Jusqu’à récement, les publicités ne montraient que des hommes au volant. La R4 de 18 à 77ans, mais le prospectus ne montre que des hommes. Dans les années 80, c’est un débordement de testostérone. Même dans la plus modeste monture, le mâle doit slalommer entre les bombes larguées par un bombardier (Peugeot 205), sauver sa copine d’un kidnapping (Fiat Uno), arrêter un camion sans freins (Renault 9 et 11)… Les femmes? Elles doivent se contenter d’une présentation didactique en statique (sur le thème « puisque même moi, faible femme, j’arrive à faire marcher cette voiture, vous l’homme saurez forcément vous en servir ») ou de s’allonger lascivement sur un capot (avec les publicités Triumph TR7/8, c’est carrément du porno soft.) Et les enfants? Les publicitaires vous riraient au nez: « Pourquoi s’intéresser à eux? Ils n’achètent pas de voitures! »
Il y en avait bien ici et là. Un dessin avec, en guise de titre « vacances à la neige avec l’Espace de papa » (notez que le père reste LE propriétaire de la voiture.) Les parents qui viennent chercher leurs enfants à l’école pour des travaux pratiques de géographie dans une 309 « toujours partante ». Et puis les sales gamins en voix off, qui se moque de leur père qui n’a pas de Sharan TDI et ne peut donc pas dépasser le camion: « Papa, il double pas! Papa, il double pas! » Reste enfin le rêveur, qui en attendant, d’avoir 18 ans et son permis de conduire, jette un oeil envieux aux Mercedes (Classe C, puis Classe E.)
Puis il y eu la 806, la « voiture que les enfants conseillent à leurs parents ». Pourquoi est-ce qu’il la conseille? On ne le dit pas. Tout ce qui compte, c’est que le 806 devient le monospace des couples avec enfants.
Le pli est trouvé. Un enfant, c’est toujours spontané et drôle, alors on en saupoudre un peu partout, comme l’enfant à qui on fait la lecture et lorsqu’on lui montre une voiture: « C’est quoi ça? -Une Kangoo! – Non, ça tu sais, c’est une…? – Kangoo! »
Mais ensuite, il y a eu une dérive. Le petit ne veut plus seulement être « conseiller »: on doit acheter la voiture pour LUI.
Chez Nissan, une mère s’enfuit d’un musée avec ses enfants au volant d’une Note.
Chez Mercedes, l’enfant ne veut plus attendre 18 ans. D’ailleurs, c’est lui qui a les clefs de la Classe A. Chez Seat, tous ses jouets attérissent dans le coffre de l’Altea XL et ses parents doivent avancer la banquette arrière pour mettre leurs bagages.
Plus les enfants sont petits, plus ils sont envahissants. Chez Citroën, les bébés jouent les hotesses de l’air. Chez Opel, après avoir vendu des Meriva, en se moquant des blondes, on convoque une conféence des bébés. Leurs « arguments » en faveur du monospace sont guères plus élaborés que les hurlements qu’ils poussent, mais c’est comme ça.
Chez Toyota, on touche le fond. Les différentes affaires de Monsieur bébé envahissent les différents rangements et les deux autres enfants, sangements attachés sur leurs réhausseurs, doivent attendre que leurs parents aient terminé la check-list des affaires du petit dernier. Le père, roi déchu, devient un pestiféré. Chez ses beau-parents, ce sont les femmes qui parlent et il devra se contenter d’exhiber la puissance du turbo-diesel à rampe commune à un beau-père complice (mais tout aussi muet.) Maintenant, c’est à son tour d’être sur le siège passager.