Croyez-vous au destin et à la fatalité ? Par une douce matinée d'octobre 2018, je me rendais sur la piste de Ledénon pour prendre le volant de la Peugeot 308 TCR de course. Mais au lieu du traditionnel été indien de la côte méditerranéenne, il fallait affronter les pires averses de la saison juste au moment du roulage, entre deux journées de grand beau temps. Il y a mieux pour libérer le potentiel d'une puissante voiture de course à transmission aux roues avant, dépourvue du moindre système d'assistance de freinage ou d'antipatinage.
Et bis repetita au mois de janvier dernier en rejoignant le superbe circuit de Portimao dans le cadre des essais de la Volkswagen Golf GTI TCR. Alors que les prévisions météo annonçaient un risque de pluie de 0% et un ciel à peine voilé, l'eau ruisselle abondamment sur le tarmac au moment de retrouver les Golf TCR dans la pitlane. D'ici quelques minutes, je prendrai le volant d'une traction de 350 chevaux sans ABS ni traction control. Les horribles souvenirs du roulage de la 308 TCR reviennent instantanément : sur une piste de Ledenon aussi froide que détrempée, les conditions épouvantables rendaient alors impossible le moindre freinage appuyé en fin de ligne droite sous peine de tirer directement dans le bac à graviers, roues bloquées. Elles interdisaient aussi d'accélérer à fond en dehors de la seule grande ligne droite du circuit, entrainant un patinage catastrophique du train avant à la moindre sollicitation. En admettant que l'opportunité de conduire de telles voitures de course tient de l'exceptionnel, il y a vraiment de quoi vous rendre très irritable quand la pluie vient ainsi tout gâcher. Deux fois d'affilée.
Je prend donc le volant d'une GTI TCR chaussée de pneus pluie (sic) avec un autre élément frustrant supplémentaire : il faudra suivre une Golf R SW de route, chaussée de semi-slick, avec l'interdiction absolue de la doubler. Aucun problème dans les lignes droites où ses 310 chevaux lui permettront logiquement de supporter à peu près la comparaison avec une TCR de course de 350 chevaux (équipée du même 4 cylindres 2,0 litres turbo doté d'une cartographie différente). Mais dans les virages, il y a un monde entre une compacte sportive routière et une pure voiture de course, conçue pour freiner un million de fois plus tard et passer deux milliards de fois plus fort en courbe. Au moins je ne bloquerai pas les roues en fin de ligne droite, cette fois...
Notez que contrairement à la Peugeot 308 TCR, la Golf TCR existe avec une boîte à double embrayage très proche de la transmission des Golf R, Audi S3 et autres Seat Leon de route. Mais pour l'avoir déjà essayée précédemment sur l'Audi RS3 LMS et la Seat Leon Cup Racer (deux cousines directes de la Golf TCR également engagées dans la plupart des championnats de tourisme), je sais bien que la boîte séquentielle X-Trac optionnelle fournit un tout autre plaisir de pilotage. Elle coûte 25 000€ de plus (une broutille) mais au moins, elle répond instantanément à chacune de vos impulsions sur les palettes de droite ou de gauche. La DSG, elle, se montre souvent lente au rétrogradage.
Une fois lancé en première vitesse après avoir soigneusement évité de caler avec l'embrayage au pied dans un modèle à boîte séquentielle (heureusement bien plus facile que sur la plupart des voitures de course), vous ne vous occupez plus que des deux pédales d'à côté en changeant de rapport avec les palettes. Et dès le premier virage, je découvre une piste bien mouillée mais nettement moins glissante que celle de Ledenon. Certes, il faut toujours faire attention à ne pas écraser trop fort la pédale des freins, sous peine de bloquer les roues et de filer tout droite comme une vieille savonnette huileuse. Et doser la pédale des gaz avec modération, au risque de faire des burn-out du train avant à chaque sortie de virage. Mais alors qu'il paraissait tout simplement impossible de faire quoi que ce soit sur la patinoire de Ledenon, ces conditions moins extrêmes à Portimao permettent au moins de commencer à jouer avec l'équilibre et la puissance de la machine. La présence de la Golf R ouvreuse devient donc tout de suite un problème, puisqu'elle vous ralentit à chaque freinage puis dans chaque courbe. Même dans la grande ligne droite, la masse inférieure de la TCR (1250 kg environ) et ses 40 chevaux de plus donnent immédiatement envie de faire des appels de phares à la R de route.
Glisse royale
Heureusement le spectacle offert par les pilotes au volant des Golf R, tous engagés à l'année dans divers championnats TCR au volant de Volkswagen, comblait très vite la frustration de devoir rester derrière ces bouchons homologués route. Pour rouler le moins lentement possible et lutter contre le comportement de ces machines naturellement sous-vireuses, leur technique de pilotage consistait à sortir des courbes rapides du circuit en glisse totale (accélérateur à fond), avec un angle qui dépassait parfois les 60 degrés lors des passages les plus audacieux. A plusieurs reprises, j'ai bien cru devoir éviter une Golf R partie en tête à queue tant les figures paraissaient irrattrapables mais non, à chaque fois la voiture de devant parvenait à rester dans le bon sens en dépassant à peine les vibreurs en sortie de courbe. Certains appels-contre appels particulièrement volontaires n'auraient pas choqué dans un Gymkhana de Ken Block, et ils s'exécutaient à seulement quelques centimètres du pare-choc de votre Golf TCR. Du grand art.
Certes bloqué derrière la Golf R funambule, j'avais cette agréable sensation de ne pas piloter une machine complètement noyée par les conditions de piste. De quoi confirmer le fait que celles du roulage à Ledenon en Peugeot 308 TCR se situaient vraiment tout en haut sur l'échelle de la médiocrité météorologique. Fines au freinage, au lever de pied et à la réaccélération, ces machines peuvent tout de même procurer des sensations intéressantes tant que vous n'évoluez pas sur une piste inondée. Mais pour en profiter à leur juste valeur, il faudra vraiment du tarmac sec.