Nationalisation des autoroutes : Le Maire contre l’idée de Le Pen
Les autoroutes françaises au cœur le campagne électorale pour la présidentielle 2022 ? Cela y ressemble …
Les autoroutes françaises au cœur le campagne électorale pour la présidentielle 2022 ? Cela y ressemble …
Le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, a jugé lundi être en présence d’un « désert des idées" dans l'opposition après la proposition de Marine Le Pen de nationaliser les autoroutes françaises.
Selon lui, il n’y a qu’à attendre le terme des concessions qui arrive d'ici dix à quinze ans.
L'idée de nationaliser les autoroutes "montre que dans les oppositions, c'est le désert des idées", a commenté le ministre de l'Economie lundi, interrogé sur la chaîne LCI.
Nationaliser les autoroutes coûterait à l'Etat "40 milliards d'euros", a détaillé en suivant le ministre de l'Economie, "alors que si on attend dix ou quinze ans, parce que ce sont des concessions, je le rappelle à Madame Le Pen, on peut récupérer ces autoroutes pour zéro euro", a-t-il affirmé. Faisant ainsi allusion à une proposition de la candidate déclarée à l'élection présidentielle de 2022.
Pour rappel, cédées en 2006 par l'Etat au privé, les concessions autoroutières doivent arriver à échéance à partir de 2031.
La candidate Marine Le Pen propose quant à elle de nationaliser les autoroutes. Ses arguments ? selon elle, il s’agit d’"une véritable spoliation des Français". Elle a par ailleurs pour objectif de faire baisser de 10 à 15% le prix des péages et de livrer un milliard et demi d'euros supplémentaire par an au budget de l'Etat.
"S'il y a 40 milliards d'euros à dépenser aujourd'hui c'est pour la transition environnementale", a rétorqué M. Le Maire lundi.
Ce montant "sera mieux employé à investir pour les semi-conducteurs, pour l'hydrogène, pour les énergies renouvelables, pour la décarbonation de notre industrie, pour la lutte contre le réchauffement climatique, plutôt que de racheter pour 40 milliards d'euros, les autoroutes", a poursuivi le ministre. Marine Le Pen propose également la privatisation de l'audiovisuel public, une idée à laquelle Bruno Le Maire s'est dit lundi "totalement opposé".
Le gouvernement n’entend ni renationaliser ni prolonger les concessions autoroutières, mais « moderniser » les contrats liant l’Etat aux sociétés autoroutières, avait indiqué pour sa part Jean-Baptiste Djebbari, le ministre délégué aux Transports, lors d’un débat au Sénat en mai dernier.
En septembre 2020, une commission d’enquête du Sénat a tenté de s’attaquer à la gestion des autoroutes via une remise à plat. Préconisant dans un rapport d’appliquer des tarifs plus bas pour les véhicules les moins polluants tout en encourageant à « préparer la fin des concessions » et à ne pas les prolonger.
M. Djebbari s’est par ailleurs dit en désaccord avec l’analyse de ce récent rapport sénatorial, selon lequel Vinci Autoroutes et Eiffage devraient atteindre la rentabilité dès 2022, plus dix ans avant la fin de leurs concessions.
Selon le rapport, les dividendes versés atteindraient ensuite environ 40 milliards d’euros, dont 32 milliards pour Vinci et Eiffage, avant la fin des concessions prévue entre 2031 et 2036 pour la plupart d’entre elles.
« Il apparaît donc impensable de prolonger les concessions en cours, et si le choix est fait de les renouveler lorsqu’elles arriveront à échéance, il faudra en minima en abaisser la durée », a noté le sénateur Eric Jeansannetas (RDSE), président de la commission d’enquête sénatoriale.
A tout le moins, « il faut arrêter la logique infernale travaux-allongement des travaux », a renchéri le centriste Vincent Delahaye, rapporteur de la commission d’enquête, évoquant des contrats « mal ficelés ».
Il faut au contraire, selon lui, négocier « des travaux complémentaires sans contrepartie », ne pas hésiter à brandir des pénalités, et négocier certaines baisses de péages.
La commission d’enquête estime par ailleurs que la – très bonne – santé financière des concessions doit permettre de faire évoluer le tarif des péages. Un élément présenté comme un axe majeur du rapport. Lequel propose de pratiquer des réductions tarifaires pour les véhicules les moins polluants, poids lourds et véhicules légers, et de prendre en compte les trajets du quotidien.
Les sénateurs préconisent d’ »accélérer le déploiement d’une offre d’abonnement sans frais pour les trajets domicile-travail garantissant des réductions tarifaires comprises entre 30 et 50% ».
« On peut faire évoluer les tarifs en fonction des véhicules des trajets quotidiens domicile travail, ça fait partie aussi des sujets qu’il faut traiter », confirme Vincent Delahaye, rapporteur de la commission. Autant de pistes qui pourraient permettre d’avoir « des tarifs plus attractifs pour un certain nombre de pratiques qu’on pourrait qualifier de vertueuses. »
« Il n’existe aucun rapport ni aucune analyse qui prouverait de manière robuste une surrentabilité des sociétés concessionnaires », a rétorqué Jean-Baptiste Djebbari.
Ajoutant que les autoroutes méritaient mieux que des raccourcis et des débats simplistes.
Le ministre délégué aux Transports s’est par ailleurs élevé contre le « concession-bashing », rappelant que les sociétés autoroutières ont versé 50 milliards d’euros d’impôts entre 2006 et 2018, période durant laquelle elles ont investi 20 milliards dans le réseau.
Le ministre voit dans la fin prochaine des concessions « l’occasion de faire un débat critique de notre modèle de financement des infrastructures sans complaisance ni démagogie » pour « le faire changer en mieux ».
Dans son rapport, la commission d’enquête du Sénat appelait quant à elle les concessions autoroutières à « partager équitablement les profits futurs avec l’Etat et les usagers ».
Il prône un « meilleur encadrement des contrats » existants, rappelant que des mécanismes empêchaient désormais les « surprofits ».
M. Djebbari s’est dit défavorable à une interruption des contrats avant leur terme. Une renationalisation coûterait « plus de 47 milliards d’euros » et serait une entrave à l’état de droit, selon lui.
Il s’est également prononcé contre un prolongement des concessions en échange de nouveaux travaux. « A trop vouloir prolonger les contrats du passé, nous risquerions d’accroître leur déconnexion avec les attentes des Français », a-t-il relevé.
Les contrats doivent cependant être « modernisés », pour notamment accueillir les véhicules électriques et mieux prendre en compte les questions environnementales « et trouver des mécanismes pour une plus grande modération tarifaire », a remarqué le ministre, sans autre précision.
Un « sommet des autoroutes » devrait aborder ces questions, a-t-il annoncé.
La présidentielle 2022 fait revenir sur le devant de la scène de vieux serpents de mer. Lesquels nécessitent de mettre chiffres et avantages sur la table pour avoir une vision éclairée.
Or, dans sa critique, Jean-Baptiste Djebarri avait omis un point crucial du rapport … Lequel constatait que « la cession des sociétés concessionnaires d’autoroutes au secteur privé n’avait été précédée ni d’une révision des contrats de concession, ni d’une définition de l’équilibre économique et financier des concessions ni d’une révision des relations avec l’État concédant. » Un constat sous forme de critiques voire plus …
Rappelons qu’au terme d’un long bras de fer entre l’État et les sociétés concessionnaires, un accord a été signé le 9 avril 2015 entre ces dernières et les deux ministres compétents de l’époque – Emmanuel Macron pour l’Économie et Ségolène Royal pour les Transports – établissant que pour compenser le gel des tarifs autoroutiers exigé par Ségolène Royal pour l’année 2015, les hausses de tarifs prévues normalement les 1er février de chaque année seraient plus importantes entre 2019 et 2023. Le texte accordant également aux sociétés un allongement de leurs concessions en échange de travaux à réaliser.
Plus encore, alors que la plupart des autoroutes ont été privatisées en 2006, le rapport pointe du doigt le fait que la durée des concessions ait été « prolongée à plusieurs reprises sans mise en concurrence ».
Le rapport exhortait également les sociétés autoroutières à « négocier une amélioration du service rendu aux usagers compte tenu de la rentabilité élevée des sociétés de concession ». En gros, offrir aux conducteurs un service – voire une qualité de services ? – à la hauteur du prix payé …
Sources : AFP, Sénat
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