Pourquoi le carburant en France reste cher ?

Des prix 16% plus élevés qu’avant février 2022

C’est BFM-TV qui fait la constatation. « Le prix moyen hors taxe dans les pays de la zone euro est revenu à son niveau de la fin février. Mais en France, il est encore 16% plus élevé qu’avant la guerre ». Alors que le prix du baril de pétrole brut a retrouvé les niveau d’avant février 2022, les prix à la pompe se retrouvent, en France, plus élevés qu’à cette époque.

Dans la chaîne d’approvisionnement des stations carburants, il y a le pétrolier, le raffineur, le transporteur, la station et l’Etat. Tous se servent au passage en prenant une marge. Les produits raffinés font l’objet d’une cotation à Rotterdam. Si cela reste élevé, BFMTV constate que le SP95 a, par exemple, retrouvé le niveau du 21 février 2022, quelques jours avant l’invasion de l’Ukraine par la Russie.

A 62 centimes le litre hors toute taxe, c’est un peu plus élevé qu’en 2018 quand le SP 95 raffiné s’échangeait 10 centimes moins cher. Chez nos voisins Européens, cela a permis de retrouver les niveaux d’avant-guerre dans les stations. La chaîne info parle de quelques centimes avec un maximum de 5%.

Décomposition du prix du carburant

Alors, qu’est-ce qui fait que les prix français restent élevés ? Décomposons le prix du SP95 à la pompe. Il y a d’abord la TVA de 20%. A date, selon Carbu.com, le SP 95 E10 est affiché en moyenne à 1,864 €/l. Il y a donc 31 centimes de TVA et un prix hors TVA de 1,5533 €/l. Mais, la TVA n’explique, environ, que 2 centimes de plus à la pompe. Ce n’est donc pas vraiment là qu’il faut regarder.

Sur ce prix hors TVA, on retranche la TICPE de 69,02 centimes par litre (ou 70,04 en Ile de France). Cela donne donc un prix hors toute taxe de 0,8631 €/l. 0,86 €/l à la pompe quand le cours à Rotterdam donne 0,62 €/l. Entre les deux, il y a le transport et la distribution. Ah, serait-ce une piste ?

Augmentation des marges

Selon le patron de Système U, Dominique Schelcher, cité par BFM, il y a depuis quelques mois des « reconstitution de marges ». La grande distribution ne cherche plus forcément à avoir les prix les plus bas et préfère faire des opérations « prix coûtants » qui attirent à chaque fois le chaland.

Evidemment, les professionnels de la filière justifient le prix élevé par l’éthanol (le E10 en contient jusqu’à 10%) plus cher, mais aussi des Certificats d’économies d’énergie (CEE) qui ont augmenté. Ces CEE sont une contribution pour les secteurs polluants de financer la transition et les aides énergétiques.

D’autres acteurs maintiennent artificiellement des prix élevés pour tout le monde : les raffineurs. En effet, si le prix du SP 95 à Rotterdam est le même qu’il y a un an, le prix du baril de pétrole brut est passé de 90 dollars environ début février 2022 à 72,5 dollars aujourd’hui. Dans le même temps, l’euro qui était à 1,14 dollar est aujourd’hui à 1,1077. Transformé en euros, le baril est donc passé de 79 € à 65,5 €. Pétrole moins cher, mais produit raffiné vendu aussi cher. Il y a là aussi une grosse marge faite sur le dos des clients finaux.

L’Etat engrange mécaniquement des milliards

Voilà comment expliquer que les prix à la pompe n’ont pas retrouvé en France les niveaux d’avant l’invasion de l’Ukraine. Voyant que la consommation de carburant n’a pas vraiment diminué (il faut bien rouler) certains n’hésitent pas à augmenter leurs marges. Il y a la même chose dans l’alimentaire avec des matières premières au même prix, voire moins chères qu’avant l’Ukraine, mais des produits finis plus onéreux dans les rayons.

Quant à l’Etat, il se frotte les mains car la TVA sur les carburants lui rapporte quelques milliards d’euros de plus par an qu’avant la flambée des prix. Si on prend le gazole et les chiffres de l’Insee, en janvier 2022 le GO était à 1,63 €/l. En mars 2023 il était à 1,85 €/l. Pour la TVA, cela donne une différence de 3,6 centimes qui sur un an rapport plus de 1,5 milliard d’euros de plus dans les caisses de l’Etat.