Termes d’automobile : c’est quoi une « bagnole » ?

Quand Amédée Bolée construit l’Obéissante en 1873, c’est une « voiture automobile ». Cela lui permet de la distinguer des voitures hippomobiles (ou « bovidomobiles » si on tractait avec des boeufs) et des voitures des trains. Car à la base, voiture remonte environ à 1200 quand le bas latin vectura (dérivé de vectus, lui-même participe passé de vehere) devient « veiture ». La veiture sert à transporter des choses ou des gens. La racine est la même que le « vecteur » et vient donc de « veho » qui signifie « je transporte ».

De façon amusante, ce « veho » a évolué dans différentes langues pour donner par exemple ókhos en grec (un char), ou « wegan » en ancien anglais qui a donné « wagon ». Voiture et wagon ont donc une racine commune même si au final en français ces mots désignent des véhicules différents. Tiens, « véhicule » vient aussi de la racine « vehere ». Le wagon transporte des bestiaux ou des biens, les voitures transportent des personnes. Voiture, wagon et véhicule, même étymologie !

Mais donc, quid de la bagnole ?

L’étymologie de bagnole est un peu plus floue. Cependant, il y a un consensus sur le fait que cela procède de la même manière que carriole. Une carriole, c’est un « petit char ». Cela vient de carrus (char) avec le suffixe -ol (en provençal) ou -ola en latin. Une carriola en italien désigne une chaise à roues. La carriole est une petite charrette souvent rudimentaire et non ou mal suspendue.

Donc notre bagnole suivrait le même processus linguistique en ajoutant le suffixe « ole » à banne ou banneau. Une banne est en fait un tombereau. C’est un véhicule de charge qui a la particularité de pouvoir basculer vers l’arrière pour décharger. Ces tombereaux on les appelle encore « camion benne » de nos jours. Tiens, « benne »…banne…. Eh oui, une banne c’est une benne ! Les deux mots viennent du même bas latin « benna » qui désignait un chariot léger en osier. La racine va se retrouver de façon amusante dans une « bannette », sorte de panier en osier qui désigne désormais des porte-documents en plastique utilisés dans les bureaux.

Une petite benne très populaire

Les étrangetés des langues amènent finalement à ce qu’un store banne (les stores de grosse toile devant les échoppes ou les terrasses que l’on déroule aux beaux jours) et une benne viennent de la même racine. Cette banne pourra aussi être le tissu utilisé sur les bateaux sans cabine pour se protéger du soleil, ou celui dont on recouvre les marchandises contenues dans une benne… D’ailleurs, encore plus curieux, une « bâche » vient de bascauda (d’où l’accent circonflexe) qui désignait un panier d’osier. Cela a donné à la fois le tissus de bâche (tissu grossier qu’utilisait certaines confréries religieuses pour leurs vêtements), mais aussi en anglais « basket » qui est un panier d’osier.

Bref, bâche, benne, banne, bachoe/baschoue ou autre, c’est la même racine bas-latine.

La banne était souvent un véhicule rudimentaire à bras, pour transporter toute sorte de marchandise, et même les morts. On trouve alors le terme de « banniole » ou « bagniole » pour désigner les corbillards. Voilà notre bagnole qui se dessine. Mais, à la base, elle désigne un petit véhicule rudimentaire. Ce n’est qu’avec le temps qu’elle prendra un sens péjoratif pour désigner une mauvaise voiture, ou dans un sens plus familier pour remplacer le terme de voiture automobile.

Quand on dit je prends la bagnole, cela revient à dire « je prends ma petite benne ». En fait, si on se tient à l’étymologie stricte, les pick-ups avec leur benne sont les vraies bagnoles modernes. Et si on met une bâche dans la benne de sa bagnole, on utilise trois fois la même racine.

Un commentaire

  1. Très Instructif! merci!
    Je ne savais pas que des mots grecs avaient des racines latines, je pensais que c’était toujours l’inverse!

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