FIA : Mohamed Ben Sulayem nous ferait presque regretter Jean-Marie Balestre !

Si vous connaissez le film Demolition Man avec Sylvester Stallone et Wesley Snipes, sorti en 1993, vous vous souvenez sans doute de l’un des gags du film, où le personnage de John Spartan, réveillé en l’an 2032 après 40 ans de cryogénisation, découvre que l’on reçoit en temps réel des contraventions pour avoir proféré des jurons. Et bien, on y est ! Quand le Président de la FIA (Fédération International de l’Automobile), Mohamed Ben Sulayem, nous ferait presque regretter Jean-Marie Balestre !

« Max Verstappen, vous avez une amende pour atteinte au code de moralité du langage ! »

Les nouvelles sanctions pour les jurons sont la dernière controverse en date du président de la FIA, Mohammed Ben Sulayem, qui a provoqué la colère des pilotes. Mohammed Ben Sulayem en est désormais à sa quatrième saison en tant que président de la FIA, l’instance dirigeante du sport automobile, et les polémiques s’enchaînent à la vitesse des esses de Suzuka, entachant son mandat depuis le tout début. La liste est désormais longue comme le bras, de l’affaire Andretti à la polémique des enquêtes diligentées contre la femme de Totto Wolff, en passant par des déclarations à l’emporte pièce sur la valorisation de la F1, les femmes ou encore les sanctions à tout va contre des pilotes.

La FIA s’est donc encore illustrée avec la publication de nouvelles directives de pénalités strictes qui verront les pilotes bannis de course pendant un mois s’ils jurent lors de trois conférences de presse ! Les jurons sont considérés comme des « fautes » – tout comme l’agression d’un autre pilote – et les nouvelles directives prévoient que les premiers contrevenants devraient être condamnés à une amende de 40 000 € (33 750 £) à verser dans le « bocal opaque » de la FIA. Cette amende est doublée en cas de deuxième infraction, puis passe à 120 000 € (101 250 £) en cas de troisième infraction, qui entraîne également une suspension d’un mois et la déduction de points au championnat.

Une suspension plus importante pour 3 jurons que pour des actions dangereuses en piste

Les sanctions recommandées pour les jurons sont identiques à celles pour les agressions, bien que les commissaires aient le pouvoir discrétionnaire d’ajuster la sanction en tenant compte de facteurs atténuants ou aggravants. La même échelle de sanctions s’applique aux pilotes qui, par leurs « paroles, actes ou écrits », causent « un préjudice moral ou une perte » à la FIA, à ses membres ou à ses dirigeants, ce qui signifie probablement que les critiques ouvertes à l’encontre de Ben Sulayem restent modérées. La loi des suspects ! Mais cela n’est pas nouveau par contre. On se souvient des déboires de Ayrton Senna !

La remise en cause des motivations du président de la FIA est passible des mêmes sanctions, tout comme « la formulation et l’affichage de déclarations ou de commentaires politiques, religieux et personnels », qui vont à l’encontre du « principe de neutralité » de la FIA. On se croirait revenu au temps des « diktat » de Jean-Marie Balestre, qui régnait par la terreur.

Le précédent de Singapour

Ben Sulayem a annoncé une répression des jurons avant le Grand Prix de Singapour 2024, après une interview où il a évoqué le nombre de jurons dans les messages radio des pilotes. « Nous ne sommes pas des rappeurs, vous savez », a-t-il dit, ce qui a immédiatement provoqué une réponse de Lewis Hamilton, qui s’était plaint d’un « élément racial » dans les commentaires. Il n’y auait donc que des rappeurs « racisés » ?

Max Verstappen a ensuite fait une intervention lors de la conférence d’avant-course, décrivant sa voiture lors de la course précédente comme « foutue », pour rester poli. Suite aux commentaires de Ben Sulayem plus tôt dans la semaine, Verstappen a été sommé d’effectuer « des travaux d’intérêt général ». Ce service a finalement été effectué au Rwanda, où il a participé à un programme de développement pour les pilotes de course en herbe.

Cependant, Verstappen a tourné en dérision la sanction en disant peu de choses lors de la conférence de presse d’après-qualification, mais en parlant ensuite librement aux journalistes à l’extérieur. Le système s’est toutefois révélé incohérent lorsque Charles Leclerc a été condamné à une amende de 10 000 euros lors du Grand Prix du Mexique en novembre. Les commissaires ont déclaré avoir pris en compte les excuses immédiates de Leclerc.

Les pilotes au créneau

Cela fait bien longtemps que nous n’avions pas vu une telle fracture entre la présidence et les pilotes. On se souvient des tensions avec Max Mosley en 1994, dans le contexte de dangerosité des monoplaces et d’accidents à répétition avec la tragédie d’Imola, des tensions palpables également avec Balestre à la fin des années 80 sur son interprétation des règles et bien entendu de la fameuse grève des pilotes au début des années 80, qui cependant était davantage en lien avec des aspects contractuels.

Les pilotes de Formule 1 ont été scandalisés après que la FIA a augmenté l’amende maximale à laquelle ils s’exposent de 250 000 € (211 000 £) à 1 million € (843 000 £). George Russell, directeur de la Grand Prix Drivers’ Association (GPDA), a souligné que le montant était supérieur à ce que gagnent des pilotes de Formule 1 débutants en un an et s’est demandé où allaient les revenus des amendes.

Les sanctions pour les jurons semblent avoir poussé le GPDA à agir, et il a envoyé une lettre ouverte à Ben Sulayem énumérant les griefs qui s’étaient accumulés au cours de son mandat de président.

« Nos membres sont des pilotes professionnels qui courent en Formule 1, le summum du sport automobile international. Ce sont des gladiateurs et chaque week-end de course, ils offrent un spectacle grandiose aux fans », peut-on lire.

« En ce qui concerne les jurons, il y a une différence entre les jurons destinés à insulter les autres et les jurons plus décontractés… Nous exhortons le Président de la FIA à également réfléchir à son propre ton et à son langage lorsqu’il s’adresse à nos pilotes membres, ou même à leur sujet, que ce soit dans un forum public ou autre. De plus, nos membres sont des adultes, ils n’ont pas besoin de recevoir d’instructions via les médias, sur des sujets aussi triviaux que le port de bijoux et de sous-vêtements.

« Le GPDA a exprimé à maintes reprises son point de vue selon lequel les amendes financières infligées aux pilotes ne sont pas appropriées pour notre sport. Au cours des trois dernières années, nous avons demandé au Président de la FIA de nous communiquer les détails et la stratégie concernant la répartition des amendes financières de la FIA et la manière dont les fonds sont dépensés. Nous demandons une fois de plus au Président de la FIA de faire preuve de transparence financière et d’entretenir un dialogue direct et ouvert avec nous. »

La réaction de Ben Sulayem n’a pas été conciliante. « Ce ne sont pas leurs affaires », a-t-il déclaré à Autosport. « Désolé. Avec tout le respect que je vous dois, je suis un pilote. Je respecte les pilotes. Laissez-les partir et concentrez-vous sur ce qu’ils font le mieux, c’est-à-dire la course. »

Les turbulences se font sentir également en interne

Il a été annoncé en novembre que le directeur de course de la F1, Niels Wittich, avait « démissionné » de son poste avec effet immédiat, bien que le championnat du monde ait encore plusieurs courses à disputer. Cependant, Wittich a déclaré au magazine allemand motorsport-magazin.com : « Je n’ai pas démissionné », ajoutant qu’il avait été licencié.

La FIA a déclaré qu’elle ne pouvait pas fournir de raison pour laquelle il avait quitté son poste, mais la BBC a rapporté que cela était dû à la détérioration des relations de Wittich avec Ben Sulayem. Wittich n’était que le dernier dirigeant le plus en vue parmi une série de départs récents.

La responsable de la commission féminine de la FIA, Deborah Mayer, est partie fin 2023, suivie du directeur sportif Steve Nielsen en décembre, ce dernier n’étant pas en poste depuis 12 mois.Tim Goss a quitté son poste de directeur technique des monoplaces en janvier 2024, et en mai, Natalie Robyn a quitté son poste de directrice générale après seulement 18 mois.

Couper les têtes qui dépassent

Après Wittich, ce sont le commissaire principal Tim Mayer, le responsable de la conformité de la FIA Paolo Basarri et la directrice de course de F2 récemment installée Janette Tan – qui était si nouvelle dans son poste qu’elle n’avait pas encore supervisé une seule course.

Mayer a affirmé qu’il avait été renvoyé parce qu’il représentait le Circuit des Amériques lors d’une audience de « droit de révision » après que la FIA ait infligé une amende de 500 000 € au circuit pour une invasion de la piste, alors qu’une « infraction » similaire cette saison n’a conduit qu’à un avertissement pour Montréal. Mayer a déclaré que Ben Sulayem s’était offusqué de le voir représenter le COTA à cette occasion, un rôle qu’il avait joué à plusieurs reprises auparavant en plus d’être intendant, et l’avait fait démettre de ses fonctions.

Concentrer les pouvoirs

Ben Sulayem a pris des mesures pour limiter la manière dont la FIA peut être tenue responsable de la mauvaise gouvernance. Les associations nationales de sport automobile ont approuvé sa proposition selon laquelle toute plainte en matière d’éthique serait examinée par le président de la FIA et le président de son sénat, plutôt que par le sénat lui-même. Elle a également supprimé le pouvoir du comité d’audit d’enquêter de manière indépendante sur les questions financières.

« J’ai des réserves sur un certain nombre de points contenus dans ces changements », a déclaré David Richards, président de Motorsport UK, à la BBC. « Il s’agit d’un débat fondamental sur la manière dont la gouvernance devrait fonctionner au sein de la FIA et sur l’opportunité d’un débat ouvert et approprié sur ces questions. »

Des questions ont déjà été posées sur les finances du cabinet de Ben Sulayem. Un « fonds présidentiel » de 1,5 million de dollars a été créé, qui serait versé aux clubs membres – ces clubs votant pour le président de la FIA.

« En général, si on regarde les choses de manière positive, on pourrait avoir sa propre émission de télé-réalité avec ce qui se passe en ce moment », a commenté Toto Wolff. « Je pense que toutes nos parties prenantes doivent garder à l’esprit que nous devons protéger ce Saint Graal qu’est le sport, et le faire de manière responsable, transparente et responsable. Et ce n’est pas ce que l’on voit. »

Notre avis, par leblogauto.com

Certes, on peut comprendre que l’on surveille le langage dans un sport très médiatisé. Plus globalement, c’est aussi la société qui a évolué et a été permissive, sans doute trop, dans ce domaine. Qui se souvient que les « jurons » et grossiéretés étaient systématiquement « bipées » à la télévision auparavant, ce qui n’est plus le cas dans de nombeuses émissions ? Les pilotes semblaient plus maîtres de leurs propos par le passé. On imagine bien que ça jurait sévère sous les casques, mais, en conférence de presse ou ailleurs, la génération des années 80 et même des années 90 semblait plus respectueuse dans son vocabulaire. Le « F-Word » comme on dit Outre-Atlantique s’est généralisé, presque comme dans le sketch parodique des Inconnus.

Mais, à ce compte-là, pourquoi la FIA a laissé la diffusion de communications radios où les jurons sont légion, quand bien même en les bippant. Comme souvent, on a l’impression que l’on va dans l’extrême inverse, avec une police du language qui peut en devenir ridicule, comme on le voit sur les réseaux sociaux où de nombreux termes sont censurés par les algorithmes car associés automatiquement à du caractère sexuel et grossier, alors même que le contexte d’emploi n’a rien à voir…

Surtout, la FIA devrait surtout se préoccuper de problèmes plus urgents concernant la F1, comme la question des commissaires de courses, des systèmes de pénalités, etc.

(4 commentaires)

  1. « « Nous ne sommes pas des rappeurs, vous savez », a-t-il dit, ce qui a immédiatement provoqué une réponse de Lewis Hamilton, qui s’était plaint d’un « élément racial » dans les commentaires. »

    J’ai bien rigolé quand j’ai vu passer ça. Si j’ai bien suivi, pour Hamilton, Rappeur est un élément racial? Il ne sous entendrait quand même pas que tous les rappeurs sont black quand même? Eminem a dû bien se marrer en lisant ça… 🙂

    Qu’il y ait une sanction pour une insulte en conférence de presse ne me choquerait pas, pour un juron c’est déjà plus compliqué, il y en a certain qui sont presque des éléments de langage (compliqué d’empêcher quelqu’un du sud de ne pas dire Putaing à chaque phrase ^^), en conférence de presse on n’est pas sensé être sous pression, on a le temps de répondre. Ce que je trouve abusé c’est ce genre de sanction pour les messages radio, que celui qui n’a jamais sorti un juron au volant me jette la première pierre. J’imagine même pas avec la pression qu’on doit avoir au volant d’une F1, avec une équipe derrière, et peut-être un championnat en jeu, quand on veut doubler au freinage et qu’il y a un changement de trajectoire à la dernière seconde, ça doit sortir tout seul sans s’en rendre compte.

  2. Du coup un fuck façon Tommy milner c’est combien ? 🤣🤣🤣

    Et une fight comme il arrive souvent en Nascar ?? 🤣🤣🤣

  3. Pas étonnant ce qui arrive à la F1 avec ce président !
    Je me souviens de l’état dans lequel il a rendu la Renault F1 qu’on lui avait fait essayé, en ligne droite ! On verra l’état de la FIA à la fin de son mandat…

  4. C’est complètement hypocrite de la part de Ben Sulayem quand il déclare que les pilotes devraient s’occuper uniquement de la course. Dans ce cas ils doivent pouvoir être dispensés de conférences de presse, alors qu’ils ont en réalité de grosses amendes s’ils en manquent une.

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