Le Junior Veloce est donc la version sportive du crossover électrique d’Alfa Romeo. Encore en phase d’homologation, il n’a pas été testé sur route mais sur le circuit du Driving Center du circuit du Castellet. C’est donc casqués et libérés de toute retenue induite par la conduite sur route publique que nous avons pu appréhender la nouvelle petite bombe milanaise. Evidemment, le passage à l’électrique est délicat pour une marque comme Alfa Romeo qui a construit son image sur la sportivité de ses berlines et des mécaniques thermiques racées. Comment trouver du plaisir et de l’émotion quand on a été bercé au son du bialbero et du V6 Busso ? Nous allons essayer d’y répondre.
La gueule de l'emploi
Visuellement, nous ne revenons pas en détail sur la ligne générale, qui a déjà été analysée dans l’article dédié à l’Elettrica 156. Mais force est de constater que ce Veloce a de la « gueule ». Les raisons ? D’abord, la hauteur de caisse est abaissée de 25mm par rapport à l’Elettrica, puis le modèle est équipé de jantes 20’’ Venti du plus bel effet, chaussées de Michelin Pilot Sport EV de 225/40 R20, qui forcément donnent une allure musclée et nerveuse au B-SUV. Pour le coup, jamais un crossover de la plate-forme eCMP n’avait eu une allure aussi méchante. A l’intérieur, ce sont évidemment les sièges Sport Sabelt qui attirent le regard, avec leur superbe design. Le reste de l’habillage est dominé par le noir, l’Alcantara et des surpiqûres rouges, typiques de la finition évoquant la sportivité. On aurait aimé cependant un peu plus de différenciation par rapport à l’Elettrica 156, plus de « latinité » et de folie dans le design de l’ensemble.
Une puissance inédite pour la eCMP
Sous le capot, le Junior Veloce embarque la nouvelle génération du moteur électrique M4+, déjà étrenné par le Peugeot e3008 dans une version assagie de 210 CV. Cette fois-ci, il délivre une puissance inédite de 207 kW / 280 CV et un couple de 345 Nm, associé à la toute dernière batterie de 54 kWh. Développé conjointement par Alfa Romeo Engineering et par la joint-venture entre l'équipe Stellantis Engineering Propulsion Systems et Emotors, le nouveau groupe motopropulseur a été conçu pour répondre aux objectifs spécifiques de l'équipe Alfa Romeo. Initialement prévu pour 240 CV, il a finalement été poussé à 280 CV. Grâce à la puissance et au couple élevés - il atteint un pic de 15 200 tr/min et le couple maximal est constant entre 250 et 4 875 tr/min, le tout avec une calibration spécifique, le Veloce promet une accélération de 0 à 100 km/h en seulement 5,9 secondes et une vitesse de pointe de plus de 200 km/h.
La gestion électronique de la chaîne de traction a été retouchée pour permettre à la batterie de délivrer le plus gros pic d’intensité possible. Le refroidissement des composants a été optimisé en agissant sur la gestion électronique mais aussi sur l’avant du véhicule. Pour augmenter le refroidissement mais sans avoir trop de déperdition aérodynamique, on constate que les grilles d’aération de la partie inférieure de la calandre sont asymétriques, un côté étant fermé, l’autre non, pour obtenir un compromis entre besoin d’air frais et nécessité d’efficacité aéro. Bien que le poids soit contenu sous les 1600 kilos -1560 exactement, bien mieux que la concurrence - il faut pouvoir freiner et Alfa Romeo n’a pas lésiné sur les moyens, en installant sur les roues avant des disques de 380 mm pincés par des étriers à quatre pistons, qui délivrent 1,12G de puissance de freinage, ce qui, pour parler concrètement, représente 33 mètres de distance de freinage pour passer de 100 à 0 Km/h. Un dimensionnement inédit pour un petit crossover !
Un châssis transfiguré
Outre le moteur, l’autre travail conséquent s’est porté sur le châssis. Et n’oublions pas que celui du Junior a été développé par les ingénieurs ayant travaillé sur la Giulia GTA, les dernières QV et même la 8C. Pour obtenir l’efficacité maximale, la suspension est une combinaison éprouvée du schéma McPherson à l'avant et du pont de torsion à l'arrière, pour garantir une tenue de route optimale et un grand confort dans toutes les conditions de conduite. En détail, le système de suspension avant adopte une nouvelle barre antiroulis et une nouvelle jambe de force pour une réponse directe. Associée à un bras de direction plus court, cette nouvelle jambe de force permet au Junior d'obtenir un rapport de direction de 14,6:1, qui est considéré comme le meilleur de la catégorie. La suspension arrière dispose d’une barre de torsion exclusive et des amortisseurs spécifiques avec des ressorts à double butée hydraulique ont été choisis pour les deux essieux.
La grande innovation, décisive dans le comportement du Veloce pour transférer toute la puissance au sol et garantir une conduite sportive et amusante, est l’introduction du nouveau différentiel mécanique à glissement limité TorSen "D". Première application sur un véhicule électrique à traction avant, le système est l'évolution d'un dispositif inauguré par la 147 Q2 en 2006. Cette version D, plus légère et compacte, est chargée de répartir le couple de manière dynamique et cohérente entre les roues motrices avant, en fonction des conditions de conduite et de la surface de la route. Pour maximiser les avantages de la traction avant, Alfa Romeo a implanté ce nouveau différentiel mécanique pour augmenter considérablement la tenue de route, la traction et la stabilité au lever de pied. En même temps, il doit atténuer le sous-virage à l'accélération, les interventions des commandes électroniques et les effets de couple dans la direction (vibrations du volant).
On lâche les chevaux..euh..les watts !
Bon, il est temps de passer à l’action ! Nous avons pu prendre en main le Veloce pour deux sessions de 10 minutes environ, sur le Driving Center du Paul Ricard. Le tracé de 1,6 kilomètres est intéressant car si sa ligne droite est assez courte, il propose surtout des enchaînements qui permettent de titiller les appuis, les changements d’angle ainsi que les accélérations et les gros freinages.
Le Veloce porte bien son nom certainement, mais, à la fois pour la maîtrise de la conso énergétique et pour ne pas aller au-delà de ce que le châssis traction peut endurer, l’accélération est assez linéaire. Vous n’aurez pas de « coup de pied aux fesses » magistral mais, si l’on ne sent pas forcément qu’il y a l’équivalent de 280 CV, l’accélération est bien là, d’autant que le Veloce est plus léger que la concurrence et que le niveau de puissance se maintient bien sur une utilisation prolongée. Les performances brutes sont similaires à celles d’un BMW iX1 xDrive30, doté de deux moteurs et de 320 CV ! (Mais plus lourd avec une plus grosse batterie)
A l’accélération, un petit bruit électronique se fait entendre, mais il reste assez discret. Là encore, peut-être aurait-on pu se lâcher un peu plus, sans forcément tomber dans le bruitage de console de jeux façon Ioniq N. Avec 345 Nm de couple, les relances sont très bonnes en sortie de virage. Petite précision, le couple maximal est disponible dès le mode « natural », alors que le mode « dynamic » va rendre la régénération plus agressive. En mode efficience, le couple retombe à 300 Nm. Au niveau de la puissance, on dispose de 150 CV en « advanced efficiency » et de 200 CV en natural.
On peut s'amuser avec une électrique
Nous attaquons franchement, dans la mesure de nos capacités et, pour être franc, on s’amuse. Le Veloce prend sans crainte les vibreurs, tient très bien sur les gros freinages et surtout, l’effet du différentiel Torsen se fait bien sentir, notamment dans le « pif paf » en début de circuit, où l’on enchaîne un gros freinage, un petit virage sec à droite pour ensuite enrouler sur un gauche en devers et en montée, lequel ouvre ensuite sur une sorte de courbe parabolique qui va commander la ligne droite. On peut franchement y aller, changer de manière abrupte de cap, enchaîner les courbes et réaccélérer franchement en sortie.
Le Veloce répond présent, permet de bien s’inscrire dans les virages, avec un arrière un peu joueur et le différentiel fait le taf pour ne pas brider le conducteur. La e-CMP est transfigurée. Surtout, même en attaquant franchement, on ne se sent jamais fébrile. Très bonne stabilité sur les freins, bon feedback de la direction, excellent mordant, on sent que l’on a de gros Brembo et que l’on peut appuyer franco ! On ne se sent jamais pris en traître, quand bien même le survirage finit par arriver et que les pneus crissent à l’usure.
Conclusion
Le Junior a-t-il inventé le concept de B-SUV GTi ? En tous cas, chapeau aux ingénieurs Alfa qui ont réussi à faire, à partir d’une plate-forme e-CMP au comportement neutre, une voiture électrique sportive et plaisante à conduire. Peut-on lui accorder un peu de « cuore sportivo », malgré une électrification qui, aux yeux d’un alfiste pur et dur, demeure une aseptisation insurmontable ? On ne peut pas dire que la magie opère – difficile d’égaler la sensation du V6 2.9 des QV quand le biturbo se déclenche ou de retrouver les frissons du V8 rugissant de la 8C - mais accordons-lui de réelles qualités dynamiques qui permettent de s’amuser.
Nul doute que le point noir de toute cette histoire, c’est l’autonomie. A vrai dire, nous n’avons pas trop regardé cette donnée pendant les essais, tout au plus a-t-on aperçu vite fait des pics de consommation à 50 kWh…L’autonomie officielle est annoncée à 360 kilomètres, mais absolument pas à ce rythme effréné…qui, de toute façon, n’est pas recommandable hors d’un circuit ) qu’en serait-il réellement ? Moins de 150 sans doute, ce qui limite les possibilités de s’amuser loin des agglomérations, là où peut se trouver son terrain de jeu fétiche. A noter qu’elle est équipée d’un chargeur embarqué d’une puissance de 11 kW, avec une batterie dont le pic de charge 100 kW permet de passer de 10 à 80 % de charge en 30 minutes selon la fiche technique.