Alfa Romeo : Santo Ficili fait-il fausse route ?

Alfa Romeo

Dans un récent entretien donné à nos confrères de l’Argus, le nouveau PDG du Biscione, Santo Ficili, s’est confié sur les plans à venir de la marque au Trèfle. Mais certaines de ses affirmations posent question.

Avec 62 000 modèles vendus dans le monde en 2024 (!), Alfa Romeo est loin de son objectif initial de 80/90000 ventes. Et que dire de l’objectif fixé en 2022 de 200.000 ventes à l’horizon 2027. Nous en sommes très loin.  Pourtant, Santo Ficili, arrivé aux commandes en octobre 2024, affirme que “2024 est une année positive pour nous compte tenu du contexte étrange du secteur automobile ». Oui, le contexte est délicat, mais, en Europe notamment, beaucoup de marques ont progressé malgré tout, dont les rivales directes. Or, Alfa Romeo ne performe vraiment, historiquement, que sur 4 marchés : Italie, France, Allemagne et USA.

Hormis la France, en hausse, et l’Allemagne, plutôt stable, les chiffres ont sensiblement flanché aux USA et, plus grave, en Italie ! Les chiffres sont tout de même inquiétants, sachant que le Tonale, qui n’a que deux ans et demi, s’essouffle déjà et qu’Alfa Romeo a pourtant sorti, assez tôt dans l’année, une nouveauté avec le Junior. Une baisse de vente significative lors d’une année où sort un nouveau modèle devrait faire réfléchir…Méthode Coué ? C’est ensuite sur le plan produit que certaines informations peuvent également laisser perplexe.

La Giulia sur des échasses ?

La Giulia arrive en fin de carrière, après 9 ans de service et un bilan commercial assez loin des ambitions affichées (moins de 200.000 ventes), en dépit du nombre important de prix remportés et d’une côte de popularité importante au sein de la communauté alfiste (mais alors, qui en a acheté ?)

Par contre, le positionnement va changer : la nouvelle Giulia adoptera « un nouveau design et un nouveau type de carrosserie. Sa plateforme sera la même que celle du Stelvio. Vous pouvez donc imaginer quel type de véhicule nous proposerons. » Bref, pour beaucoup, cela laisse penser que le style, très différent de l’actuelle berline à trois volumes, tendra vers le crossover surélevé avec une queue tronquée et une lunette arrière inclinée. La Giulia risque-t-elle de devenir un clone de la 408 ? Vu le peu de succès de cette carrosserie, on peut se poser la question légitimement. L’argument vu et revu, c’est de dire que les grandes berlines ne se vendent plus. Il faudrait alors se demander pourquoi les Classe C, Série 3, A5 et compagnie continuent d’exister. Et il faudrait aussi regarder les ventes des berlines aux USA…La Camry, en 1 an, s’est plus vendue Outre-Atlantique que la Giulia dans le monde en 10 ans…mais il faudrait un article entier pour faire l’inventaire de la Giulia.

Le nouveau Stelvio, qui arrivera fin 2025 (début de la production en juillet), continuera d’être produit dans l’usine italienne de Cassino, comme l’actuelle génération. Ce Stelvio sera rejoint en 2026 par la future Giulia. Les deux modèles partageront la même plateforme et la même mécanique (y compris les hybrides) et recevront une architecture logicielle identique.

Alfa Romeo Giulietta : non, c’est non ?

Cela fait longtemps que la rumeur enfle à propos d’un retour sur le segment C, avec une compacte pour accompagner la Tonale, la dernière Giulietta ayant tiré sa révérence en 2020. Plusieurs noms comme Alfetta, GTV ou Brera ont émergé. La communauté alfiste l’a suffisamment exprimé et réclame depuis fort longtemps une descendante de la Giulietta, directement auprès de la marque qui, depuis quelques années, s’appuie beaucoup sur les clubs.

Cependant, Sandro Ficili aurait exclu l’arrivée d’une nouvelle Alfa Romeo Giulietta ou, en tout cas, d’une héritière dans les prochaines années.

« Pour le moment, je ne vois aucune possibilité de retour de la Giulietta, puisqu’il n’y a pas de demande pour une berline compacte. Aujourd’hui, la nouvelle Giulietta, c’est la Tonale qui prend sa place sur le marché. J’ai possédé 20 Giulietta dans ma vie, c’est une voiture extraordinaire, encore aujourd’hui. Cependant, nous devons suivre les demandes du marché : les clients préfèrent les SUV et notre objectif est de vendre des voitures. »

Là encore, il y a de quoi se poser des questions. Pas de demande pour une compacte ? La Golf s’est encore écoulée à 217.000 exemplaires rien qu’en Europe cette année. Les Classe A, Série 1, A3 Sportback sont toujours au catalogue. Alors, on imagine que c’est pour laisser la place à la Lancia Delta et éviter une « cannibalisation », mais le succès de la Delta demeure très hypothétique alors que le blason Lancia repart quasiment de zéro. L’Ypsilon démarre doucement, et rien n’est acquis pour la Gamma. Le Tonale ne peut en aucun cas être considéré comme un héritier de la Giulietta, non seulement par son gabarit, son positionnement, son comportement routier mais aussi par son prix. Il va sans dire que de nombreux propriétaires Mito-Giulietta, que la marque a essayé de récupérer avec le Tonale et le Junior, sont partis, qui vers Cupra, qui vers Mazda, qui vers les allemandes.

Le non-renouvellement de la Mito et de la Giulietta (presque 500.000 exemplaires tout de même) a été un péché originel de Sergio Marchionne, que la marque continue de payer avec un ticket d’entrée tarifaire trop élevé. Certes, Alfa se veut « premium » pour se positionner face au premium germanique, mais la politique jusque-là menée par Carlos Tavarès a été illogique et contre-productive : des tarifs élevés et « prétentieux » alors que l’image n’est pas celle du premium germanique (en dépit de la côte d’amour de la marque), une réduction de la gamme des moteurs, des choix de personnalisation limités…tout a été fait à l’envers si l’on compare à la concurrence directe.

La compétition, mais où et avec quoi ?

Sandro Ficili a évoqué aussi un possible retour de l’entreprise milanaise dans le monde du sport automobile après ses adieux à la Formule 1 fin 2023. Cette réflexion est en cours depuis un certain temps, mais rien de concret pour l’instant n’est apparu.

 « Je suis un compétiteur et Alfa Romeo possède un grand héritage dans le monde du sport automobile. Malgré l’implication de marques telles que DS Automobiles, Ferrari, Maserati et Peugeot dans les programmes sportifs, il y a aussi de la place pour Alfa Romeo, qui reviendra bientôt sur la scène. »

Actuellement, l’idée la plus plausible, déjà évoquée par l’ancien PDG Jean-Philippe Imparato, semble être une entrée en WEC. Pourtant, Peugeot s’y trouve déjà, à moins que la 9×8, en cas de nouvelle saison décevante, ne s’efface. Il y aurait aussi l’option de l’IMSA, où Peugeot n’est pas engagé, avec un choix de prototype LMDH, moins coûteux que l’hypercar, et qui permettrait de viser le marché nord-américain.

Le problème, c’est qu’il n’y a pas, à l’heure actuelle, de modèle « coursifiable ». Le tourisme (qui a cependant perdu de sa superbe, depuis notamment le passage du DTM aux GT) et le rallye (important dans l’histoire d’Alfa, contrairement à certaines déclarations officielles !) sont donc condamnés. La F1 n’est valable qu’en tant que véritable constructeur ou motoriste engagé, avec des moyens colossaux que Stellantis ne peut mettre. Le coche a été raté avec la Giulia, qui aurait pu avoir une version GT4 et même GT3…Quant à la 33, c’est une « dream car » extraordinaire, mais qui n’a pas de projet compétition derrière, vu que c’est une série ultra limitée et qu’i n’y aura pas de production série ultérieure qui aurait justifié un programme compétition pour la promouvoir. Le problème, c’est donc que la marque Alfa Romeo, qui s’affiche volontiers comme « sportive » – c’est don ADN, en effet – n’a pas vraiment de sportive ! 3 SUVs dominent la gamme actuelle, et on parle à terme d’une Giulia crossover et même d’un E-SUV grand gabarit pour 2027/2028 ! Overdose de SUVs ! Le Tonale 280 PHEV est dynamique, mais n’est pas un véhicule sportif à proprement parler, tandis que les Giulia et Stelvio QV prennent leur retraite, et sont invendables sur certains marchés comme la France à cause du malus. Le JUnior Veloce 280 dispose d’un tempérament sportif, mais il sera confidentiel dans les ventes. La quadrature du cercle…

Le plan électrique initial, on oublie

C’est d’Amérique que des impulsions plus positives surviennent. On a déjà vu que le Tonale a bénéficié d’une baisse de tarif et de l’arrivée d’un moteur 2.0 turbo. Surtout, c’est le plan d’électrification initial qui a été remisé au placard. Evidemment, Stellantis USA peut se permettre chez l’Oncle Sam des adaptations qui semblent illusoires en Europe, où les malus et oukases européennes saccagent la voiture plaisir.

Initialement, on s’en souvient, Alfa Romeo avait prévu d’achever sa transition vers l’électrique d’ici 2027, l’Alfa Junior étant initialement le dernier modèle thermique. Cependant, des changements sont intervenus récemment dans les plans stratégiques, et cette décision a été en partie influencée par le marché américain et le départ de Carlos Tavarès qui a fait sauter des « couvercles ».

Chris Feuell, responsable d’Alfa Romeo pour l’Amérique du Nord, a parlé clairement des changements dans une interview avec Automotive News, expliquant que la marque italienne évolue vers une stratégie « multi-énergies » au lieu d’une approche uniquement électrique. Selon Feuell, passer exclusivement aux véhicules électriques à batterie serait problématique, notamment pour le réseau de concessionnaires aux États-Unis. « Notre réseau américain compte environ 110 concessionnaires et il leur serait très difficile de survivre avec un portefeuille composé uniquement de BEV », a-t-il commenté, soulignant clairement la nécessité d’une offre diversifiée pour répondre aux différents besoins des clients.

Déjà en octobre de l’année dernière, l’ancien PDG d’Alfa Romeo, Jean-Philippe Imparato, avait anticipé ce possible tournant. Lors d’une conversation avec Auto Express, il avait suggéré que le nouveau patron, Santo Ficili, aurait l’opportunité d’abandonner la stratégie d’électrification exclusive, avec des modèles comme le Stelvio et la Giulia qui, initialement, étaient conçus exclusivement en électrique.

La raison de cette flexibilité est que les deux modèles utiliseront la plate-forme STLA Large, conçue pour accueillir à la fois des moteurs électriques et à combustion interne, permettant ainsi une plus grande variété de groupes motopropulseurs. Un exemple de la façon dont cette plate-forme pourrait être utilisée est la Dodge Charger, qui sera disponible avec des moteurs à essence six cylindres en ligne, bien qu’elle partage la même architecture.

Mais là encore, attendons de voir. Le nouveau Stelvio, attendu cette année, doit être lancé d’abord en électrique. L’hybride ne suivrait qu’en 2026, à priori. Ce choix est-il judicieux ? Les précédents de la Fiat 500 ou de l’Ypsilon (où le lancement de l’hybride a été rapidement rapproché de l’électrique) devraient servir d’exemples.

(21 commentaires)

  1. Pour refaire une Giulietta moderne… Ils ont la base de la 308 qui est un succès sur tous les plans… Techniques, ventes, etc.
    Des bases existent… Pour faire 300 ch en full thermique… 400 ch en PHEV voire 500 !
    Le châssis existe… Reste a développé les GMP vers le haut… Mais 2/3 est déjà fait et c’est au top !

    C’est la même chose pour la Mito… Avec la 208 … Qui a été privé de version GTi
    Quel dommage !

    Deux marques qui étaient exceptionnellement bonnes dans ces segments !
    Quel dommage de laisser le terrain à la concurrence ….

      1. Je parle de base technique qui on fait la preuve… Pas forcément de GMP… Qui serait justement la touche de la marque Alfa !

        Sur les tractions… Les châssis Alfa n’ont pas été toutes des réussites …. L’inverse de Peugeot.
        Par contre les moteurs, c’est Alfa qui a été réputé !
        C’est la synthèse des deux qui a été longtemps rêvée.

        Et puis en dehors d’Alfa… l’image doit se redresser ! … 2025 ne sera pas forcément de la copie de 2024 !?

  2. Déjà faire une carrosserie « SW » pour la GIULIA aurait été un plus !!!
    Le STELVIO est trop encombrant
    Pour le Tonale et le Junior, le plus gros pb est l’origine des moteurs

    1. Le Tonale repose sur la plateforme technique FCA Small Wide déjà utilisée pour le Jeep Compass de seconde génération et non sur une plateforme Stellantis, idem pour les GMP, sauf erreur !?

      1. … Et pour le Junior, à part « l’origine » des GMP, il n’y a pas de gros problèmes pour le moment.
        Des mécaniques fiabilisées et améliorées avec la primeur de montée en puissance.
        … Les signes de ventes sont plutôt bons !? … Enfin, il faudrait faire le bilan sur une année pleine, et non pas quelques mois en phase du lancement.

        1. @Karuk, sachant que Puretech est à sa 3e génération de modifications… Et du coup, il est relativement nouveau !
          Dire que le Firefly 1,5 l est beaucoup plus fiable que ceux monter sur les Junior… C’est de la pure spéculation ! Ou vous appelez Mme Soleil !?
          Pour le gain de l’image… Il n’y a pas photo ! … Mais pour le factuel …. L’histoire nous le dira plus tard.

  3. Et si le retour à la compétition passait par l’Indycar et les 500 miles d’Indianapolis, surtout qu’il cherche à booster le marché américain.

    1. L’ADN d’Alfa ça reste le tourisme mais pas le DTM mais plutôt le TCR sauf que sans Giuletta ce n’est même pas la peine d’y penser.

      1. Le tourisme a tenu une grosse part dans les programmes sportifs mais c’est un peu vite oublier la F1 en 1950 Frangio a été champion sur une Alfa, et même l’indycar a été au programme avec un succès mitigé à la fin des années 80 alors que le championnat s’appelait CART.

  4. Alfa Roméo était une grande marque qui s’est engagée dans de belles aventures sportives. Actuellement, la perspective du 100% électrique en 2035 fait que, en fin de compte, si la marque Alfa Roméo disparaissait complètement du marché ce serait encore mieux pour sa légende sportive. De toute façon, il n’y a aucun intérêt à conserver un nom de marque aussi illustre pour pontifier des VE aussi anachroniques que consternants.

    1. Le problème de Alfa , c’est d’avoir voulu proposer la nouvelle Stelvio/Giulia en tout électrique,alors qu’ils auraient dû prévoir des versions hybride qui sera lancé après la VE .

      1. Hybride? 🤔
        Ils n’ont cette technologie!
        Ils proposent des micro hybrides pas des hybrides. C’est différent.
        Stellantis a indiqué qu’il arrêtait la communication qui consiste à prendre ses consommateurs pour des andouilles.

        Ben déjà il va falloir commencer à dire qu’ils ont des mild hybrides et des rechargeables mais pas d’hybrides.

        1. @SAM, ce sont tous des hybrides… Il y a moins 4 formes d’hybridations.
          L’hybridation légère 48 V à l’avantage du poids et du coût… C’est cette forme-là qui va remplacer définitivement les 100 % thermiques d’ici 2035, puisque ce sont des thermique améliorées.

  5. Sauvons Fiat, Alfa, Peugeot et Citroën.
    Visiblement les italiens savent mieux que les français comment developper Alfa ou Fiat. Laissons les faire et récupérons nos billes, on va se faire entuber comme GM sur nos plateformes. Ils les ont récupéré, là ils vont commencer à nous gonfler.

    Ce qui se passe là c’est que la famille Agnelli sous la pression de Meloni va privilégier des labels italiens qui ne vendent plus en Europe sur le dos de Peugeot et Citroën.

    La priorité de Stellantis va être les USA… et pour l’Europe on va nous expliquer que l’Italie est plus compétitive que la France. Bernard Arnault en est convaincu il fait fermer les PME françaises pour acheter en Italie des produits Dior qu’il revend avec l’image du prestige français!

    Les italiens ont flingué Fiat et Alfa depuis deux décennies mais là ils vont venir nous expliquer que c’est la faute de Peugeot.

  6. ça va être compliqué pour les gens qui aimaient les Alfa Roméo: Trop d’ingrédients fausse route. Il reste quoi à Alfa Roméo ? la Giulia, la Mito . Pour les autos surélevées, les chasseurs se retrouvent le dimanche matin et connaissent les enseignes

  7. Ce monsieur n’a pas tort quand il dit qu’ils sont la pour vendre des voitures, donc pour faire du volume.
    Le probleme est qu’ils n’ont pas de véhicule pour faire du volume sur « le segment à volume » (compact berline et SUV) : la Tonale qui est soit disant une giulieta est un laidron bien trop loin des codes dynamiques d’Alfa, la Junior est trop jeune pour se faire une idée et est une trop petite auto
    Si on rajoute le pricing qui n’aide pas, l’âge canonique des 2 voitures qui sont sensées générer de la marge… et la concurrence dementielle qu’il y a maintenant sur les segments SUV (classiques, coupés, ….) il y a une somme de freins assez importante à lever pour reussir les futurs lancements et le developpement de la marque

  8. Il fait avec ce qu’il peut. Alfa s’est fait violemment attaquer par le GVT d’extrême droite de l’Italie, et les Italiens achètent ce qui est produit en Italie – d’où le succès des petites Jeep produites localement.
    Et l’insuccès des Alfa produites hors Italie.
    Bref, la situation n’est pas facile quand les ressources sont très limitées. Il va bien falloir utiliser les bases Stellantis et les adapter, tout ça en gérant les ultras d’Alfa Roméo. Je trouve qu’il navigue plutôt bien, et de toute façon en bon Italien il dit ce que son interlocuteur a envie d’entendre, ce qui in fine brouille un peu le message.

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