Chauffer les batteries lithium-ion pour les recharger plus vite ?

Lorsque l’on prend une batterie li-ion et qu’on la soumet à une charge trop forte, il se produit un phénomène de déport de lithium métal au lieu d’un transit d’ions lithium. Ce dépôt de métal (plaquage) provoque une perte d’efficacité de l’anode (et donc une perte de capacité). Mais, plus grave, cela peut créer ce que l’on appelle des dendrites. Ce sont des « racines » de lithium qui partent de l’anode et qui peuvent créer des ponts vers la cathode. Court-circuit assuré et incendie potentiel.

On considère généralement que l’on ne peut recharger une batterie de capacité C au-delà d’une puissance de 2C. Ainsi pour une batterie 50 kWh, une puissance de 100 kW continue (DC) sera la limite. Cela permet déjà une charge à 80% en 30 minutes environ, mais c’est encore trop pour beaucoup.

Selon Chao-Yang Wang, professeur en ingénierie chimique, en ingénierie et science des matériaux, directeur centre « Electrochemical Engine » à l’Université, « Nous avons démontré que nous pouvons charger une voiture électrique pour 200 à 300 miles d’autonomie en 10 minutes. Et nous pouvons faire cela tout en conservant 2500 cycles ou l’équivalent d’un demi-million de miles ».

Laisser la batterie chauffer au-dessus de 60°C

L’équipe du professeur Wang a découvert qu’il y a une température au-delà de laquelle le phénomène de plaquage de lithium n’apparaît plus lors de la charge. Pourtant, les hautes températures ne sont pas bonnes pour les batteries. Cependant, en ne laissant chauffer la batterie que durant 10 minutes avant de la refroidir à température ambiante rapidement, la dégradation de la batterie par la chaleur reste anodine.

Les travaux du professeur Wang et de ses assistants sur ce projet sont publiés dans la revue en ligne « Joule » sous le titre « Asymmetric Temperature Modulation for Extreme Fast Charging of Lithium-Ion Batteries« .

Un troisième pole permet de faire chauffer rapidement la pile

Pour leurs travaux, ils ont crée une pile li-ion avec un ajout. Une feuille très fine de nickel est ajoutée dans la pile et reliée à la cathode. Cette fine feuille ressort sur le côté de la pile, créant une troisième borne. Si on relie la cathode et cette troisième borne, la pile se met alors rapidement à chauffer. Cela permet une montée en température rapide et contrôlée.

Cette utilisation de la « température asymétrique » entre décharge et charge permet à une pile « classique » de 9,5 Ah (densité de 170 Wh/kg) d’atteindre les 1 700 cycles dits XFC (extreme fast charging ou charge extrêmement rapide en français). La charge XFC se réalise à 6C (6 fois la capacité de la batterie) jusqu’à 80% de la capacité (au-delà la charge ralentit). Cette pile conserve plus de 80% de sa capacité initiale après ce nombre de charges et décharges.

Quant à la pile « contrôlée » avec sa feuille de nickel (densité de 209 Wh/kg) elle conserve de son côté 91,7% de sa capacité initiale après 2 500 cycles XFC ! Si on suppose que l’on a un véhicule de 50 kWh environ pour 250 km d’autonomie réelle, 2 500 cycles représentent 625 000 km tout en restant au-dessus des 90% de capacité nominale. Impressionnant !

De l’importance d’une charge rapide

Les charges rapides sont l’une des clefs pour l’essor des véhicules électriques à batterie (VEB ou BEV en anglais). En effet, plutôt que de mettre toujours plus de kWh dans le véhicule et de rajouter 700 kg de batterie ou plus à la masse de la voiture, la charge rapide permet d’avoir une capacité plus modeste (et donc moins chère) tout en sachant que l’on pourra repartir après seulement 5 à 10 minutes d’arrêt. En outre, plus la capacité de la batterie est élevée, et plus la puissance demandée à la borne pour atteindre les 6C est élevée. Vive les capacités modestes.

De plus, cela enlève une partie de l’anxiété due aux VE. On considère souvent que l’on va rester à l’arrêt durant des heures le temps de recharger. Un trajet de plusieurs centaines de kilomètres va devenir alors un calvaire. Pour les professionnels et leurs utilitaires électriques cela permet de « faire le plein » en quelques minutes avant de repartir pour une tournée. Quant aux bus électriques, ils pourraient recharger en quelques minutes à un arrêt.

A propos du Pr. Chao-Yang Wang

Chao-Yang Wang est professeur et titulaire de la chaire Diefenderfer en génie mécanique et nucléaire. C’est un expert du stockage de l’énergie et il est co-directeur du centre BEST (technologie de stockage de la batterie et de la technologie de stockage de l’énergie) de Penn State (l’Université), l’un des laboratoires de batteries les plus complets au monde.

Travaillent également sur ce projet Xiao-Guang Yang, professeur adjoint de recherche; Teng Liu, étudiant diplômé; Yue Gao, chercheur post-doctoral; Shanhai Ge, professeur assistant de recherche; Yongjun Leng, professeur assistant de recherche; et Donghai Wang, professeur au Département de génie mécanique.

Source et illustration : Penn State

(6 commentaires)

  1. Donc cette astuce permet-elle de charger plus rapidement ou de préserver la durée de vie de la batterie? l’un impliquant l’autre.

    Cela me rappel la découverte par hazard de l’usage du silicone pour protéger les batteries des charges rapides répétées.

    En tout cas améliorer la rapidité est une bonne clé. En moto je ne fais jamais plus de 200km avant de faire le plein. Mais je peux faire le plein en 5 minutes, sans abonnement grâce à de la monnaie ou une carte de crédit, à n’importe qu’elle heure sans avoir à m’enregistrer auprès d’un opérateur, et à de nombreux endroits.
    Si les batteries tendent à donner les même possibilités c’est tout bénef’ pour tuer l’anxiété.

    Améliorer la longévité, on parle de pénurie de pétrole, mais le lithium( et autres) qui n’est pas rare n’est pas infini non plus. Si la qualité des batteries leur permettent de tenir la durée de vie de l’auto, puis ensuite d’équiper d’autre autos ou de servir ailleurs c’est un bon point. Car la première étape du recyclage n’est pas la récupération des matériaux, mais bien une autre forme d’utilisation.

    Améliorer par la conception des batteries la facilité de recyclage des matériaux, rien n’est impossible actuellement, mais il faut beaucoup d’énergie et de sueur.

    1. Les deux, @Bizaro.
      On peut recharger à 6C (donc 10 min pour 80%) tout en tenant 2500 cycles au-dessus de 90% de la capacité initiale.
      Donc, en ne chargeant pas 2500 fois à 6C, la perte en capacité devrait être moindre.

      Par contre, ce qui est valable pour un véhicule ne le sera pas forcément pour les appareils électriques.
      Les voitures ont des circuits de refroidissement liquide pour les batterie maintenant, les appareils non….si on chauffe le téléphone à 60°, il ne va pas refroidir assez rapidement.
      Mais qui a besoin d’un smartphone rechargé en 10 minutes ? 😀

      1. Mon téléphone peut se charger par induction, alors je le mets sur ma plaque de cuisson pour qui charge encore plus rapidement. Un petit coup sur le rebord de la fenêtre est voilà un AndroidPie chargé à bloc!
        (a mince Android 9 c’est as-been on est au 10)(ceci est une fiction, je précise au cas où…)

        Cela dit c’est aussi intéressant pour les téléphones. Par exemple beaucoup ont des chargeurs rapides maintenant, mais comme cela flingue les batteries, les constructeurs ajoute un mode « charge coolos » la nuit. Certaine marque ont des batterie de capacité réduite de moitié en 2 ans. Ici permettre une meilleure longévité n’est pas plus mal.

        On peut aussi imaginer que le système de chauffe/refroidissement soit intégré à une station de recharge. Un peu pour certains rasoirs électriques qui lavent en même temps l’appareil.

  2. Il me semble que les Tesla le font déjà, elles préchauffent la batterie quand la destination dans le gps est un supercharger.
    La solution de la feuille de nickel semble bien compliquée par contre. Aujourd’hui la plupart des batteries ont déjà la possibilité d’être chauffées ou refroidies par air ou liquide.

  3. C’est un article que j’ai lu il y a bientôt un mois (et dont je crois j’ai parlé ici peu après), pourquoi en parler juste maintenant ?

    1. Ah mais vous me faites bien marrer mon cher @Shooby. La publication dans Joule n’a eu lieu que le 30 octobre soit 15j avant la publication de cet article. Mdr next.

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