WRC – Corse 2019 : Evans, flamboyant, perd le rallye dans les derniers kilomètres

Ce Tour de Corse 2019 fut d’une incroyable dramaturgie jusqu’aux derniers kilomètres de la dernière spéciale. Neuville hérite d’une victoire et crée le malaise dans la zone d’arrivée à Calvi.

Le Tour de Corse est un rallye asphalte particulièrement dur avec notamment une très longue spéciale de 47 km parcourue deux fois. Cela met les machines et les hommes à rude épreuve.

Attendue, la guerre des Seb n’a pas lieu

Le premier jour, il apparaît clairement que la Citroën C3 n’est pas dans le rythme. Mauvais set-up pour l’asphalte, une spécialité française pourtant. Ogier et Lappi sont contraint de sauver les meubles. Pour Loeb, c’est dès l’ES1 que les ennuis commencent avec une suspension cassée sur un virage trop large et 2 minutes perdues. Meeke ne fait guère mieux avec 51 secondes dès l’ES1 lui-aussi.

Après le premier jour, Evans est en tête sur sa Fiesta M-Sport « quasi-privée » devant Tänak pour 4,5 secondes et Neuville pour 9,8 secondes. Parmi les pilotes « hors mondial » attendus sur cette épreuve on notera que Camilli est 9e devant Bonato 10e et Ciamin 12 après Gryazin.

Sur les 4 premières spéciales du samedi, Tänak et Evans se livrent une superbe bataille. De temps en temps Sordo ou Neuville montrent qu’ils sont là, mais se font décrocher peu à peu. Sauf que dans l’ES11, Tänak crève et doit changer la roue, près de 2 minutes concédées. D’ailleurs, l’autre Toyota de Latvala connait aussi une crevaison dans la même spéciale et perd plus de 2 minutes 13. Pour Tänak, les espoirs de victoire s’envolent.

Tänak out, Neuville et Evans se battent pour la gagne

Devant, Evans a plus de 11 secondes et on se dit qu’il va virer en tête le soir. Que nenni. Neuville donne un dernier coup de rein dans l’ES12 et repasse en tête pour 4,5 secondes. De son côté Ogier en profite pour passer Sordo et se retrouve à une inespérée 3e place. Inespérée car chez Citroën c’est la soupe à la grimace. On a du mal à trouver les réglages et on « doit faire avec ». A noter que l’ES12 a été neutralisé après le passage des WRC suite à l’incendie dont a été victime la voiture de Camilli. 12e de l’épreuve, le Français et son copilote sont indemnes mais pas la voiture. C’est l’abandon.

Hier matin, Evans est déchaîné. Sur l’ES13, il met tout le monde à plus de 10 secondes, sauf Tänak à 8,8 secondes. Excusez du peu. Résultat, Neuville est à 11,5 secondes avant la dernière spéciale (Power Stage) et sauf coup de théâtre, on voit mal la victoire échapper à Evans et à M-Sport. Ogier s’est dégagé de Sordo à près de 30 secondes et va pouvoir assurer le podium, à moins qu’il veuille aller chercher les bonus de la PS.

Meeke à fond, Evans au fond

Dans la Power Stage, Kris Meeke que l’on a vu très très prudent dans la première spéciale (économie des pneus ?) claque un temps comme il sait faire entre deux boulettes. Il n’y a que Tänak pour s’en approcher, à 4,4 secondes sur moins de 20 km autour de Calvi. Neuville fait un meilleur temps qu’Ogier et va donc marquer au moins 1 point de bonus de plus que le Français. Tout le monde dans la zone du podium regarde Evans dans la spéciale.

Patatras ! La Fiesta subit une crevaison à l’avant droit et Evans doit ralentir. Les secondes d’avance partent en lambeaux comme le pneu puis l’aile avant de la Ford. A l’image Evans est dépité mais continue coûte que coûte. Il coupe la ligne d’arrivée en 3e place, avec 12 secondes sur Sordo 4e. Devant, c’est Ogier 2nd et Neuville qui hérite d’une victoire inespérée. Un Hamilton tout en retenue face à Charles Leclerc en F1 est un sacré contraste !

Classement du Tour de Corse 2019

Plutôt choquant pour l’assistance et les autres concurrents, les Belges laissent éclater une grande joie non contenue, bientôt rejoins par le patron de l’écurie et le grand patron de Hyundai. Tout le monde considère qu’Evans est le vainqueur moral de ce Tour de Corse 2019. Mais les mathématiques et la loi du sport sont ainsi faites. C’est Neuville qui empoche les 25 points de la victoire.

POS PILOTE TEMPS DIFF PRÉC. DIFF 1ER
1. T. NEUVILLE 3:22:59.0
2. S. OGIER 3:23:39.3 +40.3 +40.3
3. E. EVANS 3:24:05.6 +26.3 +1:06.6
4. D. SORDO 3:24:17.4 +11.8 +1:18.4
5. T. SUNINEN 3:24:23.6 +6.2 +1:24.6
6. O. TÄNAK 3:24:39.0 +15.4 +1:40.0
7. E. LAPPI 3:25:08.1 +29.1 +2:09.1
8. S. LOEB 3:26:38.2 +1:30.1 +3:39.2
9. K. MEEKE 3:28:05.3 +1:27.1 +5:06.3
10. J. LATVALA 3:29:43.6 +1:38.3 +6:44.6

Classement pilotes

Avec cela, il repasse en tête et pourra ouvrir la piste en Argentine. Il pourra encore (comme sur ce rallye) se plaindre d’une voiture « pas au niveau » ou du fait d’ouvrir la voie. Après un Corse en demi-teinte, Tänak recule à la troisième place mais reste dans le groupe de tête. Evans rejoint Meeke dans le groupe des poursuivants, mais distancés.

Pos Pilotes Points
1 Thierry NEUVILLE 82
2 Sébastien OGIER 80
3 Ott TÄNAK 77
4 Elfyn EVANS 43
5 Kris MEEKE 42
6 Esapekka LAPPI 26
7 Sébastien LOEB 22
8 Dani Sordo 16
9 Jari-Matti LATVALA 15
10 Teemu Suninen 14

Classement constructeurs

Au championnat constructeur, Hyundai reprend la tête à Toyota et compte 12 points d’avance sur Citroën qui reste 2nd. Toyota glisse à la troisième place après un rallye de France à oublier. M-Sport revient un peu avec le très beau rallye de Evans, mais aussi de Suninen 5e ! Malgré des moyens plus faibles que les trois autres, on sait encore faire des voitures chez Malcolm Wilson.

Pos Equipe Point
1  HYUNDAI SHELL MOBIS WRT Hyundai 114
2 CITROEN TOTAL WRT Citroen 102
3 TOYOTA GAZOO RACING WRT Toyota 98
4 M-SPORT FORD WORLD RALLY TEAM Ford 70

Désormais, les concurrents sont attendus en Argentine pour la doublette Argentine-Chili. Rendez-vous fin du mois d’avril pour ces rallyes atypiques (dont un en altitude).

(21 commentaires)

  1. La tension était telle le rallye si indécis que la réaction de Neuville est normale à chaud et pris dans l’instant. Neuville à déjà vécu ce genre de situation où il avait de l’avance et patatras tout s’écroule. Bravo à Evans. Il doit apprendre à mieux gérer ses émotions. La dernière spéciale était belle et large (pour la Corse) . Beau bitume. Evans ne devait pas prendre de risque. Une crevaison n’arrive jamais par hasard. Une corde coupée là où il ne fallait pas et la victoire change de mains. Avec ma femme nous étions en Corse et ce rallye fut magnifique. Et quel plaisir de retrouver les routes ou des l’âge de 16 ans j’ai usé nombre pneus et plaquettes.

    1. bonne analyse ! merci
      bon article aussi ! dommage que le rédacteur semble ne pas porter Neuville au respect des louanges qu’il mérite .
      Je jubile pou Neuville avec ce résultat ( je suis français de filiation toute française) mais dans le sport , je n’ai pas de drapeau.
      je souhaite le meilleur à Citroën qui doit avoir les bonnes clés pour modifier quelques réglages.
      Un pilote sacré en Corse est forcément un grand pilote !

      1. « Victoire à l’arrachée et au bout du suspense du multiple (vice) champion du monde à qui rien de résiste tant il a éclaboussé de tout son talent et de sa modeste retenue ce Tour de Corse d’anthologie qui restera à tout jamais ancrée dans la mémoire de l’inconscient collectif, convertissant ainsi son sens de l’opportunisme inné en une incontestable et incontestée 10ème victoire en WRC ! »

        C’est mieux là, non ?

  2. C’est vrai qu’il est très énervant à se plaindre tout le temps et il aurait pu se contenir. Ce n’est clairement pas un Champion dont on se souviendra mais est-ce que vous faites les mêmes commentaires avec Ogier quand il a un comportement insupportable ? PS pour les autres lecteurs: c’est une vraie question, pas la peine d’etre agressif! ?

    1. @Bod : oui 😉 pas de différence de traitement.

      Là, pour avoir été sur place au podium, la foule a clairement peu goûté la (trop grande) joie de Neuville et Gilsoul.
      Après on peut comprendre hein, c’est une victoire.
      Mais le contraste avec Ogier et Ingrassia qui récupèraient une 2nde place totalement inespérée vu les perfs sur ce Corse était saisissant.

      Surtout, le premier podium (pour la télé en direct) se déroule juste après l’arrivée. Evans était encore dans l’émotion de sa « défaite » dans les derniers km.
      Pour le côté plaintif…anecdote. Au départ du rallye, Neuville déclarait publiquement à tous les médias que de toute façon il ne visait pas la victoire car la voiture n’avait pas progressé et n’était pas au niveau.
      A l’arrivée, déclaration….la voiture a bien progressé sur asphalte et on peut se battre pour la victoire…heu…comment dire ? 😉

      Evans aurait perdu la 1ère place sur le temps de l’ES14, c’eut été différent de voir Neuville, Gilsoul et toute l’équipe exploser de joie.
      Et soyez assurés qu’on fera de même si un autre pilote, fut-il dans une écurie française, se comporte pareillement 😉

      1. Me voilà rassuré, merci. J’en profite pour vous remercier pour vos nombreux articles de qualité basés sur une très bonne connaissance du sport auto mais aussi des technologies plus « vertes ». Quand un article sur un de ces sujets que j’apprecie également est bien écrit, j’en devine souvent facilement l’auteur avant d’arriver à la fin..?

      2. Neuville a aussi déclaré immédiatement au micro de la RTBF (télé belge) qu’Evans était le vainqueur moral du rallye de Corse. Quant à se plaindre, Ogier et Neuville se valent bien. Cela fait partie de leur stratégie pour décontenancer les adversaires, tout comme minimiser les performances de leurs adversaires directs. Je n’aime pas mais cela joue beaucoup le moral.

    2. Les motifs de mécontentement d’Ogier sont surtout dirigés vers la FIA, et sont souvent légitimes (stupide règle de balayage, artifices destinés à créer du « spectacle », équité parfois à géométrie variable, etc.). Lorsque les plaintes recoupent ce que disent la plupart des fans de rallye (et parfois depuis des années), ça n’a rien d’insupportable, quel que soit le pilote qui les tient, d’autant que le discours du jour de l’un peut tout à fait devenir celui de l’autre le lendemain.

      Sur ce rallye, Ogier tenait le même discours que Neuville quant au peu de confiance accordé à sa voiture, à ceci près que le premier en a été surpris et que le second s’y attendait dès le départ. Résultat : ils se retrouvent 2 et 1 d’une manière tout aussi inespérée, mais l’explosion de joie a été du côté de celui qui partait le plus loin en terme de frustration.
      Dans cette décompression presque mécanique, j’y vois plus de la maladresse que de l’arrogance mal placée, mais j’y vois aussi toute la pression que l’équipage Neuville/Gilsoul se met, et qu’ils ont du mal parfois à évacuer. Par rapport à ça, l’empathie passe souvent au second plan.

      Après c’est sûr que du côté d’Evans, c’est un peu la double peine, mais il y a tout de même un vrai motif de satisfaction de le voir – avec M-Sport – revenir aux avants-postes. En espérant que ça dure pour lui.

  3. Je rejoins les différents commentaires sur Ogier et Neuville. Comme je le disais dans mon précédent post Neuville a explosé de joie mais il faut tenir compte de la grande tension durant ces 3 jours de rallye. Neuville connaît ce genre de situation et il sait ce que Evans a vécu dans cette spéciale. Ogier a fait du Ogier : ne rien lâcher et faire l’épicier dans certaines spéciales. Il n’est pas 6 fois champion du monde par hasard. Ce fut un sacré beau rallye. Dommage pour Loeb qui pouvait prétendre au top 5. Les mêmes erreurs n’ont pas toujours le même tarif. L’incertitude du sport. Mais à voir passer Neuville et Loeb en spéciale l’un surconduit et l’autre n’est pas en confiance. Cette I20 doit évoluer en terme de châssis ( train avant) et de réglage de différentiel. Sordo toujours aussi solide.

    1. …vous dites l’un surconduit ! c’est sans doute le verbe que vous attribuez à Neuville . Je n’étais pas non plus en spectateur en Corse. Mais Neuville, comme d’autres avant lui aux avant postes aux chronos ( j’en ai une ribambelle en tête et en autres disciplines aussi que le Rallye ) , Oui Neuville m’a toujours donné au début que je l’ai vu rouler cette impression de « fou « …Plus tard j’ai compris que c’était un grand pilote et ultra rapide. En Belgique, j’ai vu aussi François Duval conduire pareil et parfois Loix aussi, Robert Droogmans, Patrick Snijers jadis . En champ monde sur route, même Auriol à certains moments, tout comme Saby, Andruet, Jean Ragnotti,J Henry, G Fréquelin, Armin Schwarz,Vatanen, Kankunen, H Toivonen… m’ont donné cette impression de « Fou » ( Fou = pour moi plus tard de grand doués surtout…) Je ne parle pas des régionaux au petit palmares mais grand coup de volant quand même.En rallye, en Côte, il y en a beaucoup . En 2019 Les bolides autorisent presque tout tant ils sont performants…et forcément ceux qui « s’en servent au maximum » passent pour des fous. Aussi bizarre que ça me semble, c’est sur l’asphalte pur que j’ai eu ces impressions davantage que sur terre ou neige.
      Parfois les meilleurs doutent d’eux mêmes, sous la pression. C’est le chrono qui rassure ensuite…fait changer de discours. Parfois une auto hyper efficace ne donne pas la bonne impression , à cause d’un caractère moteur, de pneus, de suspensions et ça fausse une analyse avant verdict du chrono. . .

  4. D’accord avec RSA02 le chouin-chouin doit être une spécialité francophone. Pas qu’en rallye. Prost était très doué pour ça et Senna en a fait les frais

  5. labradaauto quand je dis que Neuville surconduit c’est qu’il est obligé de taper dans cette voiture pour faire des temps et parfois l’effort ne paie pas. Je suis fan de Neuville parce que sa conduite est vraiment spectaculaire et il sait aujourd’hui mieux gérer les moments cruciaux. J’ai vu Neuville dans la dernière épingle de la spéciale 6 . La vitesse à laquelle il est arrivé et le p… de freinage avant l’épingle je vous garantis que c’est la signature d’un grand pilote.

    1. d’accord avec votre façon de dire, je traduis bien cette fois. et Merci à vous.
      Par contre, on ne risque pas de se voir un jour, car je ne vais jamais voir de passage en épingle. Je vois ça avec les images hautes définitions que nos télés savent présenter. En épingle on peut surtout perdre du temps, de ce que j’ai appris moi même. Aussi je visualise souvent les passages quand je peux me poster là où ça roule vite en spectateur.
      En Corse je vous l’accorde que lorsqu’on arrive, on a pas tjrs le choix…
      ps: pour info, dimanche soir j’ai visualiser encore pour une enième fois une vidéo Swedish rally 1983 de 54 ‘. les images n’ont pas la définition actuelle, mais l’ambiance de cette époque dont je ne me lasse pas est bien là. Avec plaisir j’ai aussi pu revoir que la n°4 M Mouton avait la cadence etc…une video de nea alecu qui n’a rien à voir avec Ce Corse 2019, mais de belles prises de vues et du rapide. pour l’époque.

      1. Au Corse, les boîtes (les mêmes qu’en Allemagne) tirent court. Sur certaines portions, les moteurs sont au rupteur 😀

  6. On voit mieux à la télévision ok mais l’ambiance le bruit les odeurs c’est incomparable. Vrai aussi que les zones spectateurs vous réduisent à quelques endroits. Les plus beaux passages ne sont pas là où sont « stockés » les spectateurs. La sécurité toujours. Heureusement il y a wrc all live

  7. OUI la Suède est à l’antipode du Corse et en Suède encore aujourd’hui ça va très vite. En Allemagne on a de la pointe de vitesse oui plus qu’en Corse et bien plus de chances de crevaisons sur l’Ile de Beauté. Pour ça j’ai écrit plus haut que qui gagne en Corse est 1 bon.

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