Ferrari F80 : une F40 Cyberpunk ?

Ferrari vient de dévoiler sa nouvelle supercar, celle qui doit trôner en haut de la gamme comme la digne héritière de la LaFerrari. Justement, la dernière-née de Maranello, s’inscrivant dans une lignée commencée avec la 288 GTO, reprend la nomenclature inaugurée par la F40 en 1987, poursuivie par la F50 en 1995, avant que Ferrari ne surnomme ses supercars « Enzo » en 2002 et « LaFerrari » en 2013.

Ce sera donc F80 ! Onze ans après la LaFerrari, même si les 80 ans du cheval cabré ne surviendront qu’en 2027 (seule la F40 avait une appellation en adéquation avec l’anniversaire), la F80, longtemps pressentie pour s’appeler F250, reprend donc la série initiée par la F40. ET ce n’est sans doute pas un hasard, car cette F80 ressemble beaucoup à une sorte de « réinterprétation » modernisée de son aïeule. Mais il y a de choses à redire…

Un design d’ingénieur dicté par l’obsession aérodynamique

Qu’il impressionne ou déçoive les esthètes, le style de la F80 est clairement étonnant. 4840 mm de long, 2060 mm de large et une hauteur limitée à 1138 mm, pour un empattement limité à seulement 2665 mm qui induit des porte-à-faux très longs, favorables à une meilleure exploitation aérodynamique : les proportions de la F80 peuvent paraître déroutantes, avec un rendu que Flavio Manzoni assume clairement comme « futuriste et disruptif » afin de proposer « quelque chose d’absolument innovant et inattendu ». La géométrie du châssis, avec ses bas de caisse étroits et incurvés, contribue à créer un effet d’étanchéité aérodynamique autour du soubassement.

En effet, avec ses formes carrées et sa grande bulle, cette F80, surtout regardée de l’avant, rappelle énormément les sport-prototypes du Groupe C et les supercars des années 70/80 en pleine mode « spatiale ». Mais elle passerait presque comme « banale » en comparaison de certaines supercars électriques. Ferrari se laisse-t-elle aller au consensuel ? Vue en hauteur, la complexité de ses formes aérodynamiques semble puiser dans l’imaginaire « cyberpunk », où les voitures offrent en général des lignes tendues, très rabaissées et high-tech.   Sous certains angles, notamment de face et de trois quarts avant, le rendu est anguleux, revenant presque à des lignes typées années 80/90. La F80 rend un hommage appuyé à la F40, surtout au niveau des ailes avant, tout en ayant des formes dictées d’abord par l’aérodynamisme et très inspirées des prototypes du Mans. Nous avons bien la sensation de scruter davantage une voiture d’ingénieur qu’une création de designers façon « Pininfarina » car les traits de style caractéristiques de Ferrari ne sautent pas aux yeux de façon évidente. La performance pure ne prend-elle pas trop le dessus sur la recherche du plaisir visuel ?

Avec ses ouïes d’aération carrées, ses ailes avant découpées à la serpe et des blocs optiques étonnamment assez simples, en rupture avec les regards effilés des LaFerrari et autres SF90 Stradale, la F80 pourrait presque passer pour un restomod poussé ! Les optiques sont d’ailleurs reliés entre eux par un bandeau noir, comme sur la 12Cilindri qui elle-même s’inspirait de la Daytona. Néanmoins, cet ensemble fait penser aux calandres-vitres de certains concepts car « futuristes ». Certains éléments visuels connus sont néanmoins bien là, comme le conduit NACA qui canalise l’air vers l’admission du moteur et les radiateurs latéraux ou encore le compartiment moteur à persiennes, où six fentes, une pour chaque cylindre du moteur à combustion interne, créent une relation inattendue entre les lignes géométriques et les surfaces sculpturales de la voiture.

C’est de profil que la F80 est la plus séduisante, avec un ensemble pare-brise / toit / capot moteur qui est une véritable sculpture. L’arrière est plus classique, donnant une impression de « déjà vu », très typé Prototype « à l’ancienne », tandis que les optiques sont désormais une paire de doubles segments à LED. Mais où sont passés les phares ronds si sexy d’avant ?

Des gênes de F1 et de 499P

La F80 atteint des niveaux de performances aérodynamiques inédits, comme en témoignent les 1 000 kg d’appui produits à 250 km/h.   À l’intérieur du S-Duct, deux volets suivent le profil principal pour compléter la configuration de l’aile triplan avec des courbures et des fentes de soufflage clairement inspirées du 499P. Le flux d’air provenant du soubassement et du pare-chocs subit ainsi une dilatation verticale violente et est redirigé à l’intérieur du conduit vers le capot avant, générant un puissant courant ascendant qui se traduit par une puissante zone de basse pression sous le soubassement. Le volume libéré sous les pieds du pilote permet l’apparition, entre les roues avant, de bargeboards, ces dérives verticales bien connues en F1 pour libérer le fond plat de l’air turbulent. Plus loin derrière, le diffuseur prend naissance en amont du deuxième essieu pour s’étirer sur 1,80 m de long.

L’aileron actif complète l’ensemble du concept aérodynamique du véhicule. Le système d’actionneur ajuste non seulement sa hauteur, mais contrôle également l’angle d’attaque de manière continue et dynamique, pour une portance et une traînée modulables avec précision. Dans la configuration High Downforce (HD), qui est utilisée lors du freinage, de l’entrée en virage et de la prise de virage, l’aileron adopte un angle de 11° par rapport à la direction du flux d’air pour générer plus de 180 kg de portance aérodynamique à 250 km/h.

Le flanc de la F80 intègre différentes fonctions dans une solution formelle unique, décrite par le volume supérieur de la porte, dont la surface s’abaisse progressivement pour donner forme à un canal intégré dans la carrosserie elle-même. La forme de ce canal protège le flux d’air le long de l’aile de la contamination thermique par le sillage chaud de la roue avant et le guide le long de la surface de la porte jusqu’à l’entrée située sur le bord d’attaque du flanc. Cette prise d’air est surmontée d’une aileron qui réinterprète la forme caractéristique des prises d’air aéronautiques NACA : une solution qui exploite le tourbillon de l’air pour capturer une partie du flux d’air circulant dans la région située au-dessus du conduit.

Un intérieur de quasi-monoplace

Motivée par la volonté de réduire la traînée et le poids, l’architecture de la F80 est si extrême – la coque asymétrique octroie 50 mm de moins en largeur au passager – que l’habitacle est plus étroit et centré sur le conducteur, dans une ambiance monoplace. Malgré le fait que la voiture soit homologuée pour deux occupants, cette architecture est même qualifiée par Ferrari de « 1+ ». Le conducteur dispose d’un baquet réglable en profondeur, au même titre que le volant tandis que son « copilote » devra se contenter de rembourrages fixés à la baignoire en carbone. Une configuration qui « fait disparaître le passager aux yeux du pilote ». Le poste de conduite, résolument enveloppant, est entièrement centré sur le conducteur, ses formes convergeant vers les commandes et le tableau de bord. Un décalage longitudinal dans la position des sièges des deux occupants a permis de reculer le siège passager plus loin que le siège conducteur, ce qui a permis d’obtenir un espace intérieur plus étroit sans pénaliser l’ergonomie et le confort perçu.

La F80 est également dotée d’un nouveau volant développé spécifiquement pour cette voiture, qui fera son apparition sur les futurs modèles routiers du Cheval Cabré. Légèrement plus petit que son prédécesseur et doté de jantes supérieures et inférieures aplaties, le volant présente également un moyeu plus petit, améliorant la visibilité . Les boutons physiques sur les branches droite et gauche du volant font leur retour ici, remplaçant la disposition entièrement numérique utilisée par Ferrari ces dernières années.

1200 CV certes, mais un V6…

Autre surprise : le moteur. Les supercars chapeautant la gamme Ferrari nous avaient habitués à des V8 ou des V12. Désormais, ce sera un V6. Certes, nous allons le voir de suite, ce moteur propose des performances stupéfiantes, mais, symboliquement, il est difficile d’imaginer le « vaisseau amiral » de Maranello doté de seulement 6 cylindres. La convergence avec la F1 et le WEC est logique d’un point de vue technique, mais la supercar d’élite du cheval cabré manquerait-elle de noblesse ? Quand on pense que Enzo Ferrari n’avait pas voulu que les Dino V6 portent le nom Ferrari…

Cette F80 bénéficie au niveau de sa motorisation de tout le savoir-faire de Ferrari en Formule1 et en Endurance. Le V6 F163CF de trois litres à 120° produit une puissance de pointe étonnante de 900 ch, ce qui en fait le moteur Ferrari avec la puissance spécifique la plus élevée de tous les temps (300 cv/l), à laquelle l’essieu avant électrique (e-4WD) et le moteur arrière (MGU-K) du système hybride ajoutent 300 cv supplémentaires. D’ailleurs, Ferrari précise que l’architecture de ce moteur et nombre de ses composants sont étroitement dérivés du groupe motopropulseur de la 499P, notamment le carter, la disposition et les chaînes de transmission du système de distribution, le circuit de récupération de la pompe à huile, les roulements ou encore les injecteurs.

Naturellement, la F80 hérite de la F1 à la fois le concept du MGU-K (avec le développement d’un moteur électrique industrialisable similaire à l’unité utilisée dans les voitures Ferrari F1) et des MGU-H (qui génèrent de l’énergie à partir de l’excès d’énergie cinétique de la rotation des turbines créée par l’énergie thermique des gaz d’échappement) avec une application e-turbo sur mesure.

La F80 est équipée du premier moteur de voiture de route Ferrari à bénéficier d’une nouvelle approche du contrôle statistique du cliquetis, qui permet au moteur de fonctionner encore plus près de la limite de cliquetis, ce qui permet d’utiliser des pressions de chambre de combustion plus élevées que jamais pour libérer encore plus le potentiel du moteur.

Les injecteurs à 350 bars sont situés au centre de la chambre de combustion pour un mélange air/carburant optimal et, associés aux multiples stratégies d’injection adoptées, garantissent une efficacité pour des performances exceptionnelles avec des émissions réduites. Les profils des cames d’admission et d’échappement ont été révisés pour optimiser l’efficacité dynamique des fluides et augmenter le régime moteur maximal à 9 000 tr/min, avec un limiteur dynamique à 9 200 tr/min.

Les conduits d’admission ont été raccourcis pour réduire la résistance et refroidir le mélange air/carburant grâce à un désaccordage dynamique des fluides. Les collecteurs d’échappement en Inconel sont conçus pour minimiser les pertes de pression et sont réglés pour accentuer le son caractéristique d’un V6 Ferrari, déterminé par un ordre d’allumage 1-6-3-4-2-5.

Chasse au poids

Pour abaisser le centre de gravité de la voiture, le moteur a été installé le plus près possible du carter inférieur plat. Ainsi, aucun des composants situés au fond du carter inférieur ne se trouve à plus de 100 mm sous l’axe médian du vilebrequin. Il a également été décidé d’incliner l’ensemble moteur-transmission de 1,3° sur l’axe Z, ce qui surélève la boîte de vitesses afin de ne pas compromettre l’efficacité du carter inférieur aérodynamique.

Pour alléger le moteur, le bloc-cylindres, le carter, le carter de distribution et d’autres composants ont été révisés, tandis que des vis en titane ont également été adoptées. Grâce à ces mesures, le moteur ne pèse pas plus que le V6 de la 296 GTB malgré une augmentation de puissance de 237 ch.

Les moteurs électriques sont les premiers à avoir été entièrement développés, testés et fabriqués par Ferrari à Maranello, dans le but précis de maximiser les performances et de réduire le poids. Leur conception (deux sur l’essieu avant et un à l’arrière de la voiture) s’inspire directement de l’expérience de Ferrari en course. En particulier, le stator et le rotor en configuration Halbach (qui utilise une disposition spéciale des aimants pour maximiser la force du champ magnétique) et le manchon magnétique en fibre de carbone sont toutes des solutions dérivées de la conception de l’unité MGU-K utilisée en Formule 1.

En utilisant le courant continu produit par la batterie haute tension à 800 V, le convertisseur Ferrari génère un courant continu à 48 V pour alimenter les systèmes de suspension active et e-turbo, et un courant continu à 12 V pour alimenter les unités de contrôle électronique et tous les autres auxiliaires électriques du véhicule. La technologie permet à ce composant de convertir le courant sans latence avec une efficacité de conversion supérieure à 98 %, de sorte qu’il se comporte à toutes fins utiles comme un accumulateur. Ce composant élimine le besoin d’une batterie de 48 V, ce qui permet de gagner du poids et de simplifier la configuration du système électrique.

Également développé et fabriqué entièrement en interne par Ferrari, le train avant comprend deux moteurs électriques, un onduleur et un système de refroidissement intégré. Ce composant permet d’utiliser la vectorisation du couple pour le train avant. L’intégration de différentes fonctions dans un seul composant et la nouvelle disposition mécanique ont permis une économie de poids d’environ 14 kg par rapport aux applications précédentes, l’ensemble du composant ne pesant que 61,5 kg.  L’onduleur est intégré directement dans l’essieu et ne pèse que 9 kg, ce qui contribue à la masse inférieure de ce composant par rapport à son homologue sur la SF90 Stradale.

Un autre onduleur est utilisé pour le moteur électrique arrière (MGU-K). Il remplit trois fonctions : démarrer le moteur à combustion interne, récupérer de l’énergie pour recharger la batterie haute tension et compléter le couple du moteur dans certaines conditions dynamiques. Il peut générer jusqu’à 70 kW en mode régénération et assister le moteur à combustion interne avec jusqu’à 60 kW de puissance. Intégré dans ces deux onduleurs, le système Ferrari Power Pack (FPP), un module de puissance avec tous les éléments nécessaires à la conversion de puissance réunis dans l’unité la plus compacte possible.

Le cœur du système d’accumulation d’énergie – la batterie haute tension – est conçue pour une densité de puissance très élevée. La conception innovante de la batterie repose sur trois principes : la chimie des cellules au lithium dérivée de la Formule 1, une utilisation extensive de la fibre de carbone pour la construction du boîtier monocoque et une méthode de conception et d’assemblage brevetée (cell-to-pack) qui minimise le poids et le volume de l’unité. Située en bas du compartiment moteur, la batterie contribue à un comportement dynamique encore meilleur du véhicule en abaissant le centre de gravité de la voiture.

Dynamique du véhicule

La F80 est équipée de la suspension active. Le système comprend une suspension entièrement indépendante actionnée par quatre moteurs électriques de 48 V, une configuration à double triangulation, des amortisseurs internes actifs et des triangulations supérieures créées grâce à la technologie d’impression 3D, utilisée ici pour la première fois sur une voiture de route Ferrari.

Une autre évolution majeure introduite est le nouveau système SSC 9.0 (Side Slip Control), qui bénéficie désormais de la fonction intégrée FIVE (Ferrari Integrated Vehicle Estimator). Le nouvel estimateur est basé sur le concept de jumeau numérique, un modèle mathématique qui utilise les paramètres acquis par les capteurs installés sur la voiture pour reproduire virtuellement son comportement. En plus d’estimer l’angle de lacet en temps réel, ce qui était déjà possible avec la génération précédente, le nouveau système estime également la vitesse du centre de masse de la voiture, avec une précision de moins de 1° et 1 km/h respectivement. Le nouvel estimateur améliore les performances de tous les systèmes de contrôle dynamique à bord du véhicule, y compris le contrôle de traction, par exemple.

Dotée du eManettino comme tous les modèles PHEV Ferrari, la motorisation hybride de la F80 propose trois modes de conduite différents : « Hybrid », « Performance » et « Qualify ». Il n’existe pas de mode eDrive, disponible sur les SF90 Stradale et 296 GTB, car la F80 ne peut pas être conduite en mode 100 % électrique, ce qui n’est pas conforme à la mission de la voiture.

Les modes eManettino « Performance » et « Qualify » offrent également au conducteur l’accès à une toute nouvelle fonction, une première non seulement pour Ferrari mais pour l’industrie automobile dans son ensemble : Boost Optimization, une technologie qui enregistre la piste sur laquelle roule le véhicule et fournit un boost de puissance supplémentaire automatiquement. La mise en œuvre de Boost Optimization varie selon qu’elle est utilisée en mode « Performance » – où elle maintient les performances constamment disponibles le plus longtemps possible – ou en mode « Qualify », où elle maximise les zones de boost, même au prix d’une baisse de la charge de la batterie haute tension.

Au total, cette créature hybride de 1 200 ch cumulés, est capable d’atteindre en moins de 5”8, non pas 100, mais 200 km/h. Elle semble avoir déjà pris le record du tour d’une voiture homologuée pour la route sur le circuit maison de Fiorano en 1’15”30.

Le système de freinage de la F80 introduit une autre innovation importante : la technologie CCM-R Plus, développée en collaboration avec Brembo. Le CCM-R Plus utilise des fibres de carbone plus longues pour améliorer considérablement la résistance mécanique (+100%) et la conductivité thermique (+300%) par rapport à la solution de génération précédente. Les surfaces de freinage sont recouvertes d’une couche de carbure de silicium (SiC), qui offre une incroyable résistance à l’usure tout en réduisant les temps de rodage.

Deux choix de pneus, les variantes Pilot Sport Cup2 et Pilot Sport Cup2R, toutes deux proposées dans les dimensions 285/30 R20 et 345/30 R21 (avant/arrière), ont été développées en collaboration avec Michelin pour la F80.

Et pour maximiser la facilité d’utilisation au quotidien, même lorsque le véhicule n’est pas conduit à la limite, la F80 est équipée de série de toutes les principales fonctions d’assistance à la conduite ADAS actuellement disponibles : régulateur de vitesse adaptatif avec fonction Stop&Go ; freinage d’urgence automatique ; alerte de franchissement de ligne ; assistance au maintien dans la voie ; feux de route automatiques ; reconnaissance des panneaux de signalisation ; et alerte de somnolence et d’attention du conducteur.

Ne vous pressez pas : les 799 exemplaires, à 3.6 millions d’euros pièce, ont déjà tous trouvé preneur.

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