Alors que le Prologue s’est terminé par le meilleur temps de la 919 Hybrid de Porsche, le constructeur étant favori à sa succession, Toyota lançait une toute nouvelle TS050 que nous avons pu approcher et que nous allons vous faire découvrir grâce à ceux qui l’ont conçu et ceux qui vont la piloter.
Mieux comprendre la Toyota TS 050
Témoins au premières loges du dévoilement et des premiers tours de roue lors du prologue WEC, de la Toyota d’endurance TS 050, nous avons acquis une certitude, à savoir que l’objectif premier des responsables de la marque demeure bien la victoire aux 24 heures du Mans. Certes, un nouveau titre de champion du monde ne se refuserait pas mais, pour un grand constructeur engagé en compétition, le Graal demeure indubitablement, Le Mans.
L’éclairage du directeur technique
Dans un premier temps, nous avons eu le privilège de pouvoir interviewer Pascal Vasselon Directeur technique de l’entité TMG responsable du programme d’endurance, la veille des roulages, alors qu’il n’avait pas eu le temps de manger depuis une journée, c’est dire si nous lui sommes reconnaissants de sa disponibilité.
le blog auto : L’an dernier, lors du prologue WEC la TS040 semblait bel et bien larguée par rapport à la concurrence, quand avez-vous acté ce constat et pris la décision de profondément modifier la voiture ?
Pascal Vasselon : « C’est clair que l’année dernière nous n’étions pas en grande forme au prologue mais le constat a été réellement fait à Spa. Or, si vous vous rappelez, en 2014 nous étions mal au prologue et ensuite nous avons dominé la saison. Effectivement, le prologue est toujours difficile à analyser. Pour nous, en 2015 le déclencheur a été Spa. En effet, sur ce circuit juge de paix, nous avons vraiment réalisé que nous étions derrière, et pas de deux dixièmes !
A Spa donc, nous avons amorcé l’ensemble des réflexions pour changer d’asymptote et la décision a été prise au Mans ».
LBA : A ce moment de la décision, qu’est-ce qui vous apparaissait comme prioritaire en termes de changements ?
PV : « Notre conclusion rapide était qu’il fallait tout changer mais surtout le groupe-propulseur, qui devait absolument passer dans la classe 8 mégajoules. Il fallait recourir au turbo. Cela a nécessité un changement profond au niveau du châssis. Comme chaque année nous changeons la carrosserie, ça il n’y avait pas besoin de décider de le faire, puisque c’était prévu ».
LBA : Entre motorisation, châssis, cet aérodynamisme comment appréciez-vous en termes de pourcentage l’amélioration ?
PV : « En termes de pourcentage, c’est difficile à dire. Disons que l’on s’est donné un objectif de progression de temps au tour, qui résulte de la combinaison de l’écart que nous subissions l’année dernière, plus ce que l’on pense que les autres vont faire. Nous avons donc travaillé pour atteindre cet objectif-là. La question maintenant c’est : les concurrents vont-ils être dans la fenêtre de progression que nous avons estimée. S’ils sont mieux que cela, on sera en problème ».
LBA : Qu’avez-vous besoin de valider au cours de ce prologue ?
PV : « Notre moteur est jeune et nous avons encore besoin de développement et notamment travailler sur la cartographie. On va également tester pour la première fois notre carrosserie du Mans ».
LBA : Le Mans c’est votre objectif principal ?
PV : « Oui, le Mans c’est bien l’objectif principal. Nous avons un double objectif : gagner le championnat et le Mans, mais l’objectif principal c’est bien la victoire lors des 24 heures du Mans ».
LBA : Dans cette optique-là quels sont les essais programmés ?
PV : « Nous avons déjà couverts plus de 22 000 kilomètres. Nous avons encore deux « endurance » à réaliser, des séances de 30 heures ».
[Une séance doit se dérouler à huis clos au Castellet après le prologue et l’autre à Aragon NDLA].
LBA : L’équipe des pilotes est conservée quasi intégralement, il va leur falloir une grosse adaptation pour tirer parti d’une auto totalement différente de celle de l’an dernier ?
PV : « Le problème que nous avions l’année dernière n’avait rien à voir avec les pilotes. Il n’y avait donc pas nécessité de changer les pilotes avec le moteur. Il n’y avait aucune composante pilotes dans le déficit de performances de la saison dernière ».
LBA : Malgré tout pour eux cela ne demande-t-il pas un gros travail d’adaptation ?
PV : « Ah, oui bien sûr, c’est un fonctionnement très différent. Le moteur turbo ne se gère pas comme un V8. Il leur faut savoir gérer le niveau de récupération d’énergie. Pour tout cela nos pilotes sont encore dans une phase d’apprentissage ».
LBA : Les pilotes sont guidés par les ingénieurs, à la radio ?
PV : « Les pilotes sont essentiels dans cette affaire mais nous les accompagnons. Oui, ils sont guidés ».
LBA : Globalement l’équipe a été renforcée. Combien de personnes et dans quels secteurs particulièrement ?
PV : « On ne donne pas de chiffres (gros rire) ! On a injecté des personnes supplémentaires dans la conception châssis et le développement aéro. Simplement,comme nous avons décidé très tard d’un changement majeur, il fallait plus de personnes pour réaliser le programme dans les délais ».
LBA : Qu’attendez-vous de ce prologue ?
PV : « Il faut être précautionneux car on ne connait pas le programme des autres. Ce qui se passe sur la piste est très dépendant de la planification qu’a faite chacun de nos concurrents.
Ce qui est certain c’est que nous allons recueillir des données et ensuite les analyser, tenter de les interpréter. Nous resterons extrêmement prudents en la matière et attendrons les qualifications de Silverstone, pour savoir avec précision où nous en sommes exactement ».
LBA : Alors, optimiste pour ce prologue ?
PV : « Non pas forcément, mais plutôt pragmatique. On va voir ce qui se passe, on va recaler sur le modèle. On va avoir une idée de ce qui nous reste à faire ».
Point de vue de pilotes
Ensuite nous avons pu bavarder quelque peu avec le très expérimenté Stéphane Sarrazin qui nous parle de cette adaptation à cette toute nouvelle TS 050.
Stéphane Sarrazin : « Quand on voit le volant on se dit Waouh ! En fait au niveau du système on s’habitue même si c’est très complexe, mais au fil des heures quand on roule, les ingénieurs sont assez clairs, même si nous avons beaucoup de choses à faire. C’est une 4 roues motrices avec les gestions de l’avant de l’arrière, des anti-patinages, de l’essence, du turbo… tout ça c’est quand même compliqué mais on s’y est habitué. Maintenant, nous savons de quoi on parle, on connait notre système, il nous faut encore l’exploiter le mieux possible. Il faut toujours calculer, comment économiser l’énergie pour en disposer pour les bonnes parties du circuit ».
LBA : Cet équilibre entre train avant et train arrière est-il délicat à obtenir avec ce nouveau moteur et le Kers ?
« On peut dire que ça tire plus fort mais la balance est bonne. Avec les quatre roues motrices nous avons trouvé un bon équilibre commun à tous les pilotes. On prend vraiment beaucoup de plaisir à piloter ».
LBA : Sur cette nouvelle auto qu’est ce qui améliore le plus les performances ?
« C’est sans aucun doute l’apport de l’hybride avec les 8 mégajoules, le moteur aussi avec le turbo. Il faut savoir que nous avons amélioré un peu partout, mais il nous reste encore beaucoup de travail ».
Nous retrouvons Sébastien Buemi pour recueillir son point de vue concernant la TS 050.
LBA : Sébastien que notez-vous comme différence essentielle avec l’auto de l’an dernier ?
Sébastien Buemi : « Nous sommes passés au système hybride avec la batterie et cela nous permet d’avoir beaucoup plus de facilité dans la gestion de l’énergie et en plus avec notre moteur bi-turbo cela constitue un très gros changement en vue de rendre la voiture la plus efficace possible ».
LBA : La puissance est énorme avec 500 chevaux en thermique et autant en électrique ?
« C’est ça à peu près je ne connais pas les chiffres. Notre but c’est d’avoir le plus de puissance possible pour pouvoir la mettre par terre, c’est à dire de bien l’utiliser et c’était l’objectif de l’amélioration de cette année ».
LBA : Il faut être à la fois ingénieur et pilote pour exploiter ces changements ?
« Non, non, on nous rend les choses les plus faciles possible pour que l’on soit capable de bien utiliser le système et que l’on soit capable de l’utiliser répétitivement ».
LBA : Même avec une réduction de 7,5% de l’allocation de carburant au Mans par exemple, vous visez quoi en termes de performance ?
« Oui, on pense être plus rapide mais c’est très difficile de juger. Cela dépend tellement de l’adhérence de la piste, du vent…En fait nous, on s’en fiche un peu dans l’absolu. Ce que l’on veut, c’est d’être plus rapide que la concurrence. Voilà ! »
LBA : Cet avantage vous le trouvez où, moteur, châssis, aéro ?
« On le trouve surtout sur le système hybride et le moteur. Après, la voiture c’est une évolution. C’est très difficile à quantifier mais l’objectif principal était de rendre le système hybride le plus compétitif possible et de gagner de ce côté-là ».
En conclusion
Nous nous garderons bien de tirer quelque enseignement de ces essais effectués durant deux jours sur le circuit Paul Ricard.
Hormis un arrêt sur la piste de Kobayashi en fin de matinée du second jour et un changement de châssis chez Audi entre la première et la seconde journée, chaque team constructeur en LMP1 a joué une partition écrite à l’avance. Nous sommes néanmoins certains d’une chose : Porsche n’entend pas rendre le numéro 1 acquis la saison dernière. La seule préoccupation qui semblait valoir la peine, était d’assurer des changements de pilotes très rapides comme le démontre cette photo où les trois pilotes (Mark Webber, Timo Bernhard et Brendon Hartley) peaufinent la manœuvre lors de la pose du déjeuner.
Malgré tout ce que l’on peut dire, il faut constater que Porsche a dominé chronométriquement les cinq séances d’essais du prologue. Reste à savoir si leur meilleur temps de 1’37’’446 correspond aux estimations qu’avaient pu faire les responsables Toyota pour la définition de leurs objectifs 2016.
On observera au passage, que c’est en tout cas près de 4 secondes plus vite qu’en 2014 avec des restrictions drastiques de consommation de carburant et de pneumatiques. C’est dire si la technologie galope ! Nous en parlerons d’ailleurs prochainement avec Pascal Couasnon, directeur de la compétition Michelin, que nous avons rencontré lors ce prologue passionnant et pas seulement dans la catégorie LMP1 mais également, à tous les étages : LMP2 GTE Pro et Am.
Alain Monnot : Texte et photos
1 – DPPI J-M Lemeur