ne sommes pas traités comme nous devrions l'être », taclant au passage certains concurrents accusés d’être des « lèche-culs ». Ambiance…
Une pression de Mercedes à quoi la FIA a visiblement répliqué en proposant l’interdiction, dès Spa, du « mode fête » des moteurs, une mesure visant clairement pour beaucoup la supériorité manifeste du V6 hybride allemand. La date butoir de la signature était à l’origine fixée au 12 aout, et ce report d’une semaine trahit des négociations en coulisses qui ont dû être âpres. Rappelons en effet que certains aspects de ces accords demeurent secrets, notamment les « bonus » qui sont accordés à certaines équipes, comme Ferrari qui en bénéficie au nom de sa longévité dans la discipline et de son apport historique à la F1. Cette signature des 10 suppose que des compromis et des arrangements ont été trouvés, mais nous n'en aurons pas le détail.
Attention aussi : même si ces accords fixent un cadre sûr pour les 5 ans à venir, rien n’est figé dans le marbre. Rien n’empêche à une équipe de vendre ou à un motoriste de partir, et l’impact économique du Covid-19 laisse encore planer des incertitudes pour l’avenir. Hamilton n’a pas encore signé avec Mercedes, l’annonce d’un -probable- très juteux contrat tombant mal alors que Daimler a prévu des coupes franches dans ses effectifs. Et l’affaire Racing Point n’est pas terminée, les regards se tournant désormais sur la responsabilité de Mercedes dans cette histoire, ce qui risque de prendre de l’ampleur, et, inévitablement, aurait des répercussions en haut lieu. Quant à Luca di Meo, en visite à Barcelone, il s’est voulu rassurant sur l’avenir du projet F1 du losange, mais la situation financière du constructeur est toujours précaire. On pense aussi à McLaren, qui a dû contracter de gros prêts au début de l’été, ou de Williams, qui a jugé ces accords « vitaux » pour l’avenir immédiat de l’écurie, qui n’est pas garanti. Bref, les coulisses promettent encore de l'action (plus qu'en piste ?).
Source : F1, FIA