Où sera PSA en 2024 ?

Ces derniers mois, PSA vient d’effectuer un tournant radical. L’entrée attendue au capital de l’Etat français et de DongFeng va à l’encontre des dogmes définis par la famille Peugeot. Quel est l’avenir de Peugeot ? Imaginons ses dix prochaines années, sous la forme d’une fiction.2014-2018 : un constructeur sort ses griffes

Septembre 2014, sur les Champs Elysées. Peugeot dévoile en grande pompe la 208 qui disputera le Dakar 2015. A ses côtés, Sébastien Loeb et Stéphane Peterhansel (qui n’a pas supporté les consignes « Jeantodtesques » de MINI.) C’est tout un symbole de l’ambition retrouvée de PSA. On peut aussi y voir la « Tavares touch ».

En Chine, les entreprises publiques grandissent grâce aux potentats locaux. Brilliance a été lié au bon vouloir de Bo Xilai. NAC a pu s’offrir MG grâce à Ji Jianye. Et derrière l’entrée au capital de DongFeng, il y a Tang Liangzhi, maire de Wuhan (ci-dessous, cravate bordeaux, contre la portière droite de la voiture.) Il veut développer cette grande ville sans charme. Grâce à ses relations, il permet à DongFeng d’obtenir facilement des prêts ou des permis de construire en un temps record. En contrepartie, les idées du maire sont parole d’évangile.

DongFeng veut un repositionnement sur le luxe. Les lancements des berlines 708/DS9, du gros SUV 6008 ou du roadster RCZ Eclipse sont autant de mise en pratique de cette montée en gamme. Les analystes comparent Peugeot à Audi. En Chine, la 708 devient la coqueluche des officiels. Au grand dam de SAIC/Roewe ou de FAW/Hong Qi.

L’inconvénient est que les citadines sont mises de côté, faute de moyen. Le remplacement de la 208, best-seller du lion, est repoussé à 2019. Le projet d’une « Dacia-de-PSA » est envoyé aux orties. De quoi fragiliser la position du groupe sur les marchés émergents.

Par contre, en proposant des versions rebadgée de l’Aeolus E30L, PSA profite de l’essor des électriques.

L’ère DongFeng, c’est avant tout une série de chantiers ambitieux. Le maire de Wuhan est venu à Chicago en 2012, promettant d’y créer des emplois (ci-dessous.) En 2017, PSA y ouvre son bureau nord-américain. L’objectif est d’y vendre des véhicules à l’horizon 2020, soit 30 ans après son départ.

Thierry Peugeot, écarté suite au rachat de DongFeng, enrage. L’ancien président du conseil de surveillance sort de sa réserve et dresse un tableau volontiers noirci de la situation de PSA.

En 2018, PSA se considère « convalescent ». Après avoir touché le fond en 2014 (avec 2,5 millions de véhicules), les ventes repartent à la hausse. PSA repasse au-dessus de 3 millions en 2016 et frôle les 4 millions en 2018. Le groupe se fixe un objectif de 5 millions de voitures en 2022. La Chine contribue grandement à ce résultat, avec un million d’unités annuelles. Le seul motif de râlage, c’est la « Little Prince », une citadine DongFeng basée une plateforme de 207 et dont le style ressemble furieusement à une 208…

L’autre point noir, c’est DS. En Chine, les voitures sont produites par ChangAn-PSA, à Shenzhen. DongFeng ne s’entend pas du tout avec son rival. Ce qui est prévu, c’est que DongFeng rachète les parts de la joint-venture. Le réseau DS doit se rapprocher de celui de DPCA. Au lieu de ça, ChangAn pratique la politique de la terre brûlée. Développements qui s’éternisent, concessionnaires qui ne sont pas livrés… Comme par enchantement, certains DS Stores deviennent des points de vente Chana (marque « pure » de ChangAn.) En 2017, Shenzhen ferme purement et simplement. DPCA récupère une poignée de concessionnaires restés fidèles, qui vendent des DS importées.

2018-2020 : zone de turbulence

Début 2018, le maire de Wuhan se retrouve au cœur d’un scandale de corruption. Il concerne des appel d’offres publics, avec argent déposé sur des comptes off-shore (enregistrés au nom de proches de Tang Liangzhi.) Disgracié, Tang est écroué et jugé discrètement. La chute du maire de Wuhan possède a priori peu de rapports avec DongFeng et PSA. Néanmoins, DongFeng entre ensuite dans une période de flottement. L’éminence grise a disparu et plus personne ne veut bouger, tant que Wuhan ne possédera pas de nouvel homme fort. Terminé aussi les emprunts à taux favorables. Tintin pour l’Amérique !

Ce flottement arrive au mauvais moment pour PSA. Il comptait sur la nouvelle 208 pour se replacer dans les citadines. Or, la nouvelle Hyundai i20 lui taille des croupières, grâce à une stratégie très agressive. Quant à l’électrique CZero/107, ses ventes sont trop confidentielles pour rééquilibrer. En 2019, les ventes redescendent sous le seuil des 3,5 millions. Dans le haut de gamme, la compétition est permanente. Faute de développements, les ventes des berlines et SUV de PSA s’effondrent. Rien n’a changé depuis la 605.

Peugeot s’associe à Oreca pour un engagement au Mans, en LM P2, avec Sébastien Loeb. L’Alsacien gagne dans sa catégorie, mais l’effet sur les ventes est quasi nul.

La Bulgarie cherche à séduire les investisseurs chinois. DongFeng pousse donc PSA à y construire une usine. En décembre 2018, la première voiture fabriquée à Veliko Tarnovo, une 208, sort de chaine. Le site produit également sa cousine, la C2. Quelques mois plus tard, PSA inaugure une usine de CKD en Ukraine. Les 208 et C2 produites sur place proviennent de kits bulgares. L’allié chinois permet également de débloquer enfin la situation en Russie. Là-bas, ce sont des 308 qui sortent de chaîne.

2021-2024 : l’après DongFeng

Malheureusement, cette expansion en Europe Orientale ne se traduit que par quelques dizaines de milliers de ventes. Insuffisant pour compenser des parts de marché en chute libre en Europe méridionale et en Chine. Concernant la 208, on parle longtemps d’un « démarrage timide » en jurant que ça ira mieux une fois que l’ensemble des versions seront prêtes. A commencer par la 208e, une électrique avec prolongateur d’autonomie. Puis il faut accepter l’évidence : c’est un flop. PSA passe sous les 3 millions de ventes, en 2020. C’est le signal d’alarme. Jusque là, en cas de coup dur, c’était les sites hors de France qui trinquaient. DongFeng n’a pas la même culture. Il préfère maintenir l’activité à Trnava (Slovaquie), Vigo (Espagne) et désormais, Veliko Tarnovo. En conséquence, Mulhouse et Poissy tournent au ralenti. Porto Real, ex-fleuron brésilien du groupe, a tout juste dépassé le milliers d’unités en 2020.

L’état français vient à la rescousse pour recapitaliser PSA. Mais les contreparties sont terribles. Mulhouse devra fermer à l’horizon 2022. Rennes et Sochaux sont priés de baisser la voilure. D’une manière plus anecdotique, Porto Real et le bureau de Chicago passent à la trappe. Exit les modèles haut de gamme. DongFeng refuse de mettre la main au portefeuille et il se retrouve marginalisé.

Qui pour racheter les parts de DongFeng ? C’est le feuilleton du printemps 2022. GM, Chrysler-Fiat, Mahindra, Geely et même Tesla se succèdent Avenue de la Grande Armée. Le repreneur le plus sérieux est Tata… Sauf qu’il ne s’intéresse qu’à Citroën. La marque aux chevrons s’insérerait parfaitement entre Tata et Jaguar-Land Rover. Son plan est de ne reprendre que les sites de Poissy et de Vigo. S’y ajoute le site condamné de Mulhouse (par contre, il abandonne l’usine de Rennes.) Il envisage sérieusement de produire les voitures à conduite à droite chez Jaguar, à Castle Bromwich.

Après le fiasco DongFeng, les syndicats sont debout : pas question de se faire bouffer par les Indiens ! Rennes se met en grève. Le ministre de l’industrie tente d’infléchir les Indiens. Une délégation de Tata part en repérage à Rennes, où leur voiture (une Jaguar) est accueilli à coup d’œufs et de farine, puis couverte d’autocollants. Les occupants, effrayés, font demi-tour. Tata déclare peut après que les négociations sont rompues.

Finalement, c’est le mystérieux « Vendome Capital » qui remporte la mise.

PSA n’a plus qu’à faire ce qu’il sait faire : des coopérations ponctuelles. Il conçoit une citadine 4 portes low-cost avec Chery. Il aide Perodua à développer sa première citadine. Il travaille sur le SUV d’Hindustan (un Mitsubishi ASX replatré.) Ssangyong débute la production d’une 308 maquillée (la boucle est bouclée pour cet ancien assembleur de 604.) Il s’associe avec Suzuki pour produire un monospace compact. Enfin, PSA fournit des blocs diesel à Tata. Un reliquat des discussions avec l’Indien.

Ainsi, le PSA de 2024 est un petit groupe à l’échelle mondiale. Avec 3 millions de voitures, il n’est guère que devant les marques indiennes et chinoises. Il reste absent des marchés nord-américain et indien. Son centre de gravité s’est déplacé en Europe orientale. Côté produit, il se positionne dans les citadines et les compactes de milieu de gamme. Chaque modèle étant décliné en SUV.

Crédits photos : Peugeot, sauf photo 5 (DongFeng), photo 6 (ville de Chicago), photo 8 (Citroën), photo 9 (Latin NCAP) et Tata (photo 12)

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