Chasse aux malades chez PSA ? C’est ce qu’affirme en tout cas les membres du syndicat CGT de l’usine du constructeur d’Aulnay-sous-Bois, en Seine-Saint-Denis.
Un ouvrier du site est menacé de licenciement en raison d’arrêts maladie jugés trop fréquents. L’affaire n’est pas nouvelle, les élus ayant alerté sur le sujet dès la mi-2007.
Ironie de l’histoire, en mai 2008, Christian Streiff, président du directoire de PSA Peugeot-Citroën, n’a pu assister à l’assemblée générale des actionnaires. Selon le groupe automobile, son absence était justifiée par des raisons médicales.
L’entreprise a confirmé que le salarié avait été convoqué vendredi à un entretien préalable en vue de son licenciement et entendu « en raison d’absences fréquentes et répétées », mais elle a refusé de préciser si ces absences étaient liées à des arrêts maladies « tant que la procédure est en cours ».
Dans un courier daté du 8 avril, le service des relations sociales prévenait le salarié concerné que s’il devait présenter un nouvel arrêt, son contrat de travail serait rompu. Il lui est reproché d’avoir été absent 120 jours en 2007 et 21 jours en 2008, laors que la moyenne annuelle de journées travaillées est de l’ordre de 220 jours.
Dans un précédent courrier, la direction explique que ses absences « génèrent des dysfonctionnements d’organisation » de son atelier de montage.
Peut-être, mais en tout état de cause, le Code du travail interdit le licenciement d’un salarié malade ou handicapé à moins qu’il ne soit déclaré physiquement inapte par le médecin du travail.
Selon la jurisprudence de la Cour de cassation cependant, il est possible pour une entreprise de le licencier si elle prouve que ses absences répétées perturbent l’entreprise et entraînent son « nécessaire remplacement définitif ».
Dans ce cas, le remplacement définitif doit intervenir dans un délai raisonnable après le licenciement, délai que les juges du fond apprécient souverainement en tenant compte des spécificités de l’entreprise et de l’emploi concerné, ainsi que des démarches faites par l’employeur en vue d’un recrutement.
D’après la CGT, un système de « pools de remplaçants » permet déjà de pallier aux absences des salariés (arrêts, congés, formation) sur le site d’Aulnay (4.000 salariés et 400 intérimaires).
Or, pour pouvoir licencier un salarié malade, il faut que l’entreprise ne soit pas en mesure de le remplacer aisément ou provisoirement. Cette impossibilité peut être liée au niveau de responsabilité du salarié, à sa technicité, à l’exigence d’une formation longue sur le poste pour être opérationnel, mais également au marché de l’emploi local.
Embauché en 2001, M. El Haouari, 31 ans, affirme quant à lui avoir été arrêté à de nombreuses reprises depuis fin 2006 pour des pathologies contractées sur le lieu de travail (tendinites, claquage au dos) ou en dehors (fracture du pied, opération au nez).
Notant la concomitance avec un entretien préalable à sanction d’un autre salarié, et l’envoi de « dizaines de lettres aux salariés qui ont des arrêts maladie », la CGT estime que PSA veut « montrer aux salariés de quoi il s’agi t: faire la chasse aux malades ». Si la procédure de licenciement se poursuit, « nous irons aux Prud’hommes », prévient M. Julien.
En juillet 2007, après les suicides de quatre salariés du site en moins de deux mois, le syndicat CGT, qui a révélé cette série tragique, souhaitait d’ores et déjà « tirer la sonnette d’alarme sur les fortes pressions subies sur le lieu de travail« .
Il entendait, sans vouloir établir de lien de cause à effet avec les drames, dénoncer « la pénibilité du travail qui favorise les dépressions » et voulait s’interroger sur la portée que peuvent avoir « des lettres culpabilisantes envoyées aux salariés en arrêt maladie« . La CGT a rassemblé une centaine de lettres-types, envoyées à des salariés malades du site de Mulhouse qui avaient fourni un certificat médical. Les autres syndicats, dont la CFDT et FO, confirmaient alors cette pression sans pour autant s’allier à l’action de la CGT.
Le Monde.fr s’était alors procuré une de ces lettres, dans laquelle le chef du personnel attire l' »attention sur l’importance et la fréquence de l’absence » du salarié. Il indique que l' »absentéisme personnel est incompatible avec l’organisation industrielle et perturbe de façon inacceptable le fonctionnement de [l’]unité de production« . Il conclut en demandant « de modifier [le] comportement de façon notable et durable« .
La CGT fait état de rumeurs selon lesquelles un des trois salariés qui se sont suicidés aurait reçu ce type de lettre. « Ces lettres sont envoyées dans des cas très rares, voire extrêmes« , précisait alors la direction de PSA Peugeot-Citroën à Mulhouse. Elles sont précédées d’un entretien téléphonique. « Cette démarche est faite après consultation du médecin du travail, en respect du droit social et vise à renouer le dialogue avec le salarié« , assure l’entreprise.
Mais selon Me Philippe Ravisy, auteur du livre Le Harcèlement moral au travail, « cette lettre exerce une pression qui est non conforme aux règles du droit du travail« . Il ajoute que cette note « porte atteinte à la liberté d’être malade » (L. 120-2).
Un autre avocat, Me Christophe Ricour, habitué à défendre les entreprises, confirme : « Cette lettre est culpabilisante dans le cadre d’un arrêt de travail. » Et d’ajouter : « Elle n’est pas écrite dans la nuance, elle est même discriminatoire à l’égard de la santé de l’employé. L’entreprise peut lui reprocher son absence et non sa maladie. Or c’est ce qu’elle fait quand elle lui demande de modifier son comportement. » Concernant « la perturbation du service évoquée, cela est toujours difficile à prouver« , indique Me Ricour.
Au-delà de cette lettre, le délégué syndical CGT de PSA à Mulhouse faisait état d’autres méthodes utilisées par l’entreprise envers ses salariés malades : « Certains responsables de secteur vont jusqu’à appeler des personnes en arrêt de travail pour leur demander de terminer leur congé maladie plus tôt et de revenir travailler afin de pallier le retard de la productivité. »
Sources : AFP, Le Monde, Lexinet, Afflec
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