Plateau abondant et varié
La série Super Taikyu (endurance) est une série Pro-Am, contrairement aux autres championnats japonais plus connus à l'international, dont les 24 heures de Fuji est l'épreuve phare.
Malgré la pandémie la course a fait le plein d'engagés avec cinquante et une autos. On comptait sept engagements dans la catégorie reine ST-X, nom local du GT3, avec un échantillon assez hétéroclite sans favori net mais quelques noms déjà vus en WEC, dont le D-Station Racing avec une Aston Martin Vantage GT3 pour le propriétaire de l'auto Satoshi Hoshino et Car Guy Racing, l'écurie de Takeshi Kimura qui avait ressorti sa Honda NSX GT3 pour l'occasion.
Pour compléter les rangs, on trouvait également une McLaren 720S pour le joliment nommé Floral Racing, la Lexus RC F GT3 du team apr, une Audi R8 pour le team Hitotsuyama et deux Nissan GT-R GT3 pour les piliers du Super Taikyu que sont le MP Racing et le GTNET Motorsports.
La catégorie en pleine ascension est le ST-Z, c'est-à-dire le GT4, avec neuf autos, qui est le record d'engagés dans cette classe pour la course. Citons également parmi les voitures du haut du tableau la classe ST-1, avec en vedette la KTM X-Bow GTX de KTM cars de Kazuho Takahashi, importateur local de la marque (et par ailleurs nouveau propriétaire de Caterham). La X-Bow GTX est la déclinaison de la X-Bow à destination de la nouvelle catégorie GT2 de SRO, une auto très spectaculaire qui débute cette année.
Que ce soit en ST-Z ou en ST-1, on retrouvait plusieurs Toyota GR Supra, une auto qui séduit tout comme la GR Yaris en multiples exemplaires dans la catégorie inférieure.
La Corolla Hydrogène et le président de Toyota en attraction
Mais le contingent de médias plus important et plus généraliste qu'à l'ordinaire était là pour une autre Toyota, l'attraction de cette édition, la Corolla aux soubassements de GR Yaris dont le moteur thermique fonctionne à l'hydrogène, engagée sous la bannière du Rookie Racing, l'écurie de course personnelle de Akio Toyoda, président du géant de l'automobile. Lui-même faisait partie de l'équipage avec entre autres rien moins que Kamui Kobayashi.
La Corolla H2, comme elle était rapidement surnommée, allait-elle survivre jusqu'à la nuit ? Sur quel rythme ? La logistique allait-elle suivre, en particulier le système de ravitaillement ? Akio Toyoda, lors d'une conférence de presse avant la course où il s'exprimait longuement et laissait entrevoir une grande passion pour ce projet, prévenait que l'équipe elle-même n'en savait rien et que l'épreuve serait une expérience en grandeur nature de la technologie.
Un intéressant message se dessine dans les commentaires dispensés par Toyoda et les autres acteurs de ce projet au fil des interviews. Comme on a pu l'entendre par ailleurs de la bouche de Carlos Tavares par exemple, Akio Toyoda se dit inquiet des conséquences du passage massif à l'électrique sur l'emploi dans le secteur automobile local, et de la perte de compétence autour des moteurs thermiques qui suivrait.
Selon lui un moteur à combustion interne carburant à l'hydrogène permettrait de conserver et d'exploiter ce tissu industriel et cette compétence accumulée tout en respectant les objectifs de baisse des émissions et de de neutralité carbone et d'amortir la transition technologique, et il vaut le coup d'explorer cette voie, ce qui est le but de cet engagement.
A lire ces commentaires qui dépassent le cadre d'un paddock de course, doit-on en conclure que cette petite Corolla bariolée est le signe avant-coureur d'un développement plus stratégique pour le constructeur ? A suivre, même si d'autres s'y sont cassés les dents avant Toyota, que ce soit BMW ou Hyundai.
Rebondissements à gogo et l'expérience qui parle à la fin
Retour à la course : Après un vendredi noyé à tel point que les qualifications étaient purement et simplement annulées, la grille était composée sur la base du classement actuel du championnat. Le ciel se dégageait à l'orée du week-end, et la course se déroulait sur le sec de bout en bout.
Le premier fait de course était un beau duel en tête entre deux très bons pros, Tsugio Matsuda sur la GT-R GT3 MP Racing no9 et Tomonobu Fuji sur l'Aston Martin Vantage GT3 D Station no777, mais les choses tournaient mal pour la Vantage avec une sortie de route de Satoshi Hoshino sur la Vantage lors de son premier relais. La voiture était réparable mais les deux heures passées au stand la privait de possibilité de victoire. La GT-R no9 était elle aussi accidentée en début de soirée, laissant la tête à la McLaren no290.
La McLaren était victime d'une panne électrique synonyme de longue réparation à la mi-course, et la Lexus RC F GT3 no31 prenait le commandement, avant de devoir à son tour abandonner suite à un serrage moteur spectaculaire ! Prenant la suite en tête, la Honda NSX GT3 du Car Guy Racing perdait une roue et c'est la GT-R GT3 GTNET no81, aux couleurs bien connues du sponsor Daishin, qui héritait du commandement au matin, pour le garder jusqu'à l'arrivée. C'est la troisième victoire de l'équipe GTNET dans l'épreuve après celles de 2018 et 2019, pour Takayuki Aoki, Kiyoto Fujinami et Natsu Sakaguchi, accompagnés cette année par Nobuyuki Oyagi, propriétaire fondateur de Daishin et ancien du JGTC.
Les incidents à répétition des GT3 permettaient à d'autres autos de se mettre en valeur. La KTM X-Bow GTX, après une course sans faute, terminait sur la seconde marche du podium, un très beau résultat pour l'équipe qui craignait de ne pas voir l'arrivée à cause de la jeunesse de l'auto, dont c'était la première course de 24 heures. De toute évidence les craintes étaient infondées et la voiture semble particulièrement bien née.
La première auto de la catégorie GT-Z, l'AMG GT4 Endless no3 montait sur la troisième marche du podium, vainqueur de sa classe pour la troisième année consécutive.
Doucement mais sûrement jusqu'au bout pour la Corolla et l'hydrogène
Et la Corolla du Rookie Racing? A part un problème électrique qui l'a immobilisée un long moment durant la nuit, elle n'a pas connu de panne majeure, et, de façon cruciale, son moteur a tourné comme une horloge.
Capable en terme de performance de temps au tour un peu meilleur que les petites autos de la classe ST-5 (Mazda Miata, Honda Fit...) elle a été surtout ralentie par sa consommation de carburant l'obligeant de s'arrêter tous les 11 tours, et par le mode de ravitaillement qui l'obligeait à se diriger vers le fond du paddock où une station de ravitaillement en hydrogène mobile était installée et d'y rester plusieurs minutes à chaque fols.
Evidemment, ce mode de ravitaillement était loin d'être idéal mais a fonctionné sans incident, permettant d'engranger une expérience précieuse pour la prochaine fois. Au-delà du classement qui n'a pas vraiment de signification, le team était très satisfait de voir le bout de la course, et Akio Toyoda rayonnant a passé la ligne au volant, en formation avec son fils au volant de la Supra GT4 du team. Les premiers jalons de cette histoire ont été posés, on attend la suite avec impatience.
Crédit illustrations : Super Taikyu Organization et Fuji Speedway
Classement
24 Heures de Fuji 24-25 mai 2021
Pos | No | Class | Car | Laps |
1 | 81 | ST-X | Daishin GT3 GT-R | 763 |
2 | 2 | ST-1 | Syntium Apple KTM | 728 |
3 | 3 | ST-Z | Endless AMG GT4 | 724 |
4 | 20 | ST-Z | SS/YZ Studie BMW | 723 |
5 | 777 | ST-X | D’Station Vantage GT3 | 721 |
6 | 500 | ST-Z | 5ZIGEN AMG GT4 | 720 |
7 | 885 | ST-Z | SHADERACING GR Supra GT4 | 717 |
8 | 108 | ST-Z | Asrada GR Supra GT4 | 709 |
9 | 38 | ST-1 | mutaracing GR Supra | 705 |
10 | 290 | ST-X | Floral Uematsu FG 720 GT3 | 698 |