Les essais sur le circuit de Magny-Cours furent l'occasion pour les différents acteurs du projet 56 de nous présenter leur vision de la voiture révolutionnaire du sport-auto. Ingénieurs châssis, motoriste et manufacturier pneumatique, tous travaillent de concert dans une ambiance détendue mais studieuse pour arriver à leur but : voir le drapeau à damier après 24 heures de course.
Légende vivante du sport auto, Don Panoz a tout de suite senti que la DeltaWing avait le potentiel pour révolutionner la discipline du sport-auto et plus précisément de l'endurance : "Ce projet est excitant, et voir à quel point les journalistes auto couvrent le projet est incroyable. La DeltaWing a une allure radicale et quand on la voit pour la première fois on se demande si elle va tourner ou si elle va décoller. C'est une voiture verte sans batterie mais avec une utilisation intelligente des pneus et du moteur".
L'homme est autant impressionnant qu'il est disponible et toujours prêt à répondre aux questions posées - voire à raconter une bonne blague. Le projet DeltaWing est une nouvelle pierre posée par ce grand bonhomme dans le jardin de l'endurance. Celui qui avait bousculé le petit monde de l'endurance avec son Esperante GTR-1 au look déjà radical et son gros V8 américain revient au Mans après 4 ans d'absence avec un nouveau projet toujours autant décalé.
Pascal Couasnon, directeur de la compétition chez Michelin ne tarit pas non plus de superlatifs pour qualifier le Projet 56. L'innovation a toujours été au coeur de l'ADN du manufacturier de Clermont-Ferrand et c'est donc tout naturellement que Michelin s'est impliqué à 200% dans le projet. Le plus grand défi de Michelin fut de développer un nouveau type de pneus en partant de zéro et sans aucune donnée de tests. Les pneus ont entièrement été développés par simulation informatique avant le premier roulage.
De ce projet, Michelin retire déjà beaucoup de bénéfices. Ils ont pu en effet développer leurs outils de simulation et par la nature même des pneus requis par la DeltaWing, ils ont pu mettre en oeuvre de nouvelles structures des carcasses, mais également des gommes qui doivent répondre à des contraintes hors norme en sport-auto. Le poids réduit (575 kg homologués) de la DeltaWing mais également le couple de son moteur moindre que sur les prototypes habituels permettent des dimensions absolument détonantes.
Les pneus avant ne font que 10 cm de large ce qui les rapprochent plus des pneus d'une Deuche que d'une voiture de course (10/31/15). Si l'on compare avec les pneus de LMP1, 3 pneus de DeltaWing tiennent à l'intérieur ! Avec seulement 5 kg les pneus sont également ultra légers. Même les gommes arrière paraissent petites en comparaison de pneus de LMP1 (310/620/15). Moins de frottement, moins de matière mise en oeuvre (et donc moins de poids), une longévité doublée par rapport aux habituelles gommes, les pneus devraient permettre à la DeltaWing de faire moins de relais pendant les 24heures du Mans.
Une voiture sans moteur ne va pas loin. Pour motoriser la batmobile, DelatWing a trouvé en Nissan un partenaire pour qui innovation, projet atypique et challenge à relever sont les maîtres-mots de la compétition. Nissan devait pour cette voiture trouver un compromis entre puissance mais aussi sobriété, compacité et poids pour coller parfaitement avec le concept de la voiture "verte". Sous le capot, on retrouve un 4 cylindres turbo de 1,6 litre DIG-T qui développe 300 chevaux et un couple de 312 Nm.
Le moteur est étroitement dérivé du moteur de série que l'on retrouve sous le capot du Nissan Juke. Un moteur de monsieur tout-le-monde pour propulser un prototype au Mans ! De quoi réconcilier le grand-public avec l'endurance. Par rapport au moteur de série, le bloc a été retravaillé pour perdre du poids et atteindre 70 kg seulement, et le turbo voit sa pression revue à la hausse, entre autres. Sa sobriété relative permet également de n'embarquer qu'un réservoir de 40 litres contre 73 litres pour la Toyota TS030 et 63 pour l'Audi e-tron quattro.
Voir la DeltaWing de si près et pouvoir échanger avec les acteurs impliqués dans le projet est un privilège rare que l'on apprécie. Entre 2 runs, Marino Franchitti, le pilote de la voiture, nous confie que sont appréhension naturelle en voyant la voiture n'a mis qu'un virage pour s'envoler. Malgré son physique atypique d'aile delta et sa répartition des masses 25/75 donnant un avant hyper léger, le pilote écossais n'a pas eu de mal à apprivoiser la voiture. "Ceci est une voiture de course!" avait-il dit en descendant de son premier essai.
Pour les pilotes, participer au Mans est déjà une expérience exceptionnelle. Mais quand on y participe au cœur d'un projet tellement innovant et différent comme l'est DeltaWing, l'enthousiasme est décuplé. Plus que se prendre pour Bruce Wayne pilotant sa batmobile, savoir que l'on participe à l'Histoire du sport-auto est grisant. Le petit dernier de la bande Lucas Ordóñez tout juste intronisé pilote essayeur, est lui aussi tout excité de faire partie de l'aventure.
Marino a effectué plusieurs tours de mise en place et de test de différents réglages. Pour l'occasion la Nissan DeltaWing inaugurait une nouvelle boite séquentielle avec passage des rapports au volant (par levier jusque alors). Après une dizaine de tours, un problème sur la boite a été détecté obligeant l'équipe à la démonter par mesure de précaution. Une opportunité de voir encore mieux les entrailles de la bête.
Toute l'équipe de la Nissan DeltaWing est très professionnelle mais également ouverte et toujours disponible. Pour illustrer la décontraction très américaine régnant dans le stand, Marino Franchitti a invité Alexander Wurz, ex pilote de F1 ainsi que de la Peugeot 908 et actuel pilote de la Toyota TS030, a venir voir le proto. Discussion en toute décontraction entre deux grands pilotes.
Le temps va passer très vite d'ici à la mi-juin pour toute l'équipe du projet DeltaWing qui doit encore procéder à de nombreux tests. Pour tous les acteurs du projet, rallier l'arrivée - si possible en bonne place - sera une victoire et une démonstration que les projets innovants et alternatifs ont toujours leur place en sport-auto. Souhaitons leur bonne chance et surtout de réussir leur pari.
Fiche technique de la Nissan DeltaWing:
Moteur Nissan 4 cylindres 1,6 l turbo DIG-T
Puissance : 300 ch à 8 000 tr/min, couple maximum : 312 Nm
Boite séquentielle 5 rapports, embrayage carbone 4,5"
Freins : carbone ventilés
Monocoque carbone homologuée FIA - 575kg
Répartition avant/arrière : 25/75
Réservoir de 40 litres homologué FIA
Echappement inox 4-en-1 avec soupape de décharge contrôlée par électrovanne
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