Une Peugeot L45 Grand Prix de 1914 adjugée 7,26 millions de dollars

Le week-end dernier à Los Angeles s’est tenue, sous l’égide de la maison Bonhams, la vente de la collection Bothwell. Si ce nom ne vous évoque rien, sachez que Lindley Bothwell, agriculteur californien spécialisé dans les agrumes, était également pilote et collectionneur de voitures d’avant-guerre. Entre autres joyaux dans ses garages, se trouvaient une Rolls Royce 40/50hp de 1912 carrossée par l’officine parisienne Muhlbacher & fils, une Prinz-Heinrich Benz de compétition datant e 1909 et cette fameuse Peugeot L45 de 1914 dont il est aujourd’hui question.

Le triomphe à Indianapolis pour les « charlatans »

La L45 (en référence à sa cylindrée de 4,5 litres) est le fruit du travail de trois géniaux touche-à-tout, surnommés chez Peugeot les « charlatans ». Car les idées de Georges Boillot, Jules Goux et Paolo Zuccarelli ne sont pas du goût de tous au sein du constructeur. Et pourtant, la formule caisse légère et cylindrée moyenne qu’ils concoctent pour la compétition fait rapidement et brillamment ses preuves. A bord de la dénommée L76 (7,3 litres), Boillot remporte le grand prix ACF (Automobile Club de France) de Dieppe en 1912. L’année suivante, c’est Jules Goux qui impose cette même L76 aux 500 miles d’Indianapolis.

Dû aux changements de réglementation, les « charlatans » développent deux autos de moindre cylindrée, les L56 et L45. Cette dernière est dotée d’un moteur quatre cylindres produisant 112 chevaux, et d’une boîte de vitesses à quatre rapports. Des freins à tambours sur chaque roue remplacent les simples freins arrières. Et des moyeux centraux Rudge sont installés, facilitant le changement de roues lors des arrêts aux stands. Ce sont trois exemplaires qui sont alignés à Indianapolis en 1916, aux mains de Dario Resta, Johnny Aitken et de Ralph Mulford, un pilote privé. Si Aitken pourtant auteur de la pole abandonne sur casse moteur, Resta remporte la course et Mulford finit troisième.

La seule Peugeot L45 encore connue

L’exemplaire vendu le week-end dernier serait celui piloté par Ralph Mulford, et non celui victorieux de Dario Resta comme il a parfois été avancé. Après avoir participé à quelques autres compétitions, il finit en 1923 par devenir la propriété d’un de ses derniers pilotes, un nommé Art Klein. De son côté, Lindley Bothwell s’était déjà constitué en son ranch californien une formidable collection regroupant nombre de véhicules de Grand Prix d’avant-guerre. Et la Peugeot L45 lui faisait de l’oeil. Les deux autres exemplaires ayant entre temps disparu de la circulation, il fit le forcing auprès de Klein pour que celui-ci lui cède le véhicule.

L’infortune de Bothwell, dont le ranch et une partie de la collection furent ravagés par un incendie, permit-elle d’attendrir quelque peu Art Klein ? Toujours est-il que ce dernier finit par céder, et que la L45 fut acquise par Bothwell en 1949 pour 2 500 dollars. Mais n’allez pas croire pour autant que la Peugeot a ensuite été confinée : aux mains de son nouveau propriétaire, elle est retournée à Indianapolis où elle a été chronométrée à 103,24 mph (près de 166 km/h). Soit mieux que les 96,7 mph (155 km/h) atteints par Johnny Aitken en 1916 lors de sa pole position… Plus récemment, elle a aussi participé aux festivités de Goodwood en 2003 et 2011 et a été exposée au concours d’élégance de Pebble Beach en 2014.

Livrée avec deux capots arrière

Même si les passionnés hexagonaux auraient pu souhaiter un retour sur ses terres natales, cette Peugeot L45 a été acquise le week-end dernier par un collectionneur américain pour 7,26 millions de dollars (6 132 000 euros) frais compris. A ce tarif, le nouveau propriétaire repart avec une auto dans un état de fraîcheur impressionnant pour son âge, et dont le moteur a été entièrement refait en 2000. Moteur qui, tout comme le châssis, porte le numéro 1 dans la série des trois L45 fabriquées. De plus, cet exemplaire dispose de deux capots arrière différents : celui utilisé à Indianapolis bien sûr mais également un capot à bosse prononcée permettant d’embarquer verticalement deux roues de secours. Ce dernier aurait été utilisé dans le cadre du Grand Prix de Lyon en 1914.

A noter que les 448 lots qui composaient la vente Bothwell ont tous trouvé preneur. Outre les véhicules, beaucoup d’objets liés aux univers de l’automobile et des locomotives étaient également proposés. Côté voitures de compétition d’avant-guerre, la Prinz-Heinrich Benz de 1909 citée en début d’article a été pour sa part adjugée à 1,87 million de dollars (1 580 000 euros).

Source : Bonhams

Illustrations : Bonhams

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