Cela fait un siècle qu’Alfieri Maserati a ouvert son petit atelier, à Bologne. Maserati y voit l’opportunité d’un centenaire (même si la firme n’a vraiment décollé qu’après la guerre.) Des frères Maserati au groupe Fiat, en passant par Orsi, Citroën et De Tomaso, Maserati a connu une histoire pleine de rebondissements.
Les origines
Les Maserati, c’est avant tout une fratrie. L’ainé, Carlo, est du genre bricoleur. Il construit seul sa première voiture. Il passe brièvement chez Isotta-Fraschini, où il fait embaucher son cadet Alfieri, puis il se met à son compte. Malheureusement, il meurt en 1909. Alfieri prend donc le relais. Pour l’anecdote, chez Isotta-Fraschini, il croise un apprenti qui s’appelle encore Amedeo Gordini… En 1914, Alfieri ouvre son propre atelier, à Bologne, pour être sous-traitant de son employeur. C’est cette date qui est aujourd’hui choisie par Maserati pour marquer le centenaire.
Les vrais débuts de Maserati ont lieu dans les années 20. Alfieri devient pilote. Il installe un moteur d’Isotta-Fraschini dans un châssis Hispano-Suiza. Mario, l’artiste de la famille, choisit un emblème : le trident de la fontaine de Neptune, à Bologne. Un clin d’œil aux origines de la petite équipe. En 1926, les frères mettent la main sur le service compétition de Duatto. Cette même année, Alfieri gagne la Targa Florio, et ajoute à son palmarès le Grand Prix de Tripoli 1930. Malheureusement, Alfieri meurt lors d’une opération chirurgicale, en 1932. Bindo, également passé par Isotta-Fraschini, prend les commandes.
Orsi
En 1937, Adolfo Orsi rachète Maserati. Les frères s’engagent néanmoins à rester, en tant que consultants. Orsi déménage le siège à Modène. Maserati est alors le spécialiste des voitures de course de moyenne cylindrée (ce qu’on appellera plus tard les F2.) L’Américain Wilbur Shaw s’impose aux 500 miles d’Indianapolis 1939 et 1940 sur une Maserati.
En 1947, le contrat avec les frères Maserati prend fin. Ils partent fonder O.S.C.A. Orsi arrive néanmoins à débaucher de brillants ingénieurs pour les remplacer. Avec les 4CLT, puis les A6, le constructeur est le roi des F2. En 1954, la 250F, une vraie F1, entre en scène. La firme au trident n’a alors pas vraiment d’écurie « usine ». Elle se contente d’en produire un maximum d’exemplaires. En 1957, Juan-Manuel Fangio gagne le titre avec une 250F. Malheureusement, cette même année, Maserati décide d’abandonner la F1. La 250F n’aura pas de descendante et elle disparaîtra des circuits en 1961 (avec l’arrivée de la réglementation 1,5l.)
En parallèle, le constructeur s’investit dans les GT et les courses de sport. La 5000, lancée en 1959, est sa première grande voiture de route. Malheureusement, Orsi n’a pas le charisme et le perfectionnisme d’Enzo Ferrari. Certains estiment que le passage de témoin a lieu au Grand Prix du Venezuela 1959. Les 450S sombrent face aux Testa Rossa. L’exubérant « Lucky » Casner tente de ressusciter les ambitions sportives de Maserati. Son équipe semi-officielle Camoradi est un feu de paille. Casner meurt aux essais des 24 heures du Mans 1965, qui ressemblait de toute façon à un baroud d’honneur. Peu après, Rob Walker glisse un V12 Maserati dans sa Cooper privée. Jo Siffert obtient plusieurs places d’honneur. Maserati s’implique et produit un deuxième moteur… Avec le même numéro de série. Mais en 1968, les Cooper sont dépassées par les Lotus/Ford et Walker en achète une.
Citroën
Avec la Quattroporte (1963), puis la magnifique Ghibli (1967), Maserati devient un constructeur à part entière. Néanmoins, il reste loin de l’aura de Ferrari et du nouveau venu, Lamborghini. Citroën rachète des parts du constructeur. La conséquence la plus visible, c’est la SM, avec son V6 transalpin. Mais grâce à la firme aux chevrons, Maserati se renforce. L’Indy (1969), la Bora (1971) et la Merak (1972) sont des tentatives pour tourner la page de la Ghibli. Maserati a tout de même du mal à prendre le virage des années 70. Il lui manque notamment un vrai représentant aux USA (comme Luigi Chinetti avec Ferrari) ou un designer hors du commun (tel Marcello Gandini, de Bertone, chez Lamborghini.)
En 1974, Citroën connaît de graves difficultés financières. Peugeot, qui rachète la firme aux chevrons, n’a que faire de Maserati. En 1975, le constructeur est déclaré en faillite. Les observateurs y voient la première victime de la crise de 1973.
De Tomaso
Alejandro De Tomaso négocie un prêt avec l’état italien pour racheter le constructeur. Déjà propriétaire d’Innocenti, De Tomaso, Benelli et Lambretta, il possède un petit empire. La Kyalami, une Longchamp rebadgée, n’est là que pour mettre de la nouveauté dans le catalogue.
De Tomaso se rapproche de Kjell Qvale, qui lui ouvre son réseau US de concessions de luxe. Il s’entend également avec Lee Iacocca (alors PDG de Chrysler.) Pour assurer la survie de Maserati, il veut le transformer en constructeur premium. Cela donne la famille des fougueuses Biturbo. S’y ajoute le cabriolet TC, une coproduction Chrysler-Maserati. Le passage de la théorie à la pratique est rude. Les Biturbo sont biodégradables et ont une propension à prendre feu. L’arrivée d’un moteur à injection, plus fiable, n’arrive pas à changer la donne aux USA. Quant à la TC, accusée d’être une Le Baron surfacturée, c’est un bide abyssal. Le mariage avec Chrysler tourne au vinaigre avec des scènes entre Iacocca et De Tomaso dignes d’un film de Fellini. Malade et ruiné, De Tomaso vend à Fiat, qui accole Maserati à Ferrari.
Renaissance
En 1998, après des années de monoculture Biturbo (les derniers exemplaires recevant le V8 de la Quattroporte), la firme lance la 3200 GT. Ses beaux feux arrières « boomerang » ne sont pas homologables aux USA et dès 2001, elle évolue en Coupé. La Quattroporte, quatrième du nom, arrive en 2003. Elle permet de replacer Maserati parmi les constructeurs de berlines de très haut de gamme. Son apparition dans le film Intouchables permettra de relancer les ventes alors qu’elle est en fin de carrière ! Enfin, la MC12, dérivée de l’Enzo, marque le retour en compétition de la firme au trident. Elle permet surtout à Ferrari de s’impliquer en GT-FIA sans risquer d’être ridiculisé, en cas d’échec. Les ennemis d’hier sont copains comme cochons ! Au point où Maserati est invité aux grandes fêtes organisées par Ferrari.
Les ventes battent des records. Pour autant, la santé de Maserati reste fragile. Ferrari divorce, afin qu’elle arrête de plomber ses comptes. Aujourd’hui, Fiat veut diversifier Maserati. La nouvelle Ghibli est sa première « petite » voiture depuis les années 80. C’est aussi la première à disposer d’un diesel. Un SUV, maintes fois annoncé, est prévu pour 2014. Est-ce enfin l’avènement d’une ère de stabilité et de prospérité pour Maserati ?
Crédits photos : Maserati, sauf photo 6, ainsi que photos de la galerie N°9, 10, 11 et 13 (Citroën)