L’histoire est un éternel recommencement. Honda s’apprête à revenir en F1. Or, il y a exactement 50 ans, le constructeur japonais y faisait sa première apparition. La RA271 témoigne de cette aventure.
Soichiro Honda avait lui-même piloté durant l’entre-deux guerres. Il était donc impératif, à ses yeux, que Honda aille en F1. Au début, les Japonais voulaient proposer leur V12. Sauf qu’on était au début des années 60. Avant la S500 (première Honda de route), avant la construction de Suzuka et même, avant la CB750 ! Honda n’était qu’un obscur constructeur de scooters. En plus, pour les patrons d’écuries de F1, l’horizon se limitait à l’Europe ; le Japon, c’était la planète Mars ! Les émissaires essuient des refus polis et Honda du se résoudre à faire tout lui-même.
La RA270 de 1963 était très inspirée des Cooper contemporaines. Elle n’a eu droit qu’à quelques tests.
La RA271 fut la première à connaitre la course. Il s’agissait d’une monocoque en aluminium, avec un V12 1,5l 48 soupapes, donné pour 230ch (le plus puissant de la grille) au régime incroyable de 14 000 tours/minute (un héritage de la moto.) Son gros défaut, c’était son poids, 525 kg, alors que la concurrence était à 475kg.
Pour la piloter, Honda fait appel à Ronnie Bucknum. Ce pilote Américain, multiple champion de SCCA avait tapé dans l’œil des ingénieurs aux 12 heures de Sebring (où Honda faisait des reconnaissances discrètes.) Pour autant, il n’avait aucune expérience de la monoplace ou de l’Europe.
Le gag, c’est que personne ne savait à quoi il ressemblait. Du coup, on lui demanda de porter une casquette Honda à sa sortie de l’avion !
L’équipe voulait débarquer en fin de saison, à Spa. Mais la voiture n’était pas prête. Ce fut donc pour l’épreuve suivante, au Nüburgring. Le vendredi, Phil Hill emmena son compatriote sur le ‘Ring. A bord de sa Chrysler de location, ils limèrent le bitume. Aux essais, Bucknum était largué. Il se qualifia néanmoins. Hélas, sa course se termina par un tête-à-queue, au 10e des 15 tours.
L’équipe manqua le Zeltweg et réapparu à Monza. A la surprise de tous, Bucknum se qualifia 10e. Après un départ passable, il remonta au 7e rang, avant d’être trahi par ses freins.
La RA271 enchaina avec Watkins Glen. Bucknum se qualifia 14e et cette fois, c’est le moteur qui ne tint pas.
Ce fut tout pour 1964 ; Honda manqua la finale de Mexico. Pour 1965, l’équipe passait à 2 voitures, avec l’appuie de Richie Ginther. Le constructeur avait appris de ses erreurs, le régime maxi fut abaissé à « seulement » 13 000 tours/min et la boite passa de 6 à 5 rapports. Ginther ouvrit le compteur de points, avant de décrocher une victoire à Mexico. La dernière de l’ère 1,5l. A cette même course, Bucknum termina 5e, marquant ses seuls points en F1. Il couru ensuite au Mans, avant de repartir pour les Etats-Unis et l’Indycar.
Vu de 2014, la RA271 est bien frêle. Pas d’ailerons, ni de diffuseur. C’était l’aérodynamique de l’époque. La garde-au-sol est étonnante pour une monoplace ; on dirait davantage un « sand blaster » de la Baja 1000. Le pilote est quasiment allongé dedans, bras tendus. Tout son buste dépasse de la carrosserie, avec un modeste arceau (qui est plutôt un appuie-tête) en guise de protection. Sachant qu’il est cerné par le réservoir d’essence et qu’à l’époque, les coureurs ont des combinaisons en coton avec un casque de scooter et un simple foulard devant le visage.
Le pilote des années 50 était costaud et trapu (cf. Juan-Manuel Fangio, Froilan Gonzales, Maurice Trintignant…) Il fallait cela pour maitriser une monoplace de l’époque, avec son volant de camion, dans une épreuve durant plusieurs heures. Les années 60 appartenait aux gabarits de jockey (comme Jim Clark.) Il fallait faire de l’ultra-léger.
Crédit photos : Joest Jonathan Ouaknine/Le Blog Auto