S'il a longtemps appartenu à la FIAT (donc à FCA Fiat Chrysler Automobiles), l'équipementier bien connu des automobilistes Magneti Marelli a finalement été vendu en octobre 2018 à Calsonic Kansei. Sauf que l'ex pépite de l'équipement automobile nippon appartient depuis 2016 au fonds d'investissement américain, Kohlberg Kravis Roberts & Co. alias KKR.
Ce fonds KKR est comme souvent un fonds qui se contrefiche pas mal des salariés et de l'histoire des sociétés rachetées (souvent par la technique du leveraged buy-out ou LBO (1), achat par effet de levier). Avec Magneti Marelli devenu depuis Marelli Spa., l'histoire se répète. Ainsi, 167 salariés de l'usine d'Argentan (Orne) et 125 salariés du site de Saint-Julien-du-Sault (Yonne) vont devoir trouver un autre emploi.
L'usine d'Argentan qui existe depuis 1970, a été prévenue par un CSE mercredi matin. L'usine sera concernée par un "plan de sauvegarde de l'emploi" (PSE) qui sera étudié à partir du 12 octobre. L'activité avait été garantie par KKR jusque fin 2023. L'usine est bénéficiaire et si elle ferme selon la Direction, c'est pour délocaliser en Slovaquie (et gagner plus d'argent). Pourtant, selon les syndicats cités pare France Bleu Normandie, le site d'Argentan serait plus rentable que celui de Kechnec qui recevra la production normande d'ici quelques mois.
Quant à l'usine de Saint-Julien-du-Sault, elle serait sous employée selon Marelli, ne tournant qu'à 30% de sa capacité. De fait, il y a une perte d'exploitation de 24 millions d'euros entre 2018 et 2022 selon l'équipementier. L'usine de l'Yonne fabrique des feux arrière de voitures "haut de gamme". Depuis 2021 les syndicats annoncent la volonté de la direction de fermer le site. Début 2023, une grève avait paralysé le site sur des soupçons de délocalisation en Europe de l'est. Comme quoi il n'y a pas de fumée sans feu, comme dit l'adage.
Pour cette dernière usine, un repreneur potentiel a fini par jeter l'éponge. Ces usines font partie de l'histoire industrielle du pays. Celle d'Argentan a appartenu à Solex (partie carburateurs) et produit encore des "boîtiers papillon" pour l'admission d'air des moteurs.
Notre avis, par leblogauto.com
Evidemment, le fonds d'investissement KKR est pointé du doigt par les salariés et leurs représentants. Selon eux, KKR ne cherche que la rentabilité à court terme. Mais, c'est le but même de ces fonds. S'il faut montrer quelqu'un du doigt, ce sont ceux qui ont vendu ou laissé vendre ces usines locales. C'est un tissu économique essentiel des "campagnes". Sans ces usines, des villes entières se dépeuplent au profit des métropoles, ou bien les gens doivent faire 50 km ou plus pour leur travail.
En emplois indirects, c'est encore plus important. Ces dernières années, on a médiatisé certains cas comme les GM&S, Fonderies du Poitou, les Forges de Bretagne, ou d'autres. Mais, chaque année ce sont des dizaines de ces usines qui ferment. Alors on peut s'enorgueillir de voir la "vallée de la batterie" se créer. Mais pour une usine qui ouvre, combien de petits sites pourtant pérennes ferment ? Combien d'emplois détruits et délocalisés ailleurs ?
Les constructeurs ont aussi une part de responsabilité. Longtemps donneurs d'ordre uniques ou quasi-uniques de ces petits sites, ils s'en lavent désormais les mains comme des Ponce Pilate. Tout le monde n'a pas vocation ou ne peut pas travailler dans un bureau, dans les services. Ces ateliers/usines sont primordiaux dans la réindustrialisation de la France qui se concentre pourtant sur de grosses usines nouvelles alors qu'il y a déjà tant encore à sauvegarder.
Pour fermer une usine, le principe est simple : on lui donne moins de pièces à produire, puis après quelques années comme cela on argue d'une sous exploitation des capacités, ou d'un "marché qui n'a pas de bonne perspective". On ferme, on délocalise, et comme par hasard les pièces produites précédemment retrouvent leur niveau de rentabilité. Une autre technique consiste à sous investir dans le site (non renouvellement de machines, etc.) pour ensuite arguer qu'une remise à niveau coûterait trop cher. Hop délocalisation.
Note
(1) Le LBO est une prise de contrôle d'une société qui consiste emprunter l'argent du rachat, puis se faire rembourser cet emprunt par la société rachetée elle-même. Le LBO essore la société rachetée qui est alors souvent revendue "à la découpe" ou en entier à un autre fonds ou une autre société qui va elle-même procéder par LBO.