La F1 semble être le reflet du monde : les inégalités se creusent ! Derrière les trois top teams, la bagarre a été intense mais pour rafler les miettes. Tant et si bien que l’expression « Formule 1.5 » a été popularisée.
Deux statistiques sont révélatrices : sur un total de 2121 points distribués en une saison, les 3 top teams ont engrangé 76,8 % des points en 2016 (1631), 73,4 % en 2017 (1558) et…77,5 % en 2018 (1654). Enfin, le meilleur des autres, Nico Hulkenberg, finit 7e du championnat avec 69 points, alors que Sergio Perez, « meilleur des autres » en 2016 et 2017, avait récolté respectivement 101 et 100 points. Alors que Perez comptait 68 points de retard en 2017 sur Verstappen (6e avec 168 pts), Hulkenberg cette année accuse un retard de 101 points sur Daniel Ricciardo, 6e de l’exercice 2018. Par contre, les écarts se sont resserrés dans le milieu du plateau : Haas, Renault et Force India se sont disputés les places d’honneurs, Sauber et Toro Rosso s’étant mêlés épisodiquement à la bagarre. McLaren a fait illusion en début d’année avant de sombrer et Williams n’a jamais été dans le coup. Entre le top 3 et le reste du plateau, un gouffre…La nouvelle donne technique en 2019 va-t-elle brouiller les cartes ?
RENAULT, doucement mais sûrement
Le losange a rempli son objectif et suit son plan de marche, avec une 4e place constructeur méritée. Toutefois, la marche est encore très haute pour raccrocher le wagon de tête : Sainz termine à 1’12 d’Hamilton à Abu Dhabi, et les monoplaces jaunes ont fini à plus d’un tour au Mexique et au Brésil. Les performances de la RS18 ont beaucoup oscillé cette saison, avec des variations de performances très fortes d’un circuit sur l’autre et des écarts de rythme entre les qualifications et la course assez déroutants. L’arrivée de Ricciardo est évidemment le gros coup de l’été, qui devrait-espérons-le – donner un coup de fouet à l’écurie.
Hulkenberg (7e, 69 points) 14,5/20
Toujours sans le moindre podium à son actif -série record en cours- Nico Hulkenberg peut se consoler avec le titre honorifique de « meilleur des autres ». Battant Sainz 13 à 8 en qualifications, l’Allemand a été moins dominateur en course. Sa saison a connu une très bonne première moitié puis Hulkenberg est rentré dans le rang, commettant quelques erreurs dont une grossière à Spa. Une fin de saison un peu léthargique qui doit alerter, car l’an prochain, Ricciardo sera un morceau bien plus coriace que Sainz.
Carlos Sainz (10e,53 points) 14/20
Un cran en dessous d’Hulkenberg en vitesse pure, Sainz a néanmoins accompli une saison très correcte, avec application et maturité. Il a eu des jours sans mais a été moins impliqué dans les incidents, réussissant aussi quelques courses très solides, comme la dernière à Abu Dhabi achevée en 6e position. Son passage chez Renault fut bref, mais il garde un lien dans sa nouvelle équipe. Il plonge un peu dans l’inconnu avec McLaren.
HAAS, la bonne surprise
L’écurie américaine a créé la sensation avec une nette montée en puissance. Très performantes en qualifications, les monoplaces US étaient moins fringantes en course. La VF-18 fit même le grand écart, très à l’aise sur certains circuits et totalement larguée sur d’autres. Les mauvaises langues ont insisté sur les liens très étroits entre Haas et Ferrari – au point de la qualifier de « team B », mais force est de constater que l’approche pragmatique de Gene Haas est payante. Appliqués, sans fioritures, les américains doivent encore engranger de l'expérience. Par contre, ils ne se sont pas fait que des amis dans le paddock et les polémiques – avec Renault d’abord, puis Force India ensuite – ont aussi rythmé la vie de l’écurie. Avec davantage de réussite – le fiasco improbable de Melbourne ne passe toujours pas- Haas F1 aurait même pu contester la 4e place à Renault mais le bilan demeure très encourageant.
Romain Grosjean (14e, 37 points) 12,5 /20
Le Français est passé par tous les états cette année. La première partie fut totalement désastreuse, marquée par le crash-gag de Bakou et le drift irresponsable de Barcelone, qui ravivèrent le spectre de 2012, quand Grosjean avait acquis sa réputation de « dingue du premier tour » (dixit Webber). Pour un pilote de son expérience, cela faisait mauvais genre ! Sa place n’a tenu qu’à un fil mais, après un gros travail sur lui-même, il a su redresser la barre avec brio, reprenant l’ascendant sur Magnussen et enchaînant de belles prestations, avec en point d’orgue la superbe 4e place en Autriche. Les points perdus à Monza- il n’y est pour rien- auraient pu lui valoir un meilleur classement final. En performance pure, il n’a rien perdu de sa vitesse mais s’est retrouvé trop souvent impliqué dans des contacts, des accrochages, des incidents qui ont sérieusement entamé son permis à points. On lui pardonnera sans doute beaucoup moins en 2019 si la Haas maintient son excellente forme.
Kevin Magnussen (9e, 56 points) 14/20
Magnussen réalise sa meilleure saison. Toujours très rude en piste, le danois a été parfois limite, comme à Bakou avec son coup de volant contre Gasly. Néanmoins, il a fait montre de belles qualités dans la gestion des courses et des pneus, signant deux 5èmes places. Il est rentré dans le rang sur le dernier tiers de la saison mais n’a pas commis beaucoup d’erreurs, ramenant 20 points de plus que son équipier.
FORCE INDIA, sauvée des eaux
L’écurie, perturbée par les démêlés judiciaires de Vijjay Mallya, filait vers la faillite avant le retournement de situation de l’été. Placée sous administration judiciaire suite à une action lancée par Sergio Perez, l’écurie était rachetée par un consortium dirigé par Lawrence Stroll et devenait Racing Point Force India. En échange d’une remise à zéros des points, l’écurie obtint surtout de conserver ses droits sur les primes. Force India a cependant plus fait parler d’elle en dehors que sur la piste. L’écurie a produit une monoplace moyenne, assez homogène mais moins fringante que les années précédentes. L’argent frais du magnat Stroll fera-t-il décoller la nouvelle entité ?
Sergio Perez (8e, 62 points) 14/20
Cette fois-ci, Sergio ne sera pas le meilleur des autres, contrairement à 2016 et 2017. Dominé en vitesse pure par Ocon, le Mexicain, malin, a compensé par son expérience de la course, son agressivité en piste -parfois trop- et sa bonne gestion des pneus. Il peut se targuer d’être le seul pilote ne faisant pas partie de l’un des 3 top teams à avoir décroché un podium, à Bakou. Toujours solidement soutenu financièrement et intimement lié à Force India, Perez est désormais en position de force avec le départ de Ocon.
Esteban Ocon (12e, 49 points) 13/20
Le Français a été le dindon de la farce du marché des transferts, mais on peut espérer que son purgatoire de 2019 n’est qu’un au revoir. Très rapide sur un tour, Ocon a cependant été souvent dominé par un Perez plus malin en course. Il a réalisé une saison plus brouillonne que l’an passé, ponctuée de nombreux incidents, avec Raikkonen à Bakou, avec Gasly au Castellet, avec Perez à Singapour et surtout à Interlagos avec Verstappen. Le contraste a été saisissant avec sa première saison régulière : plus nerveux en piste, le Français a manqué aussi de réussite, avec des pannes mécaniques récurrentes. Par contre, on a apprécié son gros cœur à Spa ! Sans doute déstabilisé par l’agitation et les rumeurs qui ont accompagné son avenir, Ocon garde la gnaque et attend dans l’ombre la chute de Bottas. A très vite !
McLAREN, quel gâchis.
Cela fait mal de voir ce qu'est devenu ce team mythique. McLaren l’avait pourtant asséné : c’est la faute de Honda ! Le châssis était super et avec Renault, vous allez comprendre ! Le 1er grand prix à Melbourne fit illusion, avec Alonso 5e qui claironnait à la radio « Now we can fight ». L’illusion dura jusqu’à Barcelone où l’introduction des évolutions fut ratée et inefficace. Ensuite, il n’y eut plus rien ou presque. L’aérodynamique de container de la MCL33 – qui rendait 20Km/h à la Renault à Monza ! – transforma la saison en chemin de croix. Alonso comme Vandoorne déplorèrent en fin de saison une monoplace n’ayant pas évolué depuis l’Espagne. Eric Boullier a servi de fusible mais le duo Zak Brown-De Ferran peine à convaincre dans leur capacité à relancer la structure de Woking. Les financent sont précaires et McLaren, sans partenariat rapproché comme peut en bénéficier Haas, risque de continuer à souffrir.
Fernando Alonso (11e, 50 points) 18/20
Qu’on se le dise, le double champion du monde a fait des miracles avec son tractopelle. Une 4e saison de frustration avec McLaren, qui débouche sur une fin de carrière amère, indigne de ce qu' Alonso a été et a apporté à la F1. Le début de l’année avait redonné des espoirs, mais le manque d’évolution – et de moyens surtout – de McLaren a achevé de dégouter Alonso de la F1. Ses succès en WEC et son projet de Triple Crown sont une nouvelle source de motivation pour l’un des plus grands talents de ces 20 dernières années. Beaucoup ont souligné que son départ illustrait d’une certaine manière la crise que traverse la F1. Sa hargne, sa détermination, son charisme, ses petites phrases cultes à la radio vont manquer car c’est un personnage qui s’en va.
Stoffel Vandoorne (16e, 12 points) 11/20
Le parcours du Belge apparaît comme l’un des plus gros gâchis de ces dernières années. Le 21-0 infligé en qualifications par Alonso fait mal, en dépit des théories du complot qui estiment que le belge a été discriminé par rapport à l’espagnol dans le matériel. Mais même en course, l’ancien champion Gp2 a été souvent transparent, sans doute affecté par le manque de confiance ou de reconnaissance que lui a visiblement infligé McLaren. Il a eu le double malheur d’arriver chez McLaren au pire moment de l’histoire de cette équipe, et de tomber sur le rocher Alonso, qui en a détruit bien d’autres avant lui. Massa peut en témoigner. Promu pilote de simulateur chez Mercedes, Vandoorne va essayer de reconstruire sa réputation en Formule E.
SAUBER, la renaissance
Lanterne rouge en 2016 et 2017, Sauber a redressé spectaculairement la tête cette saison : l’effet Ferrari-Alfa Romeo évidemment, l’effet Vasseur aussi, qui a encore montré ses qualités de management, l’effet Leclerc enfin. Souvent étonnante en qualifications et en rythme de course, la C37 a revigoré la vénérable écurie helvétique qui fêtait ses 25 ans de présence en F1.
Charles Leclerc (13e, 39 points) 18/20
Très attendu, le monégasque est évidemment la révélation de la saison et n’a pas déçu. Les quelques petites erreurs de jeunesse bien compréhensibles en début de saison ont laissé la place progressivement à un pilote régulier, excellent gestionnaire des courses et de ses gommes, attaquant quand il le fallait et doté d’une excellente vitesse de pointe. Ses qualifications en Q3 ont impressionné, tout comme son rythme de course. Il a largement éclipsé son équipier et obtenu le Graal d’une promotion chez Ferrari. Trop rapide ? 2019 nous le dira.
Marcus Ericsson (17e, 9 points) 13/20
Le suédois quitte la F1, mais n’a pas à rougir de son parcours. Longtemps méprisé et réduit au simple statut de pilote payant, Ericsson a prouvé cette saison qu’il n’était pas le branque tant décrié. Évidemment, la comparaison avec Leclerc est sévère. Le suédois a été moins fringuant en qualifications, plus brouillon et irrégulier en course, mais il a su réaliser des prestations solides et ramener à plusieurs reprises des points. Son avenir se dessine désormais en Indycar.
TORO ROSSO, la pouponnière Red Bull
Toro Rosso a essuyé les plâtres pour Red Bull avec l’arrivée du V6 Honda, mais l’écurie « junior » s’en est plutôt bien sortie, avec une monoplace bien née et un potentiel technique indéniable. Comme à chaque saison, STR a réalisé quelques coups d’éclat grâce à de bonnes stratégies et une bonne exploitation des gommes. La 4e place de Gasly à Bahrein restera dans les annales de l’écurie, qui retrouvera le revenant Kyvat en 2019 !
Pierre Gasly (15e, 29 pts) 15/20
Éclipsant totalement son équipier, le Français a fait une entrée remarquée en F1. Il a démontré une réelle vitesse, signant de jolies performances en qualifications et a su se mettre en avleur en course grâce à une excellente capacité de gestion des pneus. Gasly a aussi affiché un caractère assez trempé. Il en aura bien besoin face à Verstappen l’an prochain !
Brendon Hartley (19e, 4 points) 11/20
Fin metteur au point, apprécié et salué par Honda pour son feedback technique, l’ancien champion WEC a tout de même souffert en vitesse pure face à Gasly. Rarement mis en lumière pendant les courses, manquant souvent de rythme, il a montré ses limites et n'a pas beaucoup existé. Sa 6e place en qualifs à Suzuka restera une jolie perf à mettre à son actif.
WILLIAMS, retour en 1974
C’est simple : jamais Williams n’avait terminé 10e du championnat constructeur ! Lors de sa première saison « officielle » en 1975, l’écurie avait arraché la 9e place. Rarement une voiture fut aussi loupée ! Inconduisible, au point que Kubica salua la capacité des pilotes titulaires à la maintenir en piste, la FW41 a été un cauchemar. Mais pis encore, comment l’écurie de Grove a-t-elle pu passer de la 3e force en 2014 à la 10e ! Délaissé par les bons ingénieurs, en manque de ressources, l’ancien épouvantail des années 90 fait peine à voir. Le management a aussi été pointé du doigt, et l’engagement de deux jeunes pilotes inexpérimentés et sans réel pédigrée fut à coup sûr un mauvais choix. Une chose est sûre : 2019 ne pourra pas être pire.
Lance Stroll (18e, 6 points) 10/20
Pour sa défense, la Williams n’était pas un cadeau. Mais être battu par Sirotkin 13 fois en qualifications, cela laisse songeur. Plus à son aise en course, le canadien n’a cependant pas fait de miracles et s’est encore distingué par des erreurs assez grossières, comme quand il pulvérisa le ponton d’Alonso à Austin ou qu'il expédia Hartley dans le mur au Canada. Quand la pluie l'aida à passer en Q2 en Hongrie, il termina dans le mur ! Bien aidé par l’argent de papa, le fils du patron devra mettre les bouchées doubles l’an prochain face à Perez pour éviter l’humiliation.
Sergueï Sirotkin (20e, 1 point) 9/20
Merci Haas pour la disqualification à Monza. Sans cela, le russe aura terminé avec une saison vierge de tout point, ce qui fait quand même tâche avec le barème actuel. Assez rapide aux essais – il bat sèchement Stroll dans cet exercice – Sirotkin n’a souvent pas eu de rythme en course, commettant parfois des manœuvres limites rappelant plus un pilote de Gp3 qu’un pilote de F1. Son départ est assez anonyme, comme sa saison d’ailleurs.