Deux ans après avoir claqué la porte d’Alpine, Oscar Piastri doit être heureux de son choix, et remporte son premier GP (après un succès en Sprint au Qatar 2023), le premier gagné par un australien depuis Mark Webber en 2012, mais cette victoire résulte d’un contexte assez particulier, fruit de consignes qui ont été appliqués par McLaren et imposées à Lando Norris, non sans mal. Quelles seront les conséquences en interne ?
Une histoire de consignes
Piastri avait néanmoins fait le plus dur au départ, s’imposant au freinage avec brio sur son équipier poleman, lui-même serré à sa gauche par un Max Verstappen agressif. Ce dernier ressortait très large du premier virage pour conserver l’avantage sur Norris, avant de se voir intimer l’ordre par son équipe de rendre la position au britannique car sa manœuvre était sous investigation et un risque de pénalité lui pendait au bout du nez.
Le train de tête s’est composé de Piastri, Norris, Verstappen, Hamilton, Leclerc et Sainz. Hamilton a inauguré la salve des premiers arrêts (17e tour), Leclerc le dernier (24e tour). Résultat de ce premier temps de pit stops : Piastri reste leader sur Norris, qui s'était pourtant arrêté un tour plus tôt, mais Lewis gagne une position sur Verstappen. À mi-course, la dégradation des pneus a commencé à avoir un impact, Piastri voyant son avance s'éroder et Hamilton et Leclerc anticipant le deuxième arrêt au 41e tour.
Piastri a donc solidement mené la première partie de la course, malgré une alerte sur un virage pris très large, mais c’est dans la stratégie des stands que McLaren va encore s’empêtrer et créer ensuite une situation gênante. De manière surprenante, c’est Norris qui passait le premier aux stands sur le second arrêt, ce qui permettait cette fois-ci au britannique de faire l’undercut sur son équipier australien.
Certes, l’arrêt de Norris avait aussi pour but de couvrir celui de Verstappen, très menaçant, mais, par la suite, McLaren a voulu « corriger » l’erreur stratégique infligée à Piastri. 15 tours avant l’arrivée, l’ingénieur de Norris a donc commencé à passer des messages subliminaux au britannique, lui intimant de ralentir, de mieux gérer les pneus, avant de clairement lui expliquer qu’une consigne de course, visiblement discutée avant le grand prix, allait être appliquée pour redonner la tête à Piastri. Norris a fait le sourd pendant plusieurs boucles, répondant plutôt que Piastri devait le rattraper pour le passer. Après plusieurs tours d’insistance (ils l'ont presque supplié !) et le passage en revue de nombreux arguments (le championnat, l’aide que Piastri pourra apporter contre Verstappen, etc), Norris s’est finalement exécuté au 68e des 70 tours, en ralentissant ostensiblement dans la ligne droite, de façon à montrer qu’il n’avait pas perdu à la régulière…
Hamilton-Verstappen, comme au bon vieux temps
Derrière ce tandem qui a dominé la course, et qui offre le 49e doublé à McLaren (le dernier remontait à Monza en 2021 avec Ricciardo et…Norris), Lewis Hamilton confirme son retour en forme avec un nouveau podium, son 200e en carrière ! La course du vainqueur de Silverstone a été marquée par son duel énergique avec Max Verstappen, qui a rappelé les grandes heures de la saison 2021 : Après une première attaque osée du batave sur l’anglais à l’extérieur du virage 2, à laquelle Hamilton mit fin en élargissant parfaitement sa trajectoire, puis une seconde tentative qui s’est terminée hors-piste, le Néerlandais a finalement tenté le tout pour le tout à 7 tours de la fin, profitant du DRS pour prendre l’aspiration et plonger au freinage de la ligne droite, mais tandis qu’Hamilton fermait la trajectoire pour prendre la courbe, Verstappen bloquait ses roues et entrait en contact avec l'Anglais ! Nous ne sommes pas passés loin d’un remake de Monza 2021. La Red Bull décolla et retomba lourdement au sol, mais, par miracle, Verstappen pu continuer, même s’il a laissé au passage la 4e place à Leclerc. En tous cas, nous avons vu Verstappen agressif, brouillon et très irrité, comme si nous étions revenus en 2019. Verstappen a tempêté à la radio contre la stratégie de son équipe, abusant des gros mots et se plaignant abondamment. C’est un Verstappen sous pression qui a même fini par agacer son stand : "Max, tu te comportes de manière enfantine." A-t-on entendu…
Ferrari dans le dur
Un peu plus loin, Ferrari termine avec les mêmes positions qu'en qualifications, mais avec des pilotes inversés : Fautif en essais libres, Charles Leclerc a pris un bon départ depuis la sixième place sur la grille et termine quatrième, à près de 20" de Piastri, grâce notamment à un bon rythme dans la phase centrale avec les pneus durs , Carlos Sainz trébuche au contraire sur une course anonyme, après un week-end correct en essais. Mais pour Ferrari, c’est la soupe à la grimace de toute façon. Les évolutions introduites après Monaco ne fonctionnent pas, et la Scuderia n’avait pas le rythme sur un circuit qui normalement devait leur correspondre. Les ambitions de titre, subtilement évoquées après le triomphe monégasque de Leclerc, sont remises au placard…
Sergio Perez sauve les meubles avec la 7e place, après être une nouvelle fois parti très loin après son crash en qualifications. Suite à cette nouvelle bourde (1 seule Q3 sur les 7 derniers week-ends de course !) le mexicain est clairement sur un siège éjectable, et le prochain GP de Belgique devrait sceller son sort.
Plus loin, on notera que Stroll arrache le point de la 10e place devant un Alonso assez transparent depuis quelques courses. Rien à dire sur Alpine, qui a foiré les qualifications et qui doit se contenter d’une piteuse 18e place avec Ocon, alors que Gasly abandonne encore sur une panne hydraulique…
Championnats
Au championnat, Verstappen reste un solide leader avec 265 points contre 189 à Norris. Après plusieurs courses « sans », Leclerc reprend un peu d’air grâce à cette bonne 4e place et conserve la 3e du championnat pilotes, avec 162 points, talonné par Sainz (154) et Piastri qui se rapproche à 149.
Gros choc cependant au championnat des constructeurs : McLaren dépasse Ferrari à la deuxième place (338 contre 322) et surtout revient à 51 points de Red Bull, devenant ainsi son challenger officiel et un sérieux prétendant à la couronne. Red Bull « court sur une jambe » comme l’a dit Christian Horner ce week-end, et donc la menace « papaya » se confirme.