- Le réseau de charges rapides est un enjeu crucial pour l'essor du véhicule électrique à batterie (VEB)
- Consommer directement l'électricité n'est pas sans problème
- Plusieurs solutions existent pour stocker l'électricité et la restituer à la demande: batteries chimiques, batteries cinétiques, batteries potentielles, batterie thermodynamiques, etc.
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Consommer directement l'électricité
La plus basique est d'avoir à disposition, au niveau de la borne, une ligne électrique de forte puissance. On parle ici de plus de 100 kW, avec du 350 kW pour certains réseaux. Pour comparaison, les lignes qui alimentent les habitations principales sont généralement en 6 ou 9 kW. Outre des travaux d'installation coûteux et conséquents, cette solution a un sacré inconvénient. En effet, lorsqu'un véhicule électrique vient de brancher pour une charge rapide, il y a un appel au réseau électrique qui peut déséquilibrer une sous-partie du réseau.
Cela crée un pic local de consommation. Une borne, cela passe encore. Mais, avec un parc de VE en augmentation, il va y avoir un besoin en bornes rapides tel que plusieurs de ces bornes peuvent être en utilisation, surtout sur les grands axes routiers. Pour effacer ce désagrément, plusieurs solutions existent.
La première qui vient à l'idée, et qui est généralement adoptée, est d'installer une batterie tampon. Elle est alimentée en permanence par le réseau électrique par une puissance moyenne et se charge en plusieurs heures. En revanche, quand un véhicule vient se charger, elle remplit son rôle de tampon. C'est elle qui charge la voiture électrique, pas le réseau directement. Ainsi, l'appel de puissance n'est pas vu du réseau. C'est aussi le principe du "uninterruptible power supply" ou UPS connu en informatique pour compenser les coupures de courant électrique.
Une batterie....de problèmes
Cette solution pose plusieurs problèmes. Déjà, cela signifie qu'il faut estimer le tampon nécessaire. En effet, il n'est plus rare de voir des offres de véhicules 100% électriques avec 100 kWh ou presque de capacité de batterie. Il faut donc avoir une batterie tampon à la borne avec, à minima, autant de capacité. Mais, en fait, il faut prévoir plus. Car la batterie une fois déchargée, va mettre "un certain temps" pour se recharger via le réseau électrique. Si une deuxième voiture se présente à la borne, pas de recharge rapide. C'est pour cela qu'on estime le nombre de voitures qui vont demander une charge rapide ou ultra-rapide, et que l'on calcule la capacité tampon nécessaire.
Cependant, une batterie li-ion, LiFePO4 (Lithium Fer Phosphate), ou autre, c'est cher. Ici, le problème de la masse ou du volume n'est pas important, car c'est du stationnaire. Ce prix limite évidemment l'implantation des bornes rapides. Or, l'essor du VE ne peut se faire sans ces recharges rapides. Même si elles ne servent à un propriétaire de voiture électrique que quelques fois dans l'année, c'est l'assurance de pouvoir faire des trajets longs de façon assez rapides.
La voiture est depuis les années 70 un formidable outil de liberté, le VE ne peut pas revenir sur cela. De plus, plus le réseau de bornes rapides est développé, et moins on aura besoin de fortes capacités de batteries, synonymes pour l'instant de 700 à 1000 kg de masse en plus.
Enfin, une batterie lithium-ion est limitée en nombre de cycles charge/décharge. Aussi, tout ceci mis bout à bout fait qu'une batterie tampon pour une borne rapide ou ultra-rapide n'est pas forcément la solution idéale pour un déploiement important de ce type de bornes.
La batterie cinétique ou roue inertielle
La batterie est une réserve d'énergie. Il existe plusieurs autres moyens de conserver cette énergie pour la restituer à la demande. Une société Israélienne, Chakratec, propose d'utiliser des roues inertielles. Le principe de la roue inertielle (ou du volant à inertie) est de mettre en rotation une pièce dans un environnement pratiquement sans frottements. Ainsi, la roue (ou le volant) conserve une énergie cinétique durant un long temps et peut restituer cette énergie à la demande, sous forme d'électricité.
Cette solution était par exemple utilisée dans la première Porsche 911 GT3 R Hybrid de course. Un volant d'inertie développé par Williams Hybrid Power Ltd emmagasinait l'énergie au freinage sous forme de potentiel cinétique. A l'accélération, cela donnait un "boost" instantané à la voiture qui ressortait plus rapidement des virages. La Formule 1 l'a également utilisé. C'était le KERS (kinetic energy recovery system), avant l'ère des V6 turbo hybrides actuels.
Ici, quand la borne n'est pas utilisée, le courant lance la roue à une très grande vitesse de rotation, puis entretient son mouvement. Quand un VE se présente, la roue génère de l'électricité et se ralentit en faisant cela.
La solution de Chakratec consiste à mettre des dizaines de "batteries cinétiques" (voir image ci-dessus). Chacune pèse 250 kg et peut stocker 3 kWh d'énergie sous forme cinétique pour une puissance en pic de 10 kW. L'efficience est de 85% ce qui signifie que les 3 kWh stockés donnent un peu plus de 2,5 kWh restitués. Non alimentée, la "flywheel" peut conserver son inertie "quelques heures" (non indiqué par Chakratec).
Surtout, ce stockage n'a pas vraiment de durée de vie. Ils peuvent être chargés et déchargés plus de 200 000 fois sans perdre en capacité. De plus, ils ne demandent pas certains métaux précieux ou rares. D'autres sociétés proposent des roues inertielles en béton pré-contraint ce qui en fait une solution peu onéreuse.
Moins chères, plus "propres" et à la durée de vie bien plus importante, ces batteries cinétiques semblent être une bonne solution. Par contre, la faible densité de ces roues, et leur encombrement font qu'il faut prévoir plus de place pour les stations. Cela pourrait permettre un déploiement plus rapide du réseau de bornes rapides.
Et la pesanteur ?
Une autre réserve d'énergie facile à mettre en œuvre est l'énergie potentielle de pesanteur ou Epp. Cette énergie est ce qui permet par exemple aux conduites forcées de générer de l'électricité. De l'eau chute dans une colonne étroite et transmet son énergie potentielle à une dynamo qui génère de l'électricité. Sa formule est "m.g.z" où m est la masse mise de l'objet en kilogrammes (kg), g l'intensité du champ de pesanteur terrestre, en N/kg ou en m/s², et z l'altitude en mètres (m). Quand un objet passe d'une altitude z1 à une altitude z2, la différence d'Epp est m.g.(z2 - z1). Ainsi, en passant de 10 m à 0 m d'altitude, un objet perd en énergie potentielle, énergie qui peut être alors captée lors du mouvement.
On pourrait donc imaginer une batterie de potentiel de pesanteur qui consisterait à remonter lentement des objets au sens large (de lourdes et denses boules, de l'eau, etc.) puis à capter l'énergie potentielle perdue lors d'un retour à 0 rapide. L'avantage est qu'un objet peut être bloqué en position haute et ne pas perdre lentement son énergie.
Malheureusement, une boule de 10 kg, bougée de 0 à 10 m d'altitude, emmagasine 10 x 9,8 x 10 = 980 Joules soit 0,00027 kWh. Et comme la formule est linéaire, cette énergie ne croît pas beaucoup, que ce soit via la masse, ou via la différence de hauteur. C'est différent de l'énergie cinétique qui dépend du carré de la vitesse. Bref, poubelle !
Autres "mauvaises" idées
Il existe d'autres vecteurs d'énergie (ou réserves). On peut par exemple transformer l'électricité en dihydrogène (H2), puis utiliser cet hydrogène dans une pile-à-combustible (PàC) pour générer suffisamment de puissance, à la demande. Malheureusement, la transformation de l'électricité en H2 a un mauvais rendement (sauf à utiliser un réacteur du CEA par électrolyse de la vapeur d’eau à haute température qui emploie également la co-génération) sans compter l'opération inverse dans la PàC.
On peut aussi envisager la création de méthanol, lui aussi utilisable dans une PàC (DMFC, de l'anglais direct-methanol fuel cell). Même constat de rendements médiocres rendant la solution inutile. Il existe également la possibilité d'un stockage sous forme de chaleur. Là aussi les rendements qui entrent en jeu ne sont pas suffisants.
Certains poursuivent l'idée d'un stockage thermodynamique. C'est le principe de l'air comprimé par exemple. L'énergie est stockée grâce à la pression du gaz et libérée quand le gaz se détend. C'était l'une des pistes envisagées par PSA Peugeot Citroën pour des véhicules hybrides-air. C'est également le principe des chasses d'eau "La Trombe". En remplissant le réservoir, l'eau comprime l'air contenu dans celui-ci. Quand on actionne la chasse, l'air expulse l'eau en restituant une partie de la pression.
Alors ? Quelle solution ?
Malheureusement, le CAES (de l’anglais Compressed Air Energy Storage), a lui-aussi un rendement médiocre. L'étape de compression va généralement consommer 1/3 de l'énergie stockée. Et à la détente, il y aura également des pertes. On est en dessous des 60%. Il faut passer également par la co-génération qui réutilise la chaleur dégagée par la compression pour améliorer le rendement. C'est le CAES adiabatique où l'on stocke également la chaleur.
Enfin, évoquons la possibilité d'employer des batteries plomb-acide. Ces dernières ont un nombre de cycles bien plus élevé que les li-ion, un rendement correct d'environ 70%. Elles sont également peu onéreuses. Mais, elles sont très polluantes.
En l'état actuel, la solution du stockage inertiel paraît être la moins coûteuse tout en assurant un rendement intéressant. Cette solution peut même être utilisée en stockage d'énergie pour autre chose que les bornes de charge rapide.
Pour l'auto-consommation des particuliers par exemple, cela peut remplacer un pack de batterie. Pour un foyer consommant 4 à 6 kWh par jour, deux ou trois de ces "bonbonnes" empilées suffisent. Elles peuvent être alimentées par un réseau de panneaux et/ou des éoliennes particulières (moins de 10m) pour une électricité auto-consommée plus propre et plus renouvelable.
Le stockage des énergies renouvelables pourrait également utiliser cette solution. Ces énergies (éoliennes, photovoltaïques, etc.) sont dites intermittentes. Elles ne produisent pas en continu, et souvent leur pic de production ne correspond pas au pic de consommation des Français. Il faut donc stocker l'énergie en vu de la consommation. Et ce stockage doit être le plus propre possible, et ne pas utiliser de sources fossiles.