WEC 2017 : Toyota Gazoo Racing, vaincre la malédiction du Mans

Après le titre mondial en 2014, une année 2015 bien terne, les objectifs majeurs raisonnablement assignés en 2016, n’ont pas été atteints. Il ne s’agissait pas d’un problème de conception du proto, puisque le team fut en lice pour le titre jusqu’à la dernière course mais de facteurs de fiabilité isolés, suffisamment perturbateurs pour rater le coche, et au Mans et au championnat.

La volonté de conjurer le sort

Cette frustration avait de quoi apporter une énergie farouche à toute l’équipe pour mieux rebondir en 2017.

Un travail acharné et fructueux a été entrepris à la fois dans les centres techniques de Higashi-Fuji et de Cologne. De plus, la TS050 HYBRID version 2017 a déjà emmagasiné une expérience considérable à travers plus de 30 000 km d’essais cette année, dont cinq séances sur les circuits Paul Ricard, de Motorland Aragon et de Portimao, ainsi que quatre tests d’endurance de plus de 30 heures.

Comme nous l’a précisé John Litjens, chef de projet, la version 2017 est équipée d’un V6 turbo essence de 2,4 litres combiné à un système hybride de 8 MJ (mégajoules – récupération d’énergie au freinage uniquement) ayant bénéficié d’un gros travail et se traduisant par l’optimisation du rendement thermique, en augmentant le taux de compression par des modifications de la chambre de combustion, du bloc-cylindres et des culasses.

En fonction du nouveau règlement imposant des réductions aérodynamiques, on note une lame avant rehaussée de 15 mm et un diffuseur arrière plus étroit, ainsi que les échancrures des pontons plus marquées.

Il est bien difficile, à l’œil nu, de déceler les différences entre les TS050 Hybrid 2016 et 2017. Par contre, à l’évidence, les ingénieurs n’ont pas phosphoré pour rien dans l’objectif d’une amélioration des performances du moteur V6 et de son système hybride. En effet, à l’issue des deux jours de roulage sur le circuit atypique de Monza, on dénombrait quatre pilotes Toyota en tête du classement « meilleur » tour avec notamment : Nicolas Lapierre en 1’30’’.547 ; Anthony Davidson 1’30’’.809 ; Mike Conway 1’31’’.332 ; Kamui Kobayashi 1’31’.447. La première Porsche, pilotée par Neel Jani avait été créditée d’un 1’31’’666. Pour comparaison, les F1 l’an dernier tournaient en 1’21 » en qualification, avec une météo plus chaude.

Le bras de fer avec Porsche est donc, d’ores et déjà bien engagé.

Pour avoir une idée de l’état d’esprit dans lequel se trouve toute l’équipe, nous avons voulu débuter notre immersion chez le challenger de Porsche, par l’interview de Pascal Vasselon directeur technique.

LBA : On ne peut pas décider de gagner au Mans disiez-vous l’année dernière, pourtant c’est bien ce qu’il vous faut réussir cette année. Alors quelle définition technique, quelle organisation sportive, quelle stratégie globale avez-vous prévues pour atteindre cet objectif majeur ?

Pascal Vasselon : « Pour une réponse courte, je dirais bien volontiers, la même chose que l’année dernière, en un peu meilleur, partout.

La voiture a fait l’objet d’un développement profond, maintenant il nous faut voir si elle nous permet de devancer Porsche sur la piste. Ensuite nous avons réagi à nos statistiques défavorables au Mans, en mettant en place une troisième voiture. »

LBA : Quand je vous parlais de troisième voiture les années précédentes, vous me répondiez ne pas avoir de budget pour cela, alors comment avez-vous fait ?

PV : « C’est simple, en fait les circonstances sont différentes. L’année dernière on arrivait avec des sauts technologiques importants dans le système hybride et au niveau du moteur, si bien qu’on avait alloué beaucoup de ressources à ces sauts technologiques, surtout on avait besoin de beaucoup de temps pour développer le moteur et le système hybride. Cette année, la réglementation est restée stable. On est toujours en 8 mégajoules, on est toujours en V6 turbo, ça c’est un premier point. Deuxième point : on a décidé de geler la monocoque, donc a économisé de l’argent. L’ensemble de ces choses a permis d’affecter un budget pour la troisième voiture, sans compromettre de manière trop sévère le développement de la voiture. »

LBA : Si nous parlions pilotes. Surprise avec le retour de Lapierre qui avait été sèchement révoqué précédemment. Alors pourquoi un tel revirement et comment peut-on l’expliquer?

PV : « Révoqué oui, sèchement non. La situation était simple et objective. En 2014, s’étaient développées des circonstances, qui faisaient que Nicolas était rentré dans une spirale négative. Il était évident pour le team qu’il nous fallait l’arrêter. C’était l’intérêt d’un individu contre celui d’une équipe et à un moment donné, c’était de notre responsabilité d’arrêter cette spirale. Nous l’avons fait, ça n’a pas été agréable. Il fallait le faire et il n’y a pas de regret là-dessus. La conclusion a été, Nicolas est dans une mauvaise passe, mais ça n’est pas un mauvais pilote. Un temps a passé, il a clairement montré qu’il avait rebondi, qu’il est certainement plus fort psychologiquement qu’avant. Comme on l’a toujours considéré comme un bon pilote, les circonstances sont là, on peut lui offrir une nouvelle opportunité et on est très, très content de le faire. Les deux décisions sont fondées sur des choses très objectives et l’une ne rend pas l’autre incohérente. »

LBA : Vous pouvez peut-être nous parler un peu des pilotes japonais que l’on connait un peu moins chez nous ?

« Les pilotes japonais que l’on voit dans notre équipe, sont ceux qui ont passé la barre de nos sélections. Cette barre est assez élevée et nous avons malheureusement renvoyé chez eux beaucoup de pilotes depuis 2012. Par contre, quand l’un d’entre eux passe la barre nous sommes très contents, étant une compagnie japonaise. Là, cette année Kunimoto a fait un très bon travail. On l’a testé plusieurs fois cet hiver, il a été extrêmement rapide, il a été impressionnant, sa sélection a été facile, si l’on peut dire. »

LBA : On a lu que Toyota se retirerait du championnat WEC si le changement de règlement évoluait trop vite, qu’en est-il exactement ?

PV : « L’article auquel vous faites allusion était bon mais le titre était faux… Nous disons tout le temps que nous sommes en WEC pour développer de la technologie hybride et ce serait donc difficile pour Toyota de retourner en arrière. »

LBA : L’évolution du règlement WEC interviendra en quelle année, vous y contribuez, je suppose ?

PV : « C’est en discussion avec tout le monde : l’ACO, la FIA, le WEC, Porsche, Peugeot, Toyota. Nous travaillons sur une évolution possiblement pour 2020. »

Logistique en place pour une vraie répétition

Avant cette échéance pour laquelle les négociations seront âpres, avec Peugeot notamment qui a bien envie de revenir en endurance, Porsche et Toyota seuls en lutte pour la couronne 2017, cherchaient lors du prologue de Monza à finaliser leurs options course, et les deux teams n’ont pas chômé avec des pilotes enchaînant les tours avec constance. Ainsi, la Porsche N° 1 a couvert -sur les deux jours- 327 tours exactement comme sa sœur la N°2. Chez Toyota, on a dénombré 316 tours pour la N°7 et 326 pour la N°8.

Chez Toyota, une chose transparaissait clairement, on travaillait sur la configuration Le Mans (également utilisée à Spa) et l’on voulait vérifier, à quelques semaines de la première course à Silverstone, si tous les ingrédients de l’équipe étaient bien en place.

Pour ce qui concerne cette partie logistique, consistant à avoir la bonne personne, le bon matériel, au bon endroit et au bon moment, la collaboration du Toyota Gazoo Racing se poursuivra cette année avec la prestation de services d’ORECA, dont nous avons rencontré le coordinateur Philippe Leloup.

LBA : Quelle est la préparation logistique pour un team comme Toyota ?

Philippe Leloup : « Déjà nous avons fait pas mal d’essais avant d’attaquer ici le prologue officiel. Aujourd’hui on finalise l’intégration des règles comme le nombre de mécaniciens, les positions de chacun dans le stand, sur la pit-lane… Ici nous sommes 90 personnes, et chacun apprend sa place. »

LBA : Votre rôle dans cette affaire ?

PL : « On s’assure que chaque membre du team dispose de son équipement, nécessaire et du matériel. Pour les voitures, une partie arrive de Cologne, une autre du Japon. Pour les pilotes on doit s’assurer que combinaisons, casques, chaussures…, soient conformes au règlement. Vous voyez cela fait beaucoup de choses à coordonner. »

LBA : Plus de travail avec les nouveaux pilotes ?

PL : « Oui, mais avec un que vous connaissez (N. Lapierre), il a juste à retrouver ses marques et pour le petit nouveau japonais, il est guidé par ses collègues. On essaie de lui apprendre toutes les règles, ça n’est pas trop difficile. »

LBA : ORECA assure ces fonctions avec combien de personnes ?

PL : « Nous sommes une dizaine, plus en intégrant les physios. »

Pour tout le championnat du monde, Toyota avait figé depuis pas mal de temps ses deux équipages composés de Mike Conway, Kamui Kobayashi et José María López sur la N°7, et de Sébastian Buemi, Anthony Davidson et Kazuki Nakajima sur la N°8.

Pour Spa et Le Mans, le trio Stéphane Sarrazin, YujiKunimoto et Nicolas Lapierre feront équipe.

Ayant pu recueillir à Monza les réactions de Sébastien Buemi, Stéphane Sarrazin, José Maria Lopez et Nicolas Lapierre nous reviendront avec eux sur cet engagement déterminé de Toyota.

Les premiers temps comparatifs entre Porsche et Toyota sont à l’avantage évident des japonais. Pourtant le prologue n’est pas la course et Porsche a pu cacher un peu son jeu. Toutefois une chose est certaine, l’implication de chaque membre du Team Toyota Gazoo Racing sera totale toute la saison. Enfin gagner Le Mans, fédère toute une équipe, qui avait fière allure lors de cette présentation.

Alain Monnot

Crédit photographique : Alain Monnot et Toyota

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