Le début des années 90 fut propice à toutes les folies en matière de supercars. Premier à dégainer, Ferrari qui commercialisa sa F40 en 1987. Jaguar avec ses XJ220 et XJR15, McLaren et sa F1 ou encore Bugatti avec l’EB 110 lui emboîtèrent le pas dans les années qui suivirent. Aux Etats-Unis, la délirante Vector W8 tenta de se joindre elle aussi à la fête. Et au Japon, Yamaha présenta en 1992 sa propre vision de la supercar. Avec une recette radicale : un vrai V12 de Formule 1, et deux places disposées l’une derrière l’autre.
Fort de son expérience acquise en F1 depuis 1989 en tant que motoriste des écuries Zakspeed Brabham et Tyrrell, le constructeur se met en tête de produire une voiture de route équipée du V12 OX99 maison. Et ce même si les résultats dans la discipline reine ne sont pas là. Pour ce faire, Yamaha prend contact avec une société allemande, qui présente à la firme japonaise un projet que celle-ci juge trop banal. Car le constructeur veut pour son modèle quelque chose hors du commun, à tous points de vue.
Echappée des circuits
Yamaha sollicite alors la société anglaise IAD (International Automotive Design), qui s’était chargée du développement de la Mazda MX5 quelques années auparavant. Et c’est le designer japonais Takuya Yura qui signera les traits de l’OX99-11. Yamaha souhaitait du jamais vu ? Ce sera le cas avec une carrosserie empruntant autant à l’univers des sport-prototypes qu’à la Formule 1. Feux sous bulle, aileron avant, capot moteur ‘chipé’ à la Jordan 192 de course et unique porte basculant à droite, la voiture est effectivement ahurissante.
Et ce n’est pas l’intérieur qui va venir tempérer ce sentiment. Initialement prévue pour être une monoplace, l’OX99-11 sera finalement dotée d’un deuxième siège, ou presque car en réalité il s’agit plus d’une place d’appoint. Face au conducteur, un véritable cockpit de F1 avec interrupteurs à bascule, compte-tours, tachymètre, volant à méplat et… c’est à peu près tout!
Coeur d’athlète
Pour la partie technique, on trouve comme pièce maîtresse le fameux moteur OX99, un V12 de 3,5 litres de cylindrée à carter sec. Ouvert à 70 degrés, il est ici ‘dégonflé’ à 400 chevaux et peut atteindre un régime maximum de 11 000 trs/min. Côté transmission, la puissance est transmise par l’intermédiaire d’une boîte de vitesses mécanique à six rapports synchronisés. Les mesures de performances auraient été intéressantes à connaître, mais aucun chiffre n’a jamais été communiqué par Yamaha. Tout juste peut-on donner une vitesse de pointe estimée à 322 km/h…
Reposant sur une coque en carbone, l’OX99-11 bénéficiait de suspensions permettant d’agir sur la garde au sol. La direction, de son côté est très (trop?) directe puisqu’il faut à peine plus d’un tour d’une butée à l’autre. Enfin, le système de freinage est assuré par quatre disques ventilés et des étriers à quatre pistons.
Commercialisation abandonnée
Mais l’OX99-11 ne dépassa jamais le stade du prototype. Et ce pour plusieurs raisons. D’une part, suite à des divergences de vues entre IMD et Yamaha, ce dernier a repris la main sur le projet en le confiant à sa filiale Ypsilon Technology. Et a donné six petits mois à celle-ci pour finaliser le développement, faute de quoi la commercialisation serait annulée.
D’autre part, la crise financière qui commençait à sévir sur l’archipel nippon a vite refroidi les ardeurs de Yamaha. Ayant prévu de vendre l’OX99-11 aux alentours des 800 000 dollars, la firme jugea finalement que les acheteurs seraient trop peu nombreux. A titre de comparaison, une Jaguar XJ220 valait en 1992 600 000 dollars et avait du mal à se vendre (même s’il n’y avait pas que le facteur prix…).
La commercialisation fut d’abord reportée de 1992 à 1994, puis annulée purement et simplement. Seuls trois exemplaires, un rouge, un vert et un noir ont été construits. Le premier (K2 OXY) était le prototype initial, tandis que le second (K3 OXY) aura été utilisée comme mulet durant le développement de l’OX99-11. Enfin, le troisième (K1 OXY) aura servi de modèle de présentation, et bénéficiait d’une présentation et d’une finition plus soignées.
Illustrations : Yamaha