Les péages bientôt liés aux émissions de CO2 ?
L'Europe pourrait demander à ses états membres d'uniformiser leurs différents péages. L'une des pistes est de moduler le tarif en fonction des émissions polluantes.
L'Europe pourrait demander à ses états membres d'uniformiser leurs différents péages. L'une des pistes est de moduler le tarif en fonction des émissions polluantes.
C'est le principe édicté dans la révision de la directive "Euro-Redevance routière" suite au rapport de l'euro-députée Christine Revault d'Allonnes-Bonnefoy.
Y est proposé de supprimer les systèmes de vignettes (comme en Allemagne par exemple) pour des péages généralisés. Ces péages devront tenir compte de la distance parcourue évidemment. Mais, également être fonction des émissions de CO2 des véhicules. Le but est de favoriser les véhicules économes en carburant, voire électriques.
Sur ce point, la directive ne prend pas en compte le nombre de personnes dans le véhicule. Vaut-il mieux 4 véhicules émettant 100 g de CO2/km chacun et 1 seul occupant, ou 1 seul véhicule emmenant 4 personnes et émettant 180 h de CO2/km ? Mathématiquement la réponse est évidente, pour la directive européenne, non.
Le rapport de l'euro-députée préconise également une "redevance pour coûts externes". En clair, les "coûts externes" sont les coûts des effets négatifs du transport qui ne sont pas payés par les usagers-mêmes. C'est le coût de la pollution sur l'environnement (humain ou non), etc. L'euro-députée propose donc d'intégrer dans le prix des péages une part liée à la norme euro du véhicule.
En soit, c'est une bonne idée car cela permet d'avoir non seulement le CO2 comme critère, mais pas que. En effet, les normes "Euro X" déterminent les seuils de tout un tas de polluants divers, pour peu qu'elles soient respectées dans la vie réelle...
L'objectif, ici, est d'avoir des péages généralisés d'ici 2023 pour les poids-lourds, et 2026 pour les voitures. En France, on ne devrait donc pas revoir l'inepte (dans sa réalisation) ecotaxe morte-née, mais une vignette, qui pourrait accompagner les péages pour les autoroutes.
Comme l'Europe aime les "gloubi-boulga" indigestes, compliqués et bien administratifs, une Agence européenne des transports terrestres devrait être mise en place. Elle serait chargée de vérifier la bonne application des directives. Car tous les pays ne sont pas d'accord avec le principe du péage. Pour schématiser, l'Europe de l'ouest utilise déjà les péages, l'Europe de l'est lui préfère les vignettes.
"J’ai beaucoup entendu aussi le mot taxe, mais ce ne sont pas des taxes mais bien des redevances et des redevances dont l’idée, je le répète, avec un fléchage des recettes qui iront bien au transport. Ce sera une nouveauté et je pense qu’il faut avoir un Parlement européen très fort sur cette question-là pour vraiment avancer et pour permettre une compréhension et une acceptation de tous." avance l'euro-députée.
En soi, c'est bel et bien de nouvelles taxes qui se profilent. Le principe du "pollueur-payeur" est déjà en partie en vigueur via la taxe carbone (ou Contribution climat-énergie) mise en place en France il y a 4 ans déjà par le gouvernement Ayrault. Plus on consomme d'énergie fossile et plus on paie. Christine Revault d'Allonnes-Bonnefoy sait qu'avec sa proposition, il faudra être très attentif à la "manière (dont) les recettes issues de ces péages pourront être affectées pour les investissements dans le secteur des transports". Un vœu pieu que l'on sait perdu d'avance.
Le chemin est encore long et incertain pour cette révision de la directive "euro-redevance" du transport. Le projet doit encore être adopté par le Conseil européen. Une fois cette étape franchie, les Etats membres devront le valider. De bien belles discussions en perspectives. Ensuite, il y aura les applications concrètes. Et là, on se demande à quelle sauce nous serons mangés. En effet, pour nos péages de classes, y aura-t-il refonte totale, ou plus probablement un sur-coût ajouté aux tarifs déjà en vigueur ? Réponse dans quelques années.
Pour ajouter un peu de complexité à un projet trop clair (!), l'euro-députée propose que les collectivités locales puissent moduler une partie du tarif des péages des routes passant sur leur territoire. Ainsi, les collectivités pourraient baisser le tarif pour des utilisateurs quotidiens locaux. Mais, il est plus probable que ces mêmes collectivités lèvent une taxe sous prétexte de pollution et engrange ainsi des recettes "faciles".
En France, les péages sont modulés en fonction de la classe du véhicule. En théorie, nous payons un prix qui dépend du poids du véhicule, de son nombre d'essieu, etc. Le but est de faire payer selon les "dommages" occasionnés à l'autoroute empruntée. En France, ce système est très défavorable aux véhicules particuliers qui paient - entre autre - pour les camions.
Exemple avec un tarif APRR entre Allaines et Amberieu (462,61 km). Une voiture devra s'acquitter de 47,60 € tandis qu'un poids-lourds 3 essieux ou plus en sera de 154,10 €. Jusque-là, le camion paie plus (environ 3,2 fois plus). Mais, rapporté au poids à l'essieu, le tarif devient défavorable pour la voiture. Supposons un véhicule de 2 tonnes. Cela fait 500 kg par roue ou 1 tonne par essieu simple. Un camion 4 essieux peut aller en France à 32 tonnes. Cela fait 8 tonnes par essieu. Les "dégâts" occasionnés à la route sont bien plus élevés que le tarif ne le laisse supposer.
Le mode de calcul est ainsi fait pour inciter les camions à passer par les autoroutes plutôt que par les ex-nationales. Mais, en faisant cela, on incite également au fret routier plutôt qu'au développement du fret fluvial, ferroviaire, etc. Avec les nouveaux péages, il n'est pas du tout certain que l'AFITF (Agence de financement des infrastructures de transport de France) aie au final plus de budget pour développer les transports alternatifs. C'est pourtant le but premier de cette nouvelle taxe, pardon, redevance à venir.
Illustration : Le péage de Montesson (Henry SALOMÉ/CC-4.0)
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