Des cellules un peu particulières
Une route solaire kéazko ? C’est une route revêtue de cellules photovoltaïques, pour profiter de cet espace « perdu » et générer de l’électricité. C’est Colas, filiale du géant du BTP Bouygues qui mène le projet baptisé Wattway. Le tronçon est modeste, 1 km, sur une voie, en sortie de Tourouvre-au-Perche sur la RD5. Mais, cela représente tout de même 2 800 m2 de surface.
Cependant, contrairement à des panneaux photovoltaïques « classiques », il y a ici plusieurs contraintes. Evidemment, la première est de résister au passage des voitures et des camions, tout en étant adhérente comme une route. Pour cela, les cellules sont couvertes d’une couche transparente granuleuse. En outre, cette tenue doit l’être dans le temps. En effet, pas question de devoir remplacer des pans entiers régulièrement. La résistance aux intempéries – pluie, soleil, gel, etc. – est primordiale.
Une production non optimale
L’autre contrainte est que la route est globalement horizontal. Ce n’est pas le meilleur angle pour profiter à plein de l’ensoleillement sous nos latitudes. En plus, les cellules sont recouvertes d’une résine granuleuse qui diffracte la lumière. La production en sera donc moindre. Toutefois, selon Colas et le CEA Tech leaders du projet « Wattway », ces 2 800 m2 permettent « l’éclairage d’une ville de 5000 habitants ». Largement de quoi éclairer Tourouvre. Hier, pour son raccordement officiel au réseau, la puissance affichée était de 11,4 kW avec 76,3 kWh de production journalière estimée.
La route solaire a donc contre elle plein d’inconvénients, y compris son coût. Pour le moment, les panneaux fournis localement par la SCOP SNA sise à Tourouvre (d’où cette première implantation), le caractère expérimental, etc. font que ces m2 photovoltaïques coûtent 13 fois plus cher que du photovoltaïque « classique ». Coût qui baissera en cas de production en série.
Mais, la route solaire a pour elle de « ne gêner personne », de profiter à plein d’infrastructures existantes et de ne pas requérir de foncier supplémentaire. Ces routes, comme la RD35, n’ont pas de voiture durant 80 à 90% de la journée. Selon Wattway, 250 000 km de route solaire permettrait « d’accéder à l’indépendance énergétique ». La France compte environ 1 million de km de route, 25% à recouvrir tout de même.
Des usages à inventer
De façon plus réaliste, Wattway peut permettre facilement d’amener de l’électricité dans des endroits isolés. En effet, les dalles peuvent se poser par dessus une route existante. Un croisement délicat, une série de virage ? On pose quelques mètres carrés, une solution de stockage, et un éclairage indépendant voit le jour. Les feux tricolores et les éclairages de carrefour pourraient aussi être alimentés de façon autonome. Les parkings, très nombreux, pourraient devenir des « centrales » photovoltaïques. Les pistes cyclables ou même les trottoirs pourraient également être pavés.
Autant d’applications concrètes qu’il reste à imaginer, mais, qui vont devoir attendre le résultat de l’étude sur ce tout premier tronçon au monde. Cette solution viendrait en complément du photovoltaïque traditionnel, sur les toits des bâtiments, les aubettes de parkings, etc.
La Ministre, elle, n’attend pas et annonce un « plan de déploiement national des routes solaires ». Ce plan s’intégrerait dans un plan plus plus global pour encourager les innovations dans l’énergie photovoltaïque. Pour ce premier tronçon, 5 millions d’euros hors taxe de subvention de l’Etat ont été alloués. Un deuxième tronçon, en Vendée cette fois, à Bellevigny est en train d’être finalisé, tandis qu’un site expérimental est installé en Georgie aux USA.
Alors bien ou pas bien ?
Au final, difficile de se prononcer clairement sur cette nouvelle route solaire. Sur le principe, utiliser un espace déjà bitumé pour y installer des cellules photovoltaïques est séduisant. Mais pour le moment, les coûts de fabrication et d’installation, ainsi que l’incertitude sur la tenue dans le temps des panneaux font que cette route ressemble à une lubie d’ingénieurs. En attendant, des millions de m2 de toitures d’usine, de lycées/collèges, d’entrepôts, etc. attendent de recevoir des panneaux classiques.
Certains auront vite-fait de souligner que les 5 millions d’euros HT de subvention auraient permis l’installation d’environ 7 500 à 10 000 m2 de panneaux inclinés à l’angle optimal pour une production bien supérieure. L’innovation c’est bien, primordial même, mais aller à l’essentiel est souvent préférable.
Source : Colas, 20 Minutes, illustration : Colas/Wattway