On a vu : « Race for Glory », le Groupe B fait son cinéma

Les films sur le sport automobile ne sont pas légion, même si le genre a regagné en popularité ces dernières années avec des succès comme Rush, Le Mans 66 ou encore Gran Turismo. Néanmoins, le grand écran a souvent fait les honneurs à la F1 (Grand Prix) ou à l’Endurance, mais quasiment jamais au rallye, si ce n’est l’inoubliable clip Climb Dance avec la fameuse montée de Pikes Peak et Ari Vatanen qui utilise sa main droite comme pare-soleil, tout en fonçant pès du précipice au volant de sa Peugeot 405.

Le film italien Race for Glory comble ce vide en mettant en scène la rivalité entre Audi et Lancia lors du championnat du monde 1983, qui fut réellement la première saison du légendaire Groupe B. Le film se focalise surtout sur la façon dont Lancia, qui a dominé le rallye dans la seconde moitié des années 70 avec la Stratos, essaie de réagir face à Audi, qui a révolutionné le rallye avec l’introduction de la technologie Quattro 4 roues motrices en 1982, celle-ci ayant permis à la firme aux anneaux de dominer outrageusement la saison précédente et de décrocher le titre mondial. La Stratos étant vieillissante, et le temps manquant pour développer une vraie 4 roues motrices (ce sera le cas en 1985 avec la Delta S4), Lancia fait le choix de développer une nouvelle propulsion, mais à la conception radicale et pensée pour la course, et non en partant d’un modèle de série existant.

Ce n’est pas Ford vs Ferrari, mais presque un biopic

Si Race for Glory met en avant une rivalité acharnée entre Audi et Lancia, comme en atteste l’affiche du film qui voit une Audi Quattro et une Lancia 037 Rally se défier, le scénario se concentre réellement sur la figure de Cesare Fiorio, le team manager de l’écurie Lancia, présenté comme un homme ne vivant que pour la victoire, obsédé par la compétition, et déterminé à battre l’écurie Audi Sport de son rival Roland Gumpert, incarné par l’excellent Daniel Brühl (Goodbye Lenin), qui avait incarné magistralement Niki Lauda dans le film Rush.

En effet, Gumpert, Audi et consorts sont relégués au second plan du scénario, centré autour de la figure de Cesare Fiorio, joué par Riccardo Scarmacio. Un choix qui est finalement intéressant et permet de s’attacher à une figure marquante du sport automobile italien. L’intrigue s’attarde aussi sur sa relation tumultueuse avec le champion allemand Water Röhrl, qui est recruté par Lancia en 1983 après avoir gagné pour Audi en 1982, mais qui ne veut en faire qu’à sa tête en participant seulement aux courses qui lui plaisent.

L’intrigue ajoute aussi deux protagonistes fictifs, une nutritionniste qui doit « recadrer » et requinquer une équipe Lancia fatiguée et stressée, ainsi qu’un jeune espoir allemand, Udo Kurt, dont les malheurs permettent d’intégrer comme une grosse ficelle l’arc narratif « dramatique » vu et revu du pilote gravement accidenté et dont la survie tient l’équipe en Alen, euh en haleine (héhé). Les autres gloires de l’époque, comme Hannu Mikkola, Markku Alen ou Michèle Mouton apparaissent brièvement.

Ce qui est bien

Le film a le mérite de bien reconstituer certains aspects particuliers du rallye et de la compétition automobile : la stratégie (à ce jeu, Fiorio est montré comme un stratège malicieux, qui n’hésite pas à flirter avec les limites des règlements), le stress du temps pour gérer des réparations mécaniques ou arriver en temps et en heure aux checkpoints afin d‘éviter les pénalités, sans oublier les coulisses « politiques » et règlementaires. Par contre, l’arrivée du San Remo sur un parking, non ! )  Fiorio doit gérer la pression mise par le groupe FIAT tout en essayant d’exploiter les limites de la règlementation.

A ce titre, mention spéciale à un dialogue entre Fiorio et Gumpert, suite à une scène – fictive- où l’italien a influencé l’administration pour faire saler des routes enneigées du Monte-Carlo et ainsi aider les Lancia à propulsion face aux Quattro. Gumpert reproche à Fiorio ses manœuvres « hors règlement », ce à quoi l’italien lui rétorque que ce n’est pas interdit et qu’il devrait bien connaitre le règlement « puisque vous l’avez écrit », allusion directe au lobbying dont les constructeurs allemands ont souvent fait usage pour peser sur les règlementations sportives.

Le film essaie aussi de bien respecter l’histoire, même si certains faits de course sont purement fictionnels, ce qui est assez logique pour les besoins de l’intrigue. En effet, la Lancia 037 a été conçue comme un pur prototype de course, descendante des Monte Carlo Groupe 5, face à une Audi Quattro qui dérivait d’un modèle de série. La 037 était une pure voiture de course, sans compromis, conçue pour être très accessible aux mécaniciens, et qui compensait son déficit de motricité par sa légèreté et son aérodynamisme bien plus affiné que celui de l’allemande.

Le scénario n’omet pas les discussions techniques et les tests qui vont permettre aux Lancia à propulsion de tenir tête aux Audi à 4 roues motrices. Tous les rallyes ne sont pas traités, le scénario se focalisant sur le Monte-Carlo, le Portugal, la Grèce et le San Remo, soit les rallyes où Lancia a pu défier et vaincre Audi. Côté production design aussi, rien à dire, on se replonge bien dans les années 80 au niveau des décors, des looks et bien sûr du parc automobile, qui permet aussi de voir pléthore de voitures italiennes (ça change des allemandes qui ont pris le dessus globalement au cinéma)

Le film omet de préciser que tous les résultats n’étaient pas pris en compte dans le championnat, et le titre ne s’est pas joué réellement au San Remo, bien que le triplé italien là-bas ait été décisif. Par contre, l’anecdote de l’homologation « trafiquée » de la 037 (les 200 exemplaires exigés furent en fait une centaine de véhicules  présentés sur deux parkings différents) reprend en réalité une légende qui circule atour de l’homologation de la Stratos, première voiture purement conçue pour le rallye, dont le quotas (500 à l’époque) fut atteint de façon limite avec quelques modèles pas finis ou en effet quelques-uns qui auraient été déplacés d’un parking à l’autre pour duper les inspecteurs de la FIA…Bref, on n’échappe pas au stéréotype de la « magouille » à l’italienne, de la même façon que l’on a droit évidemment aux stéréotypes sur la rigueur et l’avancée technologique « à l’allemande ».

Ce qui l’est moins !

A côté de cela, le film manque néanmoins sérieusement de rythme, avec des longueurs et des scènes inutiles (les réceptions et le concert qui ne sert à rien), et une mise en scène assez plate, en dépit d’un jeu d’acteurs somme toute correct. Evidemment, le film vise un public large et on doit donc se coltiner quelques scènes ou dialogues un peu risibles pour un passionné, où le film essaie d’expliquer simplement les principes du rallye aux profanes.

A ce titre, l’un des gros défauts, et c’est plutôt gênant, ce sont les scènes de course tournées en réel, qui sont loin d’être mémorables, surtout après les claques de Rush ou Le Mans 66 (mais le budget n’est pas le même). Certes, le mérite est de ne pas avoir eu recours à de la 3D. Ce sont plusieurs vrais bolides collector qui ont été mobilisés, mais les voitures sont filmées de trop près. Les passages de course manquent d’ampleur et sont souvent trop mous, les voitures ne roulant pas assez vite, le réalisateur ayant aussi recours à des séquences légèrement accélérées et des effets qui nous détachent de l’atmosphère « années 80 ».

Les vues intérieures insistent beaucoup en gros plans sur les casques, et montrent la tension du pilotage à la limite, mais le flou et le montage des images ne restitue pas bien l’immersion dans le cockpit de ces bolides. Bref, le Groupe B n’est pas montré de manière assez spectaculaire. Où sont les glissades, les sauts, les dérapages rageurs, la boue projetée sur un public intrépide ? Bon ok, il ne faut pas exploser le budget et les contraintes de sécurité sont aussi considérables, sans doute s’agit-il aussi ne pas heurter les consciences bien-pensantes de notre époque, qui dénonceraient une apologie de la vitesse et du risque ?

Si l’atmosphère des paddocks est bien restituée, c’est assez éteint en bord de route, quelques spectateurs bordant de manière très clairsemée les bas-côtés, bien loin des masses en délire de cette époque où les rallyes ressemblaient à des corridas…La Finlande est à ce titre très mal restituée, car on se croirait plutôt dans l’arrière-pays ligure. La production a ses limites, ce qui explique aussi que les rallyes extra-européens (Kenya, Nouvelle-Zélande,) soient passés à la trappe…Cela reste tout de même agréable de voir et d’entendre rugir les Lancia 037 et Audi Quattro. Le film a eu aussi la bonne idée d’insérer des images d’archives bien plus spectaculaires et parlantes sur l’ambiance folle du Groupe B et, à la limite, ils auraient pu en user davantage.

(3 commentaires)

  1. Sauf que Le Mans 66 même si j’apprécie le film a beaucoup trop d’incohérences avec la réalité de ce qui s’est vraiment passé.

  2. Je n’irais pas le voir. Le problème quand on est un passionné, c’est qu’on est fasciné par les détails de l’Histoire et intolérants aux incohérences cinématographiques.
    Le Mans a un côté documentaire intéressant mais pas de scénario, Rush est plutôt réussi, Le Mans 66 s’en tire bien parce qu’il s’intéresse à la genèse de la GT 40.
    Gran Turismo est sans intérêt.

  3. Mais non !! Le meilleur c’est driven ?. Bon trêve de plaisanteries. Pour une raison que j’ai du mal à comprendre, tout les biopics s’arrangent avec la réalité. Ça serait simple de raconter l’histoire comme elle s’est passée, mais non. Il y’a toujours des choses qui, soit non pas eu lieu ou soit sont arrivés mais pas comme c’est raconté ou alors pas au bon moment. Je suppose que c’est ça la différence entre un film et un documentaire.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *