La Chine est le premier producteur mondial. Mais parmi la vingtaine de grosses joint-ventures et la quarantaine de marques « pures », il n’y a rien de très excitant : des berlines, des SUV… Lors du dernier salon de Shanghai, la très hypothétique Qiantu K50 Event! (dont on n’a plus eu de nouvelles depuis) était l’unique modèle sportif.
Après tout, tout les grands pays producteurs de voitures ont ou ont eu leurs marques sportives. La France, l’Allemagne, les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, l’Italie ont chacun leur lot de glorieux constructeurs. La Suède a désormais Koenigsegg, le Japon, Mitsuoka et la Corée du Sud, Oullim (ci-dessous.) Et c’est sans compter les coupés sportifs, roadsters et autres GT produites par des constructeurs généralistes.
En revanche, dans les gammes actuelles des constructeurs chinois (y compris celles des joint-ventures), il n’y a rien d’un tant soit peu sportif. A la limite, il y a la TTX de BlackArts. Mais ce dérivé de Ginetta G20, conçu par des expatriés Anglais, n’a pas vocation à rouler sur route.
Les Chinois n’en veulent pas
D’une part, les Chinois ont encore une vision utilitariste de l’automobile. La performance n’entre pas dans l’équation. Ce qui compte, c’est d’avoir assez de chevaux pour se trainer du point A au point B.
Dans la vision traditionnelle chinoise, l’adulte doit s’occuper de ses parents en permanence. Donc, il faut qu’ils soient assis confortablement, à l’arrière. Les portes arrières sont essentielles. Avoir une voiture 2 places, c’est être un égoïste.
De plus, dans les grandes villes (où le pouvoir d’achat est le plus élevé), il y a énormément de pollution. Au point où le ciel est en permanence gris, y compris par « beau temps ». Ce ciel menaçant, gorgé de polluants, ne donne pas vraiment envie de rouler décapoté…
Les rares expériences ont été des bides
Partant de là, seule une infime minorité de Chinois sont tentés par des coupés ou des cabriolets. Une jeunesse occidentalisée, qui veut jouer à Fast & Furious. Et comme leurs véhicules sont importés, ils sont plus surtaxés. Donc inaccessible pour la majorité des Chinois.
Il y a malgré tout eu une poignée de coupés et de roadsters « made in China » : Brilliance BC3, Byd S8, Geely Beauty Leopard et Chinese Dragon, MG TF… Ce furent des flops. En additionnant leurs ventes, on dépasse le millier d’unités ! Il est vrai que la poussive S8, avec son 0-100 km/h en une quinzaine de secondes, sa finition affreuse et son tarif supérieur à 20 000€ (soit le triple de la plus chère des autres Byd) n’était guère tentante.
Les constructeurs chinois ont conclu un peu rapidement que les Chinois ne veulent pas des « voitures de sport ». Chery hésita longtemps à lancer un coupé-cabriolet et un coupé. Les projets allèrent jusqu’à la pré-série avant d’être jetés à la poubelle.
Les constructeurs ne veulent pas de danseuses
De Bob Lutz à Akio Toyoda, du démissionné Ferdinand Piech à Carlos Tavares, de nombreux patrons actuels sont des passionnés de voitures. Beaucoup possèdent leur propre collection et certains en ont piloté en course. Cela finit par déteindre sur leurs choix stratégiques.
En Chine, les patrons ont découvert l’automobile sur le tard. Ils y voient avant tout un bien d’équipement. Leur objectif est d’inonder le marché. Pas d’aventurisme ; ils ne s’engagent que dans des créneaux à la rentabilité a priori assurée. Pas de passion, non plus. Le marché des voitures de sport est inexistant ; donc on n’y va pas. Mieux vaut lancer un énième SUV.
Ils ne pensent qu’à la Chine
L’Eldorado de la voiture de sport, c’est les Etats-Unis. Chaque année, des dizaines de milliers d’Américain s’offrent des coupés et des roadsters. De quoi rentabiliser bien des modèles. Au point où la demande américaine fait la pluie et le beau temps de l’offre mondiale. A la fin des années 90, les Japonais ont abandonné les gros coupés car ils ne se vendaient plus aux Etats-Unis.
Or, les constructeurs Chinois sont totalement absent du marché américain. Tout projet serait vendu presque exclusivement en Chine, avec quelques rares unités exportées (comme ce fut le cas de la TF « chinoise ».) Inadmissible pour les contrôleurs de gestion.
Néanmoins, à terme…
Reste que le nationalisme chinois est très fort. Xi Jinping en fait un cheval de bataille. La jeunesse dorée finira par réclamer une voiture de sport chinoise. D’autant plus que les lignes bougent.
A l’origine, les Chinois étaient très méfiants envers leurs productions. Au-delà de 10 000€, ils préféraient systématiquement acheter étrangers. Aujourd’hui, ce plafond de verre est à 20 000€. Byd et Haval tentent de le pousser à 30 000€. Et demain, auront-ils la crédibilité pour commercialiser un coupé à 50 000€, voir une GT à 100 000€ ?
Le luxe made in China est une terre vierge. Sur le modèle de Hermès avec Shang Xia, les joint-ventures tenteront peut-être de monter de toutes pièces une marque chinoise. On pourrait très bien imaginer que VW lance la GT Long Fangpi, avec un ensemble châssis-moteur de R8 (afin de réduire les investissements) et une poignée de cadres Chinois, mis en avant.
Crédits photos : Ferrari (photo 1), Oullim (photo 2), Porsche (photo 3), Byd (photos 4 et 5), Chicago Auto Show (photo 6) et Audi (photo 7.)