Les 26 et 27 mai 1923 se déroule le grand prix d’Endurance de 24 heures, organisé par l’ACO (Automobile Club de l’Ouest) sur le « circuit permanent de la Sarthe ». Et comme on peut le voir sur l’affiche de la première édition, tout l’esprit de cette course est déjà là avec des attractions, une « grande fête de nuit » et un feu d’artifice sportif.
Les pionniers
La naissance de cette course doit beaucoup à Georges Durand, qui déjà, en 1906, avait réussi à obtenir l’organisation du premier grand prix de l’ACF. Avec son comité de soutien, il dépose les statuts de l’Automobile club de la Sarthe en 1906, qui devient ensuite l’ACO. Au salon de l’automobile de 1922, Durand rencontre Charles Faroux, patron du journal l’Auto (et futur directeur de la course jusqu’en 1956), Emile Coquille, pdg du fabricant de roues Rudge-Whitworth ainsi que le journaliste Géo Lefèvre, à qui l’on doit l’idée du Tour de France et l’organisation des premières Targa Florio en Sicile. Leur sujet ? Organiser un nouveau type d’épreuve, non pas basé sur la vitesse, mais sur l’endurance et la fiabilité, et qui ait pour vocation de favoriser le progrès technique. Ainsi sont posées les bases des futures 24 heures du Mans.
Plateau et circuit
33 voitures sont inscrites à la première édition, réparties en quatre catégories suivant leur cylindrée : moins de 1.5 litres, entre 1.5 et 2 litres, entre 2 et 3 litres et plus de 3 litres. Chaque véhicule devait être équipé de quatre sièges, sauf les voitures de cylindrée inférieure à 1.1 litre qui pouvaient se limiter à deux, avec un minimum de 30 voitures produites. Les voitures sont engagées par les constructeurs eux-mêmes. 18 marques sont représentées, mais 32 des 35 véhicules sont français ! Salmson, Amilcar, Lorraine-Dietrich, Bugatti, Berlier, Corre La Licorne, Delage..quelle incroyable liste !
Les deux Voisin inscrites ne seront pas présentes finalement. Les concurrents non tricolores consistent en un équipage britannique conduisant une Bentley verte (couleurs attribuées aux nations selon la legislation en vigueur), originaire de Grande-Bretagne, et deux Excelsior de couleur jaune, originaires de Belgique. Les numéros de voiture sont alors attribués en ordre décroissant de cylindrée et d’ailleurs, aucune séance de qualification n’étant organisée, le placement des voitures sur la grille de départ se fait en fonction du numéro attribué (donc selon leur cylindrée).
Le circuit de la Sarthe mesure à cette époque 17.3 km et a déjà accueilli le grand prix de l’ACF. Mais oubliez tout de suite l’image d’un ruban d’asphalte ! L’essentiel de la piste réside en un mélange de gravier, terre et goudron déposé avant chaque course sur le tracé. On vous laisse imaginer ce que cela devenait en cas de forte pluie. Le départ se fit en mode départ arrêté et en ligne, une procédure qui ne sera utilisée ensuite qu’en 1924, avant de laisser place au fameux départ en épi, qui restera en vigueur jusqu’en 1970.
Abandonnant le triangle Le Mans-Saint-Calais-La Ferté-Bernard qui, en 1906, avait été emprunté lors du 1er Grand Prix de l’Automobile Club de France, l’ACO, au lendemain de la première guerre mondiale, dessine un nouveau tracé qui pénètre dans la banlieue Sud de la ville jusqu’à la fameuse épingle de Pontlieue. Une épingle mythique mais qui n’existe plus depuis 1928. En effet, bien que très prisée des spectateurs pour son freinage spectaculaire dû à un revêtement pour le moins glissant, la pointe Nord du tracé, qui pénétrait dans la ville du Mans, a été rabotée dès 1929 et n’a donc été utilisée que cinq années durant.
Des conditions difficiles
Les Excelsior Albert 1er de 5,4 l ayant la cylindrée la plus importante, elles s’élancent de la première ligne. Le grand prix d’Endurance de 24 Heures de 1923 était la première manche de la coupe Rudge-Whitworth où l’enjeu n’était pas la vitesse absolue mais de dépasser une distance en kilomètres dépendant de la cylindrée du véhicule. Ainsi, les Excelsior Albert 1er, de 5 343 cm3 de cylindrée, devaient effectuer 1 558 kilomètres au minimum en 24 heures pour continuer à disputer la coupe 1923-1924 lors de l’édition suivante. Cette règle a eu une conséquence importante sur cette première édition. Certains équipages ont ralenti la cadence dès que leur distance minimum avait été franchie, afin de ménager leur véhicule pour leur permettre de rallier l’arrivée. Cette règle a néanmoins permis d’obtenir le taux d’abandon le plus faible de l’histoire des 24 Heures du Mans. Après 24 heures de course, 30 véhicules sont classés sur 33 véhicules au départ, soit un taux d’abandon de seulement 9,1 %.
Disputée dans des conditions pluvieuses et boueuses, avec aussi des soucis de visibilité pour les équipages pendant la nuit en raison des phares peu performants de l’époque, la course permet au constructeur Chenard & Walker de signer un doublé, avec la victoire d’André Lagache et René Léonard sur une 3.0 litres Sport qui a parcouru 128 tours, soit 4 de plus que l’équipage Raoul Bachmann- Christian Dauvergne. Paul Gros et le belge Raymond de Tornaco complètent le podium sur une Bignan 11HP Desmo Sport avec 120 tours parcourus. Au pied du podium, on retrouve le capitaine John F. Duff et Frank Clement sur la Bentley 3 Litre Sport qui a réalisé le meilleur tour en course, dans la dernière heure de l’épreuve, en 9 min 39 s, à la moyenne de 107,33 km/h.
Bentley signe le meilleur tour
Ayant un moment menacé le duo de tête, cette Bentley fut coupée net dans son élan par une fuite du réservoir d’essence, sans doute endommagé par des projections. Le pilote a dû marcher 5 km pour regagner son stand (mais la légende raconte qu’une bicyclette lui a été prêtée par un gendarme). Le règlement stipulant que les réservoirs ne pouvaient être remplis que dans les box , cet incident aurait dû signer la fin de la course pour Bentley mais le pilote anglais fut finalement autorisé à regagner son véhicule avec juste assez d’essence pour rejoindre les stands et réparer les dégâts, qui lui coutèrent deux heures ! Il repartit ainsi le couteau entre les dents, remonta 4e et signa un chrono redoutable.
Vivement les 24h !!!
🙂
Quelques anecdotes:
-Les Bentley n’avaient pas de freins avant
-Le classement final ne déterminait pas de vainqueur, par conséquent un peu tout le monde s’est déclaré vainqueur, comme Roland-Pilain parce que ses 4 voitures ont franchit l’arrivée
-Ceux qui ont fini l’épreuve étaient donc invité à revenir en 1924 pour avoir une chance d’être invité en 1925 pour enfin gagner la Coupe Rudge Whitworth
-Je ne sais plus en quelle année, je crois que c’était 1928, les stands ont été déplacé un peu avant l’endroit où se trouve actuellement la première chicane, car l’ACO voulait racheter le terrains traditionnel des stands aux agricultures qui refusait de baisser les prix
-Il y avait également des bouliers dans les voitures pour compter les tours pour éviter de ravitailler trop tôt