L'autorité britannique de la concurrence s’inquiète de l’écart prix du brut/ prix à la pompe
L’autorité britannique de la concurrence note ainsi que l’écart de raffinage, pour ne pas dire la marge de raffinage a triplé l’an dernier. S’inquiétant d’une telle tendance, néfaste pour l’économie et les consommateurs, elle précise l’impact de cette « pratique » sur les prix à la pompe : selon ses calculs, l’écart « a ajouté 24 pence (28 centimes d'euros) par litre de carburant" pour les automobilistes.
Les prix à la pompe vont de record en record au Royaume-Uni
Le prix à la pompe vole de record en record au Royaume-Uni. En juin, faire le plein d'essence d'une voiture familiale moyenne nécessitait de débourser 105,29 livres (près de 125 euros), selon l'association d'usagers de la route RAC. De quoi alimenter une inflation inégalée depuis 40 ans.
Augmentation de la demande et baisse des capacités de raffinage
Parmi les différents facteurs permettant d’expliquer une telle situation, notons en tout premier lieu, l'augmentation de la demande après la fin des restrictions sanitaires, alors même que certaines capacités de raffinages avaient été mises à l'arrêt pendant la pandémie.
Une situation à laquelle il faut ajouter les conséquences de la guerre en Ukraine et l’impact des sanctions prises à l’encontre de la Russie, grand exportateurs de produits raffinés, selon la CMA.
La marge sur le raffinage à un niveau « inquiétant »
"S'il est impossible d'échapper aux pressions mondiales qui poussent les prix du carburant à la hausse, l'écart croissant entre le prix du pétrole et le prix de gros de l'essence et du diesel est préoccupant", a commenté Sarah Cardell, directrice juridique de la CMA, citée dans le communiqué.
"Nous devons déterminer s'il existe des raisons légitimes à cela et, si ce n'est pas le cas, quelles mesures peuvent être prises pour y remédier", a-t-elle ajouté.
Ecart entre le prix à la sortie de raffinerie / prix à la pompe quasi stable
En revanche, si l’écart entre le prix de sortie de raffinerie et le prix facturé aux automobilistes a certes fluctué, son niveau est resté autour de 10 pence par litre, selon le rapport de la CMA, commandé le mois dernier par le ministre de l'Énergie et des Entreprises Kwasi Kwarteng.
Fin mars, le gouvernement britannique avait annoncé une réduction pendant 12 mois de 5 pence par litre des taxes sur les carburants, et cette ristourne "semble s'être répercutée sur les prix", note la CMA dans son communiqué.
Etude de marché approfondie
Le régulateur précise avoir lancé vendredi une étude de marché approfondie dont les premières conclusions seront publiées à l'automne.
Mais si le marché de la vente au détail de carburant "semble être compétitif", certains domaines méritent là aussi une enquête approfondie, notamment pour déterminer "si les écarts de prix entre zones urbaines et rurales (où le carburant est plus cher) sont justifiés", ajoute la CMA.
Les raffineries profitent de la flambée des prix du pétrole
Début juin, Refinitiv avait indiqué pour sa part que les raffineries de pétrole gagnaient près de cinq fois plus d'argent grâce au raffinage du pétrole qu'il y a un an.
Indiquant que le manque de capacité à raffiner l'essence et le diesel à partir du pétrole brut a contribué en effet à pousser les prix du carburant à des niveaux records et à augmenter les bénéfices des propriétaires de raffineries.
La pénurie de capacité de raffinage a entraîné une augmentation substantielle de la "marge de raffinage" - la différence entre ce qu'ils paient pour le pétrole brut et ce qu'ils peuvent gagner en vendant les produits raffinés. « Il s'agit d'une véritable crise en termes de capacité de l'industrie à produire ces carburants. Cela se répercute en grande partie sur le prix de gros du diesel et de l'essence », indique les spécialistes. Et cela a contribué au fait que même si les prix du pétrole sont encore loin des records, l'essence et le diesel établissent de nouveaux records jour après jour.
Une hausse phénoménale des marges de raffinage
Les chiffres de la société de données Refinitiv montrent à quel point l'activité de raffinage du pétrole est devenue si rentable au cours de l'année écoulée. Le 8 juin 2021, les raffineurs gagnaient 9,26 dollars le baril en raffinant l'essence et 6,84 dollars le baril en raffinant le diesel. Début juin 2022, ils gagnaient 43,11 $ sur l'essence, en hausse de 366 %, et 51,13 $ sur le diesel, en hausse de 648 %. Les chiffres publiés par BP, qui possède un certain nombre de raffineries en Europe et aux États-Unis, montrent sa propre mesure des bénéfices du raffinage, la « marge du marqueur de raffinage », passant de 7,7 dollars le baril à 35,7 dollars au cours de l'année écoulée …
En mai dernier, le Financial Times a cité le directeur général du géant pétrolier américain ExxonMobil, Darren Woods, lequel considère que "l'environnement de marge très, très élevée" n’est pas "bon pour les économies du monde entier".
Les raffineurs ne fixent pas eux-mêmes les marges
Une source proche d'un grand propriétaire de raffinerie avait fait valoir en juin dernier que les raffineurs ne fixent pas eux-mêmes les marges. Les prix du pétrole brut, de l'essence et du diesel sont déterminés par le marché en fonction de la disponibilité des approvisionnements disponibles et le prix que les acheteurs sont prêts à payer, tenait-il à préciser.
Pénurie mondiale de capacités de raffinage
Avant l'invasion de l'Ukraine, une grande partie de l'approvisionnement de l'Europe en essence et en diesel était effectuée dans des raffineries russes et importée dans des camions-citernes . A titre d’exemple, En 2020, le Royaume-Uni a reçu 18 % de son approvisionnement en diesel de la Russie.
Bien que cet approvisionnement n'ait pas été complètement interrompu, les volumes en provenance de Russie sont nettement inférieurs, les acheteurs se détournant des exportations russes avant même que les sanctions n'entrent pleinement en vigueur. Les stocks de carburant étaient faibles avant l'invasion et il y avait déjà une pénurie mondiale de capacité de raffinage. Le secteur n'a pas été très rentable ces dernières années et a attiré peu d'investissements.
Il n'y a donc pas de marge de manoeuvre pour compenser la capacité de raffinage russe perdue.
Sources : AFP, BBC, Financial Times