Capturer le CO2 des poids-lourds à l'échappement ?
par Thibaut Emme

Capturer le CO2 des poids-lourds à l'échappement ?

La capture des polluants à la cheminée est déjà appliquée pour nombre d'usines. Mais pour les camions et le CO2, ce serait une première. Explications.

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Les pièges à polluant, les voitures ou les camions en ont déjà. Que ce soit les catalyseurs à réduction sélective (SCR) pour piéger les NOx (oxydes d'azote) grâce à l'urée, ou les filtres à particules, on les trouve communément désormais. Mais, pour le CO2, jusqu'à présent il n'y avait rien.

Sauf que des chercheurs de l'EPFL (Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne) ont mis au point un piège à CO2 à même de capturer le gaz à effet de serre à l'échappement. Le principe est de le transformer en liquide et de le stocker avant vidange. Ce CO2 liquide peut même être re-transformé en...carburant.

Un processus complexe en cogénération

Bien entendu, ce processus consomme de l'énergie. Pour éviter que cette énergie ne soit rédhibitoire pour une éventuelle mise en production, l'EPFL a pensé à la cogénération. Ici, l'EPFL utilise la chaleur perdue du moteur thermique du camion et des gaz d'échappement pour fournir le maximum d'énergie possible au système et le rendre ainsi peu énergivore.

Plusieurs solutions existent pour absorber du CO2 à la "source". Les usines utilisent souvent le "traitement des gaz par les amines" (ou amine absorption). Mais le procédé est trop lourd à mettre en oeuvre pour un camion (il y a eu des protos de navires). Il y a aussi la séparation cryogénique, ou la séparation via des membranes.

Ici, le projet consiste à utiliser un cycle thermodynamique de Rankine organique, ainsi qu'un procédé appelé "temperature swing adsorption" (TSA). Le cycle de Rankine permet d'abaisser la température des gaz d'échappement qui sortent bien trop chaud pour la TSA. En échange, de l'énergie mécanique est récupérée et réinjectée dans le système.

Durant la TSA, les gaz d'échappement doivent passer, à "basse" température sur un ensemble de matériaux dopés aux amines développés par les équipes d’Energypolis de l’EPFL. Cela va piéger le CO2 et laisser passer les autres gaz et la vapeur d'eau (les gaz refroidis en sont saturés) qui filent à l'échappement. Une fois le "lit" de matériaux saturé en CO2, il est chauffé pour restituer le CO2 qui est alors compressé par des turbocompresseurs développés aussi en interne, par le Laboratoire de Jürg Schiffmann, puis stocké. Les turbocompresseurs sont mus en partie par l'énergie mécanique générée par le cycle de Rankine.

Après l'étude, le prototype

Le tour de force de l'EPFL est de tout faire tenir dans un petit volume de 2 x 0,9 x 1,2 m. Le tout peut être mis au-dessus de la cabine du camion selon les chercheurs, dans la capucine. L'utilisation de toute l'énergie perdue dans un camion thermique, permet de limiter la consommation du système. Et côté masse, cela représenterait 7% de la charge utile d'un camion.

A la clé, on obtient environ 3 kg de CO2 par kilogramme de carburant brûlé. Une fois à la pompe à carburant, le CO2 liquide est évacué et pourra alors être transformé en carburant à l'aide d'énergie renouvelable par exemple. Ou tout simplement revendu (il est très utilisé dans l'industrie). Au final, le système ne laisserait passer que 10% du CO2 émis par un camion conventionnel.

Dernier avantage, le système est compatible avec les poids-lourds existants ! On pourrait donc en théorie équiper les PL déjà sur la route, les nouveaux produits, mais également les autobus et autocar, ainsi que les bateaux. En revanche pour nos voitures, le système est encore bien trop encombrant et trop lourd pour être envisagé.

L'EPFL ne se fait pas d'illusion. L'étude n'est qu'un premier pas et la mise en production pourrait prendre encore plusieurs années. Surtout, elle sera dépendante de la volonté des états et des constructeurs de camions d'intégrer de tels systèmes. Pour le moment, l'EPFL va passer de la théorie à la pratique en fabriquant un prototype.

Pour ceux qui sont intéressés par tous les détails de l'étude de Shivom Sharma et François Maréchal, c'est publié sur Frontiers in Energy Research.

Illustration : Marco56 (CC BY 2.0)

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La capture des polluants à la cheminée est déjà appliquée pour nombre d'usines. Mais pour les camions et le CO2, ce serait une première. Explications.

Thibaut Emme
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