Des "batteries diamant" à partir de déchets radioactifs
Et si certains déchets nucléaires pouvaient nous fournir une source d'électricité virtuellement infinie ? C'est la piste suivie depuis plusieurs années par des chercheurs de l'Université de Bristol (UK). Mais attention aux illusions.
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Du graphite radioactif
Dans une centrale nucléaire, pour contrôler la réaction de fission et éviter qu'elle ne s'emballe, on utilise des "barres de contrôles" de graphite. Pour rappel, le graphite est une des structures cristallines naturelles du carbone (on parle de forme allotropique).
Bombardé par les neutrons issus de la fission des atomes d'uranium, le graphite les absorbe (on dit qu'il est neutrophage) et certains atomes de carbone se transforment en isotopes radioactifs. Le plus intéressant et le seul utilisé par l'Homme est le fameux carbone-14. Les chercheurs du "South West Nuclear Hub" de l'Université de Bristol travaillent sur le recyclage possible de ce carbone-14. L'équipe de chercheurs envisage même d'implanter la fabrication au coeur des centrales en cours de démantèlement.
C'était en 2016 mais cela ressort à l'occasion de la publication d'un nouvel article sur le site même du nuclear hub. Et certains médias y voient déjà une solution pour les voitures électriques. Tut tut ! N'allons pas si vite.
Un diamant dans un diamant
Les chercheurs avec le Professeur Tom Scott à leur tête, ont découvert qu'un diamant artificiel (autre forme allotropique du carbone) placé dans un champ radioactif produisait un faible courant électrique. Et si on faisait le diamant artificiel avec du carbone-14 ? Il aurait ainsi son propre champ radioactif.
Le principe est de chauffer les barres de graphite radioactif. Le carbone-14 est surtout concentré en périphérie de ces barres. Ainsi chauffé, il se transforme en gaz qui est capté et solidifié en tant que diamant artificiel (hautes pressions et températures). Le graphite résultant de la chauffe est bien moins radioactif et devient donc moins "embêtant" à stocker.
Quant au diamant de carbone-14, il acquiert une propriété étonnante d'auto-génération d'un courant électrique. Le carbone-14, c'est une demi-vie de 5 730 ans. En clair, la moitié du carbone-14 (et donc de la radioactivité) disparaît en 5 730 ans. On obtient donc une "mini-pile" à la durée de vie "infinie" (en fait non, mais à l'échelle humaine si).
La radioactivité du carbone-14 est de faible puissance. En clair, elle peut être stoppée par une faible couche d'un matériau isolant. Ici, les chercheurs encapsulent le diamant de carbone-14 dans un autre diamant (non radioactif) qui agit comme une enceinte de confinement.
Et voilà !
Et voilà quoi ? Une mini-pile issue du recyclage de déchets radioactifs et qui peut fournir une énergie durant des siècles. Oui mais...ne sautons pas trop vite de joie. En effet, une telle pile, avec 1 gramme de carbone 14, peut générer 15 joules sur une journée. Pour rappel (pour ceux qui auraient déjà oublié leurs cours de physique), 1 joule, c'est une puissance de 1 Watt sur une seconde. On a donc ici une pile capable de générer 0.004167 Wh sur une journée.
On est donc très loin d'avoir des piles capables de remplacer les lithium-ion, ou même les alcalines basiques. En revanche, on peut donc faire des piles avec 1 kg de matière qui généreraient 4,167 Wh sur la journée. Suffisant pour faire fonctionner bon nombre d'appareil électriques ou électroniques. Et contrairement aux batteries li-ion actuelles, elles ne seraient pas à plat à la fin de la journée.
Bon un smartphone de 1 kg (ou même 500 grammes) cela ne passera pas. Mais, les chercheurs de Bristol envisagent des applications concrètes comme des batteries de pacemakers, de sonotones, etc. En effet, pour toutes ces applications, on a souvent affaire à des piles boutons lithium type CR1225 ou autres (0,2 Wh environ qui sont utilisés en 1 à 2 ans souvent).
Là où la masse n'est pas (trop) importante (batteries stationnaires, etc.), cela pourrait également être très intéressant. Surtout sans besoin de recharger. Les satellites ou les stations spatiales ou les missions spatiales lointaines pourraient également en profiter.
Et pour l'automobile ?
Oubliez tout de suite un véhicule avec une batterie nucléaire de ce type. Elle serait bien trop lourde (plusieurs tonnes !). En revanche, si on prend une pile nucléaire de 10 tonnes elle pourrait générer 40 kWh sur la journée. De quoi recharger pratiquement une Zoe ou une e-208 à plat. Mais, qui voudrait d'une pile de 10 tonnes de carbone-14 chez lui, pour en plus devoir attendre 24 heures pour une charge ? Bref, il faudrait envisager d'avoir une batterie tampon qui se fait charger en 24h sur laquelle on viendrait se charger plus rapidement...
Bref, on a plutôt ici une pile qui pourrait (si elle dépasse le stade du prototype) créer des sources électriques dans des régions sans réseau électrique. Mais là non plus, pas de miracle à attendre. Si on prend la France, les sources thermiques à combustion d'énergies fossiles représentent moins de 8000 Gwh/mois (pic en janvier 2017). Pour effacer cette production, il faudrait donc une pile de 64 millions de tonnes (ou 64 piles de 1 million de tonnes réparties sur le territoire). Bref, l'énergie miraculeuse et infinie ce n'est pas pour demain.
Recycler une partie des déchets des centrales, tout en créant une nouvelle source d'énergie pour des milliers d'années. C'est séduisant, mais...il y a plein de mais. Au fait, on vous a parlé du prix de la fabrication d'un diamant artificiel ?
Illustration : Renault/Wikipedia
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Pour résumer
Et si certains déchets nucléaires pouvaient nous fournir une source d'électricité virtuellement infinie ? C'est la piste suivie depuis plusieurs années par des chercheurs de l'Université de Bristol (UK). Mais attention aux illusions.