Eddie Jordan nous a quittés à l’âge de 76 ans. Personnage haut en couleurs, il a marqué la Formule 1 des années 1990 et du début des années 2000.
Une certaine idée de la F1
Evidemment, comment ne pas savoir que c’est lui qui a lancé Michael Schumacher à Spa en 1991, année où débuta d’ailleurs son écurie, et que c’est lui a permis à Jean Alesi de décrocher le titre de F3000 en 1989 et de le placer chez Tyrrell, grâce à se sponsors, afin qu’il fasse ses débuts au Castellet ? Mais, en regardant sur les réseaux les nombreuses images et vidéos partagées en hommage à l’atypique patron d’écurie irlandais, c’est une réflexion évidente qui s’est imposée : avec la mort d’Eddie Jordan, c’est aussi une certaine idée de la F1, et toute époque révolue qui est partie. Les concerts dans le paddock avec Damon Hill, les plaisanteries et les photos avec les mannequins de charme des sponsors, les blagues potaches…quand la d*conne rimait encore avec le business et que la F1 avait encore un petit côté rock’n’roll !
L’irlandais s’inscrivait dans la lignée de ses rivaux, Ken Tyrrell, Frank Williams et Ron Dennis, en patron tenace, qui a toujours dû se battre pour la survie de son écurie, mais avec cependant largement plus de fun que ses congénères ! Bien avant le Red Bull fantasque des origines, Jordan avait apporté un sacré vent de fraîcheur sur la F1 des années 90, s’étant constitué une importante base de fans grâce à une approche débridée et joviale. Néanmoins, sa bonhomie et sa sympathie naturelles, unanimement saluées dans le paddock, ne l’empéchèrent nullement d’être un manager déterminé, très habile pour trouver des financements et défendre ses intêrets face à la montée en puissance des constructeurs.
De pilote modeste à patron d’écurie avisé
Eddie Jordan souhaitait devenir dentiste mais il arrête ses études pour travailler dans une banque. Alors qu’une importante grève se déroule à Dublin, il travaille sur l’île Anglo-Normande de Jersey et assiste pour la première fois à une course de karting ; à son retour à Dublin, Eddie achète un kart et commence à courir vers 1970. L’irlandais fut un pilote honnête. En 1974, il débute en Formule Ford, puis devient champion irlandais de Formule Atlantique en 1978 avant de courir un peu en F3, en F2 et même de faire quelques tests pour l’écurie de Formule 1 McLaren. Mais, à l’instar d’autres patrons comme Frank Williams ou même Enzo Ferrari bien plus tôt, il comprend que sa vraie vocation est d’être de l’autre côté du muret des stands, en patron d’écurie.
À la fin de l’année 1979, alors qu’il est confronté à des difficultés financières, il fonde l’écurie Eddie Jordan Racing. Homme d’affaires rusé, qui sait mener sa barque pour financer son écurie, ce fut aussi un dénicheur et un révélateur de talents. Il recrute Martin Brundle en 1983, qui défie Ayrton Senna pour le titre de F3 britannique, puis embauche Johnny Herbert qui est champion en 1987. Très proche de ses pilotes, il les prend sous son aile, comme Jean Alesi, qui fut quasiment intégré comme un membre de sa famille lorsqu’il débarqua en Angleterre pour courir dans son équipe de F3000.
Une bonne ambiance, mais aussi des résultats !
Champion de F3000 en 1989 justement avec l’avignonnais, Jordan franchit le pas en 1991 et débarque en F1. Dès sa première saison, Jordan fait fort, en décrochant à plusieurs reprises des points grâce à une superbe F1 à la fameuse livrée verte 7up. Surtout, il fait débuter Michael Schumacher à Spa, mais Flavio Briatore le « double » pour lui chiper son poulain et le transférer chez Benetton. Plus tard, il lance Rubens Barrichello ou encore Eddie Irvine.
Après quelques années mitigées avec Hart, où il est souvent obligé de faire appel à des pilotes payants, puis quelques saisons avec Peugeot, Jordan progresse dans la hiérarchie avec Mugen-Honda. En 1998, Damon Hill remporte le premier succès de l’écurie sous le déluge de Spa. La meilleure saison reste 1999, avec une 3ème place finale au championnat constructeur, tandis que Heinz-Harald Frentzen est pendant une partie de la saison en lice pour le titre mondial. Après quelques coups d’éclat ça et là, et malgré un partenariat officiel avec Ford en 2003, l’écurie périclite et finalement Eddie Jordan vend la structure en 2005.
Depuis, il était resté influent et très actif, entre ses activités de consultant médias pour la BBC, l’animation de son propre podcast, des présentations occasionnelles de Top Gear, ou encore ses activités de manager (pour Adrian Newey) et d’actionnaire du Celtic Football Club.