Ghosn, frappé par deux nouvelles inculpations, reste en prison
par Thibaut Emme

Ghosn, frappé par deux nouvelles inculpations, reste en prison

La détention provisoire de Carlos Ghosn au Japon se prolonge avec une nouvelle inculpation qui relance le processus de garde à vue prolongeable. De nouvelles révélations interviennent aussi du côté français avec le résultat de l'enquête interne chez Renault.Si Carlos Ghosn reste en garde à vue pour deux nouvelles inculpations, le tribunal a en revanche autorisé, contre l'avis du parquet, les visites de sa famille, outre celles de ses avocats et du personnel consulaire de la France, du Liban et du Brésil, ses trois pays souligne l'AFP.

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Vers un procès

Le bureau du procureur a justifié les poursuites engagées par le faisceau de données accumulées: "nous pensons que les éléments dont nous disposons méritent une inculpation et un procès", a déclaré à la presse le procureur-adjoint, Shin Kukimoto. La comparution de M. Ghosn, qui risque en théorie jusqu'à 15 ans de prison, n'aura pas lieu avant des mois.

Interrogé sur les critiques à l'étranger que suscite le système judiciaire japonais, le procureur adjoint a assuré que les enquêteurs "s'attendaient à diverses réactions compte tenu de la notoriété mondiale" de M. Ghosn, tout en ajoutant "agir dans le respect des lois et décisions du tribunal".

On commence à y voir un peu plus clair dans cette affaire même si les deux camps ont des visions différentes sur celle-ci. Du côté de Nissan et surtout des procureurs, Carlos Ghosn aurait, avec la complicité de son bras droit Greg Kelly, minoré les revenus de l'ex-PDG de Nissan dans les rapports boursiers depuis 2010. En gros, ils n'auraient pas menti au fisc mais aux actionnaires ce qui est passible de prison.

Mais, si Nissan demande des sanctions pour le préjudice subi, la société est aussi poursuivie comme personne morale pour avoir approuvé et remis aux autorités boursières les documents.

"Anxieux"

Mais, il n'y a pas que cela. C. Ghosn aurait aussi tenté de faire couvrir par Nissan des pertes financières personnelles (pour 15 millions d'euros). Du côté de l'homme d'affaire on se défend de tout cela. Un montage avec un milliardaire saoudien, Khaled Juffali, est évoqué, mais là aussi, la défense argue de services réellement rendus envers Nissan.

Carlos Ghosn a fait mardi sa première comparution devant la justice: amaigri et menotté, il s'est dit "faussement accusé" et a nié les allégations. Depuis son arrestation le 19 novembre à Tokyo, le dirigeant de 64 ans se trouve dans un centre de détention du nord de la capitale. Il souffrait mercredi soir d'une forte fièvre, qui a contraint les enquêteurs à suspendre les interrogatoires. Mais elle était retombée vendredi, a indiqué son avocat Motonari Otsuru.

Son épouse Carole Ghosn, qui avait jusqu'ici gardé le silence, s'était inquiétée jeudi dans un communiqué de son état de santé, déplorant "de dures conditions de détention et un traitement injuste". "Nous sommes anxieux", a-t-elle ajouté.

Résidence fiscale, Mouna Sepehri, audit, etc.

En France, on continue de maintenir la position officielle de soutien à Carlos Ghosn. L'audit interne lancé fin novembre pour vérifier si des malversations ont eu aussi lieu chez Renault n'a constaté aucune fraude concernant la rémunération des dirigeants sur 2017 et 2018.

Toutefois, les informations sortent dans la presse. Par exemple, la résidence fiscale hollandaise de Carlos Ghosn depuis 2012. Evidemment ce n'est une surprise pour personne (surtout pas l'état français ni le fisc) surtout que c'est depuis 2012. Mais cela permet tout de même à certains de parler d'un mauvais dirigeant pour un groupe français. Ou quand la morale l'emporte sur le légal.

Autre point qui a été révélé, une proche de Ghosn, Mouna Sepehri, directrice déléguée à la présidence de Renault, a reçu près de 500.000 euros répartis sur plusieurs années en tant que membre du directoire de l'alliance Renault-Nissan, selon des documents consultés par l'AFP.

En soi rien d'illégal visiblement, sauf que c'est la seule des 9 administrateurs a avoir perçu une rémunération. Et cette rémunération a été versée sur plusieurs années par le holding de droit hollandais Renault-Nissan BV. On peut y voir une "opération" un peu obscure. En effet, secrétaire du Conseil d'Administration de Renault et recevoir une rémunération du holding sans que le CA ne soit informé n'est pas illégal mais "cela ne se fait pas".

Légalité vs. moralité

Si c'est la seule des administrateurs, ce n'est pas la seule au sein de Renault. En effet, d'autres cadres de Renault ou de Nissan, ont touché des indemnités par cette société lors de missions spécifiques. Là encore le moral semble rattraper le légal. Surtout que Mouna Sepehri a été une actrice clef de la création de l'Alliance, présente chez Renault depuis 1996. De là à penser que certains la vise à cause de ce rôle clé, il n'y a qu'un pas.

Il faut dire que la suspicion règne partout au sein de l'Alliance Renault Nissan Mitsubishi. Chacun envisage que l'autre cherche à déstabiliser l'alliance pour récupérer le pouvoir, ou au contraire la maintenir en l'état pour conserver le pouvoir. Une atmosphère malsaine qu'il va vite falloir aérer.

Ce "vent de fraîcheur", ce sera peut-être la nomination d'un nouveau patron chez Renault. Pour le moment, l'Etat conserve sa confiance en Carlos Ghosn et prône le principe de présomption d'innocence. Mais, de fait, Carlos Ghosn est parti pour être empêché de diriger le groupe Renault pour un petit bout de temps. On commence donc à avoir une douce pression qui se fait sentir sur la direction du groupe.

Plusieurs noms circulent sur de possibles remplaçants. Le nom de Jean-Dominique Sénard,PDG de Michelin et "chouchou" de l'Etat, revient avec insistance. Mais, il n'y a pas que lui. On évoque également Didier Leroy, discret numéro 2 de Toyota. Et plus ironique, le nom de Patrick Pelata. Grand connaisseur de Renault et du Japon, Pelata a servi de fusible lors de l'affaire du faux espionnage de Renault. 8 ans après, le retour du banni ?

De futures accusations ?

Outre les fuites du bureau du procureur, l'enquête du groupe nippon continue. Elle porte aussi sur différentes structures liées à l'alliance aux Pays-Bas. Nissan accuse ainsi entre autres M. Ghosn d'avoir perçu une rémunération sans justification d'un milliard de yens (8 millions d'euros) l'an dernier. Des dizaines d'inspecteurs planchent sur le dossier et plusieurs centaines de personnes sont aussi mobilisées au sein du constructeur japonais. De son côté, le gouvernement français a de nouveau souligné l'importance de l'alliance. "Ce qui importe aujourd'hui, c'est d'en préserver la stabilité. L'État, qui est actionnaire de référence de Renault, s'y emploiera, en coopération totale avec nos partenaires japonais", a insisté le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, cité par le Télégramme.

avec AFP

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Pour résumer

La détention provisoire de Carlos Ghosn au Japon se prolonge avec une nouvelle inculpation qui relance le processus de garde à vue prolongeable. De nouvelles révélations interviennent aussi du côté français avec le résultat de l'enquête interne chez Renault.Si Carlos Ghosn reste en garde à vue pour deux nouvelles inculpations, le tribunal a en revanche autorisé, contre l'avis du parquet, les visites de sa famille, outre celles de ses avocats et du personnel consulaire de la France, du Liban et du Brésil, ses trois pays souligne l'AFP.

Thibaut Emme
Rédacteur
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