Rendez-vous est donc pris à Kemi, en Finlande. Ici la température est toujours glaciale en ce début de mois mars : - 4°C au meilleur de la journée ; jusqu'à -15°C la nuit. Et au plus profond de l'hiver, il n'est pas rare que le thermomètre aille flirter avec les -30°C ! Ces températures polaires conjuguées à une eau peu salée en raison des nombreux fleuves qui se jettent dans le Golfe de Botnie font que la mer gèle, et se trouve donc recouverte d'une épaisse couche de glace durant une bonne moitié de l'année. En grand fans de pilotage, les Finlandais ont eu l'idée d'y tracer diverses pistes de conduite ; faisant de Kemi le seul endroit du monde où l'on peut légitimement « drifter » sur la mer parait-il. Sous les roues de nos Tesla, 80 cm de glace nous empêchent de nous noyer.
Pas si facile !
Pour cet essai, le constructeur américain a évidemment retenu les variantes quatre roues motrices de ses Model S et Model 3 mises à notre disposition. Une occasion rêvée de mesurer les différences de comportement entre les deux berlines électriques. Notre expérience débute en passager au volant d'une Model S. Les Finlandais ont ça d'énervant, c'est que la conduite sur glace leur paraît d'une évidence décontenançante. On a l'impression qu'ils sont nés avec un volant en main ! Ainsi, dans le siège de droite – comme à chaque expérience de Winter Driving – rien ne semble plus facile que de garder la voiture dans la trajectoire : les mains de mon instructeur ne bougent pas du volant, ses mouvements sont précis, calculés, presque lents, et interviennent toujours avec beaucoup de douceur. Et pourtant la voiture est en glisse à peu près partout ! Contrôler le drift semble même un jeu d'enfant.
Et comme à chaque fois, je me rends vite compte que ce qui paraissait enfantin il y a un instant réclame en fait une extrême dextérité une fois derrière le volant... L'impulsion au volant est donnée une fois trop tôt, une fois trop tard, et la voiture ne reste jamais bien longtemps dans la direction voulue. L'ESP - que nous n'avons pas pu désactiver complètement – évite toutefois d'aller taper l'un ou l'autre mur de glace. On est donc content lorsqu'on parvient enfin à réaliser un tour à peu près propre. Amusant, mais physique !
Jeu de glisse
Dans ces conditions, les différences entre les deux berlines sont notables. La Model S paraît presque trop sage. Lourde (2.196 kg à cause de la batterie) et imposante, elle s'avère plus compliquée à faire décrocher, et à maîtriser une fois en glisse. A ce petit jeu, la Model 3 tire parti de sa légèreté pour se faire nettement plus joueuse. Bon il faut relativiser, car la plus petite des Tesla pèse tout de même 1.847 kg dans cette configuration Performance, mais elle se laisse bien plus gentiment dériver et dompter dans les mouvements d'appui. Dans cette dernière situation, elle se montre moins « castratrice » que sa grande sœur, malgré une tendance à vouloir corriger un peu trop la trajectoire une fois au point d'équilibre. Cela peut se traduire par un léger sous-virage. Etonnant, non ?
Avec leurs deux moteurs, les Américaines peuvent se targuer d'une répartition du couple parfaite en toutes circonstances. Ajoutez à cela les pneus cloutés typiques des pays nordiques, et vous obtenez une traction optimale en toute situation. Et cela peut faire une vraie différence lorsqu'il s'agit de remettre les gaz pour tenir une glissade ou corriger une trajectoire. Au final, ces Tesla se sont d'ailleurs montrées plus faciles à maîtriser que les autres modèles avec lesquels j'ai déjà pu participer à ce genre d'activité. Les instructeurs de la piste trouvaient d'ailleurs qu'elles étaient presque « trop faciles » à conduire. Eux le regrettent sans doute, mais pour Mr et Mme Toutlemonde, la sécurité est indéniable !
Batterie faible ?
Et quid de la tenue de la batterie dans ces conditions hivernales ? Sans surprise, la conduite sur circuit est assassine pour l'autonomie : 30 km grappillés sur la batterie à chaque tour d'environ 3 km...
Mais une portion sur route nous permettra d'estimer ce que cela donne en conditions de roulage plus réelles. Nous partons au volant d'une Model S pour un petit périple. Les premiers kilomètres effectués en ville n'augurent rien de bon : près de 500 Wh/km au moment de quitter Kemi. Mais très vite, au fur et à mesure que les kilomètres de nationales s'enchaînent au milieu des interminables forêts finlandaises, l'ordinateur de bord nous redonne espoir en redescendant à des valeurs nettement plus attendues. Et au final, nous atteignons notre destination avec une consommation moyenne de 255 Wh/km ; soit 25,5 kWh/100 km. Une valeur honorable, compte tenu des sièges chauffants et du chauffage pleinement activés.
Un « coffee break » plus tard, nous voilà repartis, au volant d'une Model 3. Là encore, nous prenons soin de réinitialiser le « trip » à l'écran. Retour par l'autoroute cette fois. Sans doute pas le meilleur moyen d'économiser la batterie de prime abord. Mais c'était sans compter sur les limitations de vitesse drastiques : 100 km/h ! A cette allure, la batterie n'est pas trop sollicitée, et l'on arrive à destination avec un convaincant 22,5 kWh/100 km. Des valeurs finalement très proche de celles obtenues sous nos latitudes dans des essais similaires, qui soulignent l'excellente gestion de l'énergie dont font preuve les Tesla. La concurrence devrait en prendre le graine...