Renault : Ghosn sattaque à la vague de suicide

Le problème se ferait-il trop criant désormais ? En tout cas, le PDG de Renault, Carlos Ghosn s’est dit farouchement résolu à endiguer la vague de suicide qui meurtrit actuellement le Technocentre du constructeur à Guyancourt.

Ce qui signifie tout de même que chacun croise les doigts pour qu’un nouveau drame ne se reproduise pas.

Face à la série de suicides ces derniers mois au Technocentre de Guyancourt (Yvelines), dont nous nous sommes fait l’écho , Carlos Ghosn a « profité » d’une convention interne réunissant 2 600 cadres et ingénieurs la semaine dernière pour faire le point sur la situation et les mesures qui pourraient être prises.

Le 16 février 2007, un technicien du Technocentre de Renault s’est suicidé à son domicile en laissant une lettre expliquant ses difficultés professionnelles. C’est le 3ème cas de suicide d’un salarié travaillant à Guyancourt sur les cinq derniers mois, les deux précédents s’étant suicidés sur le lieu de travail. Si l’on examine les faits sur une période de 18 mois, le problème s’avère encore plus crucial.

Dans une allocution très solennelle, après avoir rendu hommage aux victimes, M. Ghosn a insisté sur ce que devaient être les relations humaines dans un groupe comme Renault. « Le management est une notion fondamentale, parce qu’elle touche à la première ressource d’une entreprise : les femmes et les hommes. Sans eux, l’entreprise n’a ni avenir, ni succès possible. » Le PDG a également annoncé qu’il avait chargé Jean-Louis Ricaud, directeur général adjoint de Renault, et Michel Faivre-Duboz, directeur du Technocentre, de lui proposer d’ici au 15 mars un plan d’actions concrètes pour remédier à la situation. Le choix d’un membre du comité exécutif aurait pour but de démontrer une farouche détermination de de Renault à prendre le problème à bras le corps.

Dans son discours à l’encadrement, M. Ghosn a toutefois souligné qu’il était hors de question de remettre en cause, sous une forme ou sous une autre, le « Contrat Renault 2009 ».

Le site de Guyancourt est directement impacté par les nouveaux objectifs qui ont été fixés dans le cadre de ce plan stratégique, créant de ce fait une pression certaine sur les ingénieurs et techniciens travaillant au Technocentre. Mais remettre en question les objectifs du plan reviendrait à mettre en péril l’avenir de l’entreprise, a insisté M. Ghosn, soulignant que la charge de travail actuelle était imposée par le contexte ultra-compétitif qui touche actuellement l’industrie automobile.

Le PDG avait d’ores et déjà fait une intervention lors du conseil d’administration du 28 février dernier, au cours duquel il s’est dit « très préoccupé » par la situation en cours au Technocentre. « Renault n’a pas le droit à l’échec, mais un salarié peut échouer« , a déclaré le PDG, qui a souligné son « implication personnelle » pour tenter de trouver des solutions.

Lundi 26 février, le PDG s’est lui-même rendu au Technocentre pour rencontrer à la fois l’entourage professionnel de la dernière victime qui s’est suicidée le 16 février, les responsables des ressources humaines et les médecins du travail.

La direction s’est dite par ailleurs prête à former le management à la gestion du stress tandis que le dialogue devra être mis en avant au cur des processus de décision. « Il faut mettre fin à la déshumanisation et à la perte de contact qu’a entraînée le ‘tout-informatique’. On ne se voit plus, on ne parle plus que par postes informatiques interposés », suggère avec force un représentant du personnel.

Face à cette série noire, la direction de Renault a également décidé de lancer une campagne d’information pour rappeler l’existence d’un service téléphonique d’assistance psychologique, proposé à tous les salariés par un prestataire externe. Les plages horaires de ce service ont été élargies après le dernier suicide. La direction, au travers de son service communication, assure que des actions de sensibilisation sont lancées pour que tous les salariés soient à l’écoute des signaux de détresse environnants. Mais le triple suicide révèle les limites de l’observatoire du stress mis en place par la direction de Renault en 1998.

« Nous sommes conscients qu’aujourd’hui une nouvelle tentative de suicide sur le Technocentre n’est pas exclue, il y a urgence à agir », prévient Marcel Sarpaux, secrétaire CFE-CGC du comité d’établissement de Guyancourt.

Si l’on aborde l’aspect juridique et social, l’on doit noter que la Caisse Primaire d’Assurance maladie à estimé que le suicide du premier salarié, en octobre 2006, ne relevait pas d’un accident du travail même si celui-ci avait eu lieu au Technocentre. Elle avait pourtant reconnu en octobre 2006 après moult débats que le suicide d’un salarié d’IBM, survenu un week-end de janvier, en dehors du lieu de travail, était consécutif d’une maladie à caractère professionnelle.

La décision concernant le salarié de Renault peut paraître d’autant plus surprenante, dans la mesure où le fait de se suicider sur son lieu de travail présume du caractère professionnel de l’acte aux yeux de la caisse primaire. La veuve du salarié a attaqué la décision en recours. Des enquêtes de la caisse primaire sont en cours sur les deux autres cas de suicide, de janvier et février 2007.

Pour rappel, les caisses primaires d’assurance maladie mènent systématiquement des enquêtes, dès lors que le suicide a lieu au travail, pour déterminer si l’activité professionnelle explique le passage à l’acte. Lorsque le suicide se déroule en dehors de l’entreprise, à moins que la direction déclare le suicide comme un accident du travail, c’est à la demande de la famille ou même du médecin du travail de l’entreprise que la caisse primaire ouvre une enquête. Les ayants droit du défunt perçoivent une rente calculée en fonction du salaire annuel du salarié décédé uniquement si le suicide est déclaré comme résultant d’un accident du travail ou d’une maladie à caractère professionnel.

Cependant même la mort n’aura pas eu raison des divisions syndicales. «Nous demandons qu’un cabinet d’expert agréé intervienne dans le cadre du CHSCT pour réaliser une étude sur les sources du stress qui peuvent conduire jusqu’au suicide. Nous refusons, contrairement aux autres organisations syndicales, que cette étude soit conduite par l’IFAS qui travaille avec la direction depuis près de 10 ans », martèle ainsi Vincent Neveu, délégué central adjoint CGT de Renault. Il souligne que le dernier suicide concernait un technicien qui suivait la filière permettant de devenir cadre. Ce cursus de formation de plusieurs mois s’accompagne d’une surcharge de travail. Vincent Neveu y voit un élément aggravant et précise : « Il y a encore 3 ans, les techniciens qui suivaient les filières pour passer cadres voyaient leur charge de travail opérationnel réduite pour mener les deux missions de front. Ce n’est plus le cas. Le salarié qui s’est suicidé travaillait sur le projet stratégique de remplacement de la Laguna. »

« Il y a un grand flou  sur les causes du suicide. Nous ne disposons pas d’éléments épidémiologiques dans la mesure où les déclarations d’accidents du travail ne révèlent pas les causes du suicide. A partir de là, la prévention est quasiment impossible » regrette Christian Verger, responsable de la chaire en médecine du travail de l’université de Rennes et médecin inspecteur régional du travail en région Bretagne. Effectivement, la Sécurité sociale se trouve bien incapable de fournir des données sur le nombre de suicide liés au travail et à fortiori sur leurs causes.

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Sources : AFP, Le Monde, Novethic

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