L’Inde multiplie par 100 ses ventes de produits pétroliers
Selon l'Institut national de statistique Destatis, les achats de produits pétroliers en provenance de l’Inde sont passés de 37 millions d'euros au cours des sept premiers mois de 2022 à 451 millions d'euros entre janvier et juillet 2023, soit une hausse de 1.127,4%.
En vue d’expliquer cette fulgurante progression, l’Institut fait observer que "l'Inde importe de grandes quantités de pétrole brut de Russie depuis l'invasion de l'Ukraine" et exporte aux entreprises allemandes "du gazole", produit à partir de brut.
Au final, il est donc fort probable que l'Allemagne et d'autres pays européens achètent implicitement du pétrole russe de cette manière, selon les experts.
Jeu à 3 bandes
Avant l'invasion de l'Ukraine, en février 2022, l'Allemagne importait un tiers de son pétrole de Russie. Des importations valorisées à plus de 1,2 milliard d'euros par mois.
Mais depuis début 2023, en réaction à l'invasion de l'Ukraine par la Russie, l'Union Européenne a mis en place un embargo sur les importations de pétrole russe. Histoire notamment d’amoindrir sa manne pétrolière et réduire ainsi ses capacités de financement d’armement. Mais Moscou est toutefois parvenu à rediriger ses exportations d'hydrocarbures vers d'autres pays, et tout particulièrement vers la Chine, l’Inde et la Turquie, qui eux-mêmes vendent des produits pétroliers raffinés aux Européens.
Un juteux contournement
Selon les chiffres officiels cités par le Financial Times, les exportations russes de pétrole brut vers l'Inde ont dépassé les 60 millions de barils par mois. L'Inde représente désormais près d'un quart des exportations russes de pétrole brut et raffiné.
En outre, selon les registres des douanes russes cités par le journal, de décembre 2022 à fin juin 2023, le prix moyen du pétrole brut expédié vers l'Inde était d'environ 50 dollars le baril.
Les données douanières indiennes montrent toutefois que l'Inde paie environ 68 dollars le baril après avoir ajouté les prix « coût, assurance et fret (CIF) », tandis qu’en parallèle, le prix moyen du pétrole brut sur le marché international était de près de 79 dollars le baril. De plus, les prix CIF augmenteraient encore le coût au-delà de 80 dollars le baril ; ce qui implique que l’Inde a quand même économisé au moins plus de 12 dollars par baril de pétrole acheté à la Russie. Un responsable d'une compagnie pétrolière publique indienne cité par le Financial Times a déclaré que les acheteurs indiens achetaient du pétrole brut russe, frais d'expédition compris.
Un contournement qui doit être sanctionné, selon l’UE
"Si du diesel ou de l'essence entre en Europe [...] en provenance d'Inde et produits avec du pétrole russe, c'est certainement un contournement des sanctions et des mesures doivent être prises", a récemment dénoncé le chef de la diplomatie européenne, Josep Borell.
Le plafonnement des prix lui aussi contourné
Selon une enquête de l'hebdomadaire allemand Der Spiegel, le plafonnement des prix, une autre mesure phare des Occidentaux contre le pétrole russe, a également fait l’objet de contournements. Mis au point par le G7 et entré en vigueur en décembre 2022, le mécanisme interdit aux entreprises basées dans les pays participants de fournir des services pour le transport de brut russe au-delà de 60 euros le baril.
Or, "les transporteurs et les assureurs ne doivent recueillir qu'une attestation succincte de leurs clients", et "il n'est pas clair si (..) les autorités des pays du G7 vérifient ces attestations", affirme Der Spiegel.
Au final, dans les principaux ports d'exportation russes, les prix du baril ont clairement dépassé la limite prévue de 60 dollars, affirme le journal, citant une étude de l'institut économique ukrainien KSE basé à Kiev.
Russie : manne plus pétrolière plus importante que prévue grâce au contournement
Au cours des trois mois précédant juillet, environ 40 % du pétrole expédié de la Baltique a été transporté par une flotte liée à la Russie.
Le Financial Times cite des estimations des coûts de fret calculées par la société de tarification Argus, qui impliqueraient que cette flotte aurait pu générer plus de 350 millions de dollars de revenus sur cette route au cours du trimestre.
L’article affirme même que 800 millions de dollars de ces frais auraient été gonflés.
En fin de compte, grâce aux ventes de pétrole brut entre mai et juillet 2023, la partie russe pourrait avoir secrètement gagné un milliard de dollars de plus que ce qui avait été reconnu officiellement.
Sources : AFP, Financial Times, Der Spiegel