L'American Le Mans Series et le Grand-Am ont vécu. L'an prochain, ils cèderont leur place à l'United SportsCar Racing, le TUSC comme on l'appelle déjà (à cause de son sponsor titre, Tudor.) Un nouveau chapitre dans la tortueuse histoire de l'endurance US.L'histoire débute en Nouvelle Angleterre, dans une ambiance bourgeoise. Les frères Collier adorent les 24 heures du Mans. Or, à l'époque, il n'y a pas vraiment de course de "sport", ni de circuits routiers permanents ou semi-permanents. Les Collier créent donc tout eux-mêmes, via l'Automobile Racing Club of America (ARCA ; à ne confondre avec la discipline actuelle, proche de la Nascar), en 1933. Comme son nom l'indique, l'ARCA organise avant tout des courses de club pour gentlemen-drivers. Les pilotes privilégient les voitures européennes. Notamment les MG, qui sont importées par... Sam Collier. L'entrée en guerre des Etats-Unis signe la mort de l'ARCA.
Après-guerre, nombre d'anciens de l'ARCA se réunissent de nouveau pour créer le SCCA (Sports Car Club of America). Les roadsters européens commencent à envahir les Etats-Unis. En parallèle, le pays est plein de bases aériennes en mal d'activité depuis la fin des hostilités. Les commandants sont bien contents de louer les lieux, ne serait-ce qu'un week-end. Avec quelques bottes de paille, les pistes deviennent un circuit ! La base de Sebring sera ainsi convertie de façon définitive.
En quelques années, la SCCA se professionnalise. Les pilotes du dimanche sont remplacés par des professionnels (Phil Hill, Carroll Shelby, Ken Miles...) Des circuits routiers permanents (Lime Rock, Watkins Glen, Sears Point, Virginia International Raceway...) poussent comme des champignons. Les grosses GT remplacent les roadsters britanniques. Les écuries européennes profitent des 12 heures de Sebring pour s'offrir des mini-tournées US (afin de rentabiliser le voyage), l'occasion pour les uns et les autres de se mesurer. Bill France n'aime pas particulièrement les Européens ou les 24 heures du Mans. Mais il aime bien l'argent. En créant les 24 heures de Daytona, il amortit son superspeedway et il profite de la présence des Européens.
En Europe, les GT se font chasser par les prototypes, toujours plus puissants. En 1966, la Can-Am les accueille aux Etats-Unis. C'est un championnat composé de sprints. Plutôt généreux en primes d'arrivée, il attire Lola et McLaren. C'est là aussi que Chaparral, Shadow et Penske se font un nom. L'arrivée de Porsche lui est fatale. En gagnant presque toutes les courses de 1973, la monstrueuse 917/30 tue la série. Elle repart à la fin des années 70, avec des F5000 recarrossées, puis disparaît dans l'anonymat général.
Les 24 heures de Daytona sont une épreuve-phare sans championnat. France s'associe à John Bishop, venu de la SCCA, pour monter un championnat. Bishop monte l'International Motor Sport Association (IMSA.) Dans un premier temps, l'IMSA organise des épreuves de monoplaces et de voitures de tourisme (dont une coupe R5 !) Il se met aux GT à la fin des années 70. Le déclin de la Can-Am lui apporte concurrents et pilotes.
L'IMSA se taille une réputation sulfureuse. Les pilotes viendraient des bandes qui écument Mulholland Drive ! Les patrons d'écuries seraient tous des trafiquants de drogue ! Les multiples affaires (Randy Lainer, les frères Wittington, les Paul père et fils...) confortent l'opinion... L'IMSA connait son apogée dans les années 80. Porsche y vend des 956 et 962 en quantités industrielles. L'argent coule à flot. D'où la présence de stars comme les Andretti, les Fittipaldi ou les Unser. Par la suite, face au déclin des Groupe C, l'IMSA tente de pousser les "GT" (des protos silhouette.) Faute de concurrents, il se tourne vers les WSC, un autre feu de paille.
Au milieu des années 90 les problèmes s'accumulent. Ils sont à la fois personnels (Bishop doit passer la main), sportifs (les WSC ont du mal à "mordre") et financiers (les cigarettiers et les alcooliers sont plus encadrés.) En 1996, l'IMSA fait faillite et est remplacée par le Professional Sports Car Racing (PSCR.) Bill France Jr, Roger Penske et Bishop font sécession sous la bannière United States Road Racing Championship. Ils bâtissent un championnat autour de Daytona, laissant Sebring au PSCR. Un troisième larron apparait : Don Panoz. Fan des 24 heures du Mans, il commence par organiser un "Petit Le Mans". Puis, en 1998, il lance l'American Le Mans Series, au règlement calqué sur celui de l'ACO.
Après quelques saisons de tâtonnements, l'USRRC, alias Grand-Am, conçoit sa voiture, les Daytona Prototype. Les DP sont des voitures à châssis communs, peu chères et indestructibles. Problème : elles sont moches. Des équipes comme Ganassi s'engagent avec des anciens de l'Indycar ou du Nascar. Lorsque le calendrier le permet, certains pilotes de ces séries s'offrent des piges en Grand-Am.
L'ALMS rachète sans problème les restes du PSCR. La série mise sur la présence de grandes équipes "usines" et de GT. Dans un premier temps, l'ALMS semble mieux s'en sortir que la confidentielle Grand-Am. Elle s'offre même une série européenne, l'ELMS. Mais le retrait des constructeurs (ou leur refus de vendre à des privés leurs LM P1) décime le plateau.
La scission Grand-Am/ALMS fait du tort aux deux parties. Néanmoins, les discussions trainent. En 2013, un accord est enfin trouvé. En 2014, l'United SportsCar Racing sera théoriquement une fusion des deux championnats. En pratique, c'est davantage une absorption de l'ALMS par le Grand-Am. Une nouvelle ère va s'ouvrir...
Crédits photos : Audi (photo en une et photos 13 et 18), Porsche (photos 1, 7, 8, 12, 19 et 20), Ford (photos 2, 4, 6, 10 et 11), Nissan (photos 3, 9, 14 et 15), GM (photos 5 et 22), Chrysler (photo 16) et BMW (photos 17 et 21)
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