« Est-ce que c’est possible ? Oui. Nous avons les installations, les ressources et les savoir-faire. Tout est question de volonté, a déclaré le maire de Nice dans les colonnes de l’Equipe. On a fait l’expérience lors des années précédentes qu’il fallait des moyens importants, le soutien des collectivités territoriales, ainsi qu’un indispensable engagement conséquent de l’État. »
La polémique autour de la dette laissée par le GIP du précédent grand prix de France, 32 millions d’euros, et ses suites judiciaires (des enquêtes sont encore en cours) ne semble pas refroidir les ardeurs des partisans d’un retour d’une course française au calendrier de la F1. Missionné par Emmanuel Macron pour préparer et défendre un projet de grand prix de France de F1, retiré du calendrier à l’issue de la saison 2022, Christian Estrosi revient au pas de charge. Dans les colonnes du quotidien sportif Français, le maire de Nice a fait le point sur les faisabilités et les éventuels blocages.
Nice, façon Miami ?
La tendance étant aux circuits urbains – Miami, Las Vegas, Jeddah, ect – deux projets ont été identifiés, avec comme conditions d’offrir des capacités d’accueil et d’hébergement suffisantes ainsi que des infrastructures, routières et aéroportuaires, adéquates. Saint-Quentin en Yvelines s’était manifesté fin 2023, mais le projet a été remisé au placard. L’autre, c’est Nice, le fief de Christian Estrosi. Une idée qui avait déjà germée dès 2022, suite à des déclarations de Stefano Domenicali, le patron de la F1.
Nice a déjà accueilli une course de monoplaces, dans les années 30 ainsi qu’en 1946-1947, sur un parcours assez basique qui empruntait la promenade des Anglais via deux secteurs en ligne droite et bifurquait au niveau du jardin Albert 1er. Evidemment, le lieu est symbolique mais en 2024, les normes ne sont plus celles de 1946. Le secteur, tout prestigieux qu’il soit, ne semble pas vraiment adapté aux contrainte actuelles, un peu comme à Monaco, où l’exiguïté ne facilite pas les choses.
Avec les tribunes et protections à installer, le paddock, les stands, les rails de tramway et les sections pavées autour de l’emblématique place Massena qui seraient inadaptées aux monoplaces, sans parler de l’impact qu’un tracé en plein cœur de la cité azuréenne aurait sur le trafic, on imagine déjà le casse-tête ! A l’instar de Miami, le projet niçois s’articulerait plutôt autour d’un tracé aux environs de l’Allianz Riviera, le grand stade d l’OGC Nice : situé en périphérie de la ville, dans la vallée du Var, l’Allianz Riviera est au cœur d’un quartier récemment urbanisé, présentant des avenues larges, des lignes droites, des espaces disponibles et la proximité de l’autoroute A8 pour faciliter la logistique. C’est moins glamour que la « prom », cela dit, des F1 qui passent devant un stade et un Ikea…
Néanmoins, outre ces considérations pratiques et l’opposition déjà latente menée aussi bien par les écologistes que par ceux qui n’ont pas oublié l’ardoise du précédent GP, l’autre écueil, c’est la proximité avec le grand prix de Monaco. Christian Estrosi ne veut pas susciter une concurrence avec le tracé monégasque, qui pourrait engendrer des tensions diplomatiques.
Monaco, citadelle assiégée ?
Néanmoins, la donne pourrait changer. Déjà, Liberty Media, l’actionnaire de la F1, envisage sérieusement une alternance de courses en Europe, à l’horizon 2026. Le calendrier devant à priori plafonner à 25 dates, l’internationalisation croissante et la volonté d’expansion hors du vieux continent (la Thaïlande, l’Indonésie et la Corée du sud sont sur les rangs) vont logiquement accroître encore plus la pression sur les grands prix européens, qui ne représentent plus que 1/3 du calendrier actuel, contre 70% dans les années 90.
On sait très bien que, pour les actionnaires américains, le caractère historique et patrimonial de certaines courses européennes – le berceau de la F1 – ne pèse pas lourd face aux enjeux économiques, à l’argent frais que sont prêts à débourser les nouvelles destinations « tendance » (les contrats signés avec le Qatar ou l’Arabie Saoudite sont bien plus lucratifs, un 4e gp aux USA à New York est aussi dans les cartons) et aux enjeux commerciaux qui en découlent pour les sponsors et les constructeurs impliqués dans le championnat. Le monde a changé en 30 ans.
Qui plus est, Monaco semble en ballotage défavorable. Longtemps protégé et même privilégié au temps d’Ecclestone (avec notamment un contrat nettement plus avantageux que les autres GP), le GP de Monaco est sous pression depuis que Liberty Media a repris les rênes de la F1 et le contrat a été revu, avec de nouvelles conditions financières bien moins intéressantes du côté du Rocher. Malgré son caractère historique (le Grand prix a été créé en 1929 et il était présent au calendrier de la F1 dès 1950), malgré son côté glamour et son prestige, le Grand prix fait face également aux critiques : la piste est trop étroite, plus du tout adaptée aux F1 modernes et la course est souvent jugée ennuyeuse. Ce week-end encore, Lewis Hamilton a plaidé pour une « mise à jour » profonde de Monaco, au point peut-être de modifier le tracé à l’avenir. Ainsi, la France pourrait se positionner dans une « alternance » avec Monaco si cela devait voir le jour.
Un Ricard, sinon rien ?
Néanmoins, des dires même de Christian Estrosi, la solution la plus logique demeure un retour au Castellet sur le circuit Paul Ricard, une idée que défend bec et ongles Jean Alesi, le président du circuit varois : le circuit est déjà là, permanent, ultra moderne (il faudrait juste réinstaller les tribunes…), alors qu’une course à Nice nécessiterait des investissements assez conséquents bien plus difficiles à justifier. Cependant, le tracé varois est loin d’être apprécié des pilotes et des écuries (cela dit, ce n’est pas cela qui est décisif) et son accès reste compliqué, car le Castellet, implanté sur le plateau du Camp dans l’arrière-pays toulonnais, n’est pas directement desservi par l’autoroute, le réseau routier départemental ceinturant le site est rapidement propice aux bouchons et les infrastructures hôtelières sont éloignées. Une chose est cependant sûre : le public est là ! Le succès du grand prix de France historique témoigne, n’en déplaise à certains, que l’automobile et le sport automobile ont de nombreux fans en France !