Pour le prix d'une Alpine A110S ou d'une Porsche Cayman 718 S, vous pouvez acheter un fourgon aménagé Volkswagen possédant des toilettes chimiques, une douche en plastique et un moteur diesel de 177 chevaux. Voilà l'occasion parfaite pour essayer de comprendre cette étrange communauté des adeptes du camping-car. Qui sont-ils ? quels sont leurs réseaux ? Pourquoi roulent-ils aussi doucement sur la route ? Nous avons décidé d'enquêter sur ce grand mystère du tourisme européen.
Il se vend parait-il chaque année en France quelques 25 000 camping-cars et autres véhicules aménagés pour le stationnement en milieu naturel. Voilà qui aide à comprendre pourquoi, quelque soit la saison de l'année, on finit toujours par se retrouver bloqué derrière l'une de ces grosses camionnettes transformées sur les plus belles routes du pays. Mais pourquoi roulent-elles toutes à une vitesse d'environ 40 kilomètres / heure maximum ? Peut-on pardonner ces conducteurs ou cherchent-ils délibérément à pourrir la vie des autres automobilistes ? Pour le savoir, nous sommes donc partis essayer le Volkswagen Grand California sur un terrain très prisé des retraités allemands (qui s'y déplacent d'ailleurs souvent eux aussi en camping-car avec une tenue vestimentaire confortable) : le Portugal.
Camping Paradis
Dans la gamme de Volkswagen, certains connaissent le California. Cette version du van Transporter modifiée pour le camping, dont le look s'inspire évidemment du vieux Combi haut en couleurs cher aux hippies des années 60 et qu'on imagine généralement conduit par un surfeur (ou un punk à chien en détresse sociale dans d'autres cas). Le Grand California, lui, ne ressemble pas vraiment à une icône hype du voyage, de l’hédonisme et des pratiques sexuelles expérimentales. Beaucoup plus gros (long, large et haut comme un camion de livraison), le Grand California ressemble beaucoup plus à un gros utilitaire transformé en camping-car. Et pour cause, il s'agit précisément d'un Volkswagen Crafter dont l'intérieur s'équipe de toute le nécessaire à un séjour prolongé loin de toute forme de confort sanitaire.
De série, le Grand California possède une salle de bain équipée d'une douche et de toilettes chimiques, alimentée par une réserve de 100 litres d'eau. D'un système de chauffage de l'air et de l'eau au gaz, d'un frigo de 70 litres, d'une table de camping amovible et de ses chaises, d'une cuisinière à gaz, d'un tau extérieur déployable, de nombreuses prises USB et classiques ainsi que deux couchettes bi-places (soit 4 places de couchage au total). Le niveau de technologie embarquée présente de quoi impressionner les néophytes du camping, mais sans doute aussi les vétérans du couchage hors-sol : une multitude de commandes à l'interface hi-tech permettent de gérer tous les paramètres internes (température, éclairage, fonctions diverses et variées), un peu comme dans un hôtel de luxe. Sauf qu'ici, la taille de la salle de bain et des couchages n'égale pas celle d'une chambre d'un Ibis Budget. Et pour déféquer sans la moindre gène, mieux vaudra demander à vos amis de sortir du Grand California pendant votre commission, à moins d'être particulièrement détendu en la matière. Notez par ailleurs que j'ai dormi comme un bébé dans le Grand California grâce à la centrale de chauffage du véhicule qui maintient la température souhaitée, même s'il fallait composer avec mon odeur corporelle et mon haleine qui se diffusaient dans tout l'habitacle le lendemain matin.
Une pièce, trois tonnes
Motorisé par un TDI de 177 chevaux accouplé à une boîte automatique 8 rapports, le Grand California conserve logiquement le poste de conduite du Crafter normal. L'environnement fleure bon la technologie de pointe malgré l'inévitable finition rugueuse d'utilitaire, et l'engin vous place très haut aux commandes d'un petit camion de trois tonnes à vide. Mais malgré les trois mètres de haut qui donnent l'impression de risquer le tonneau au moindre virage trop serré, cette grosse maison roulante se conduit avec une grande facilité qui pousse tout de suite à observer une allure de conduite tout ce qu'il y a de plus normal. Ou, si vous aimez les situations surréalistes, à adopter un rythme franchement enjoué. Je n'aurais jamais imaginé dépasser un jour des berlines au volant d'un gros camping-car, ni même flirter avec le grand excès de vitesse sur autoroute. Certes, le centre de gravité vertigineux pousse à une certaine prudence lors de chaque virage. Et malgré le système électronique de gestion des vents latéraux, l'engin n'offre évidemment pas la tenue de cap d'une vraie voiture à vitesse de croisière. Mais cette confortable bétaillère familiale peut circuler sans honte sur la voie de gauche d'une autoroute ! Il suffit juste de ne pas laisser de mobilier n'importe où dans la pièce à vivre sous peine de tout casser en cinq minutes. Mais non, rien ne justifierait le fait de se traîner honteusement devant une fille d'automobilistes écoeurés le long d'une petite rouge de montagne. Admettons tout de même que certains vieux camping-cars qu'on croise parfois, dotés de cellules en plastique simplement posées sur le châssis, souffrent d'une rigidité sans rapport avec celle de cet engin qui conserve les renforts de sa structure.
Mais pourquoi ?
Sauf qu'à 64 000€ sans options, quelque soit le degré de luxe et de technologie offert par ce Grand California haut de gamme, il faut vraiment faire partie de ces intégristes du camping pour consentir à investir une telle somme dans un engin dont la seule vocation est de partir en vacance en économisant l'hôtel. Difficile de donner notre avis, nous qui rêvons plutôt de rouler en voiture de sport sur les plus belles routes du monde en permanence avant de descendre à l'hôtel du coin et vider quelques bières au bar puis poursuivre l'exploration routière et gastronomique le lendemain. Et quitte à vouloir absolument dormir n'importe où dans son propre véhicule, le sex-appeal du California normal et son tarif plus abordable (à partir de 46 260€) n'inciteraient-ils pas à se contenter du petit frère ? Une chose est sûre en tout cas : si vous vous retrouvez un jour derrière un Grand California qui se traine lamentablement sur une route, dites-vous que son conducteur le fait vraiment exprès.