Où en est-on des pneus au pissenlit ?

Dans la construction d’un pneumatique, il y a une carcasse en métal, qui est entoilée et recouverte d’une gomme. Cette dernière est un composé secret toujours jalousement gardé par les manufacturiers et qui donne ses caractéristiques d’accroche, d’usure, de tendreté, réaction à la température, etc. au pneu. Toutefois, on connaît, en gros, la recette : caoutchouc naturel et synthétique, ainsi que d’adjuvants (silice, noir de carbone, résine, soufre, etc.).

Le caoutchouc naturel, c’est le latex. Or, ce latex est quasi-exclusivement fait à partir de l’hévéa du Brésil, un arbre qui ne pousse que dans certaines régions tropicales. Le latex naturel est, en fait, une partie de la sève de l’arbre que l’on récolte par saignée sur le tronc. La plupart des pays producteurs sont en Asie avec la Thaïlande, l’Indonésie, le Vietnam, l’Inde, la Chine et la Malaisie. Quelques pays en Afrique ou en Amérique-du-Sud en produisent également.

Pour éviter de dépendre d’approvisionnements non garantis, plein de pays ont donc lancé des recherches pour se passer du latex de l’hévéa. Et il se trouve que le pissenlit contient (comme le bananier et d’autres plantes) du latex. L’énorme intérêt du pissenlit est sa croissance rapide, et qu’il peut être cultivé partout ou presque, en tout cas dans les pays qui dépendent du latex asiatique.

Voilà pourquoi plusieurs équipes de chercheurs se penchent sur le pissenlit. Le souci du latex de pissenlit, c’est qu’il est, comme celui d’autres plantes, pas encore conforme à un usage industriel pour les pneumatiques. Plusieurs fois, on a cru tenir le Graal, mais rien ne vient encore. En revanche, pour d’autres industries comme celle de la chaussure, on trouve déjà des semelles en caoutchouc de pissenlit (alias dent de lion, dandelion, etc.).

Le latex est utilisé en médecine (gants), pour des courroies, les pneus, des joints, des flexibles, dans différents éléments de sport (semelles, revêtements, etc.). Bref, c’est un compagnon de tous les jours. Si on arrive à l’industrialiser pour les pneumatiques, cela lèverait certaines tensions sur le marché du latex et permettrait de développer une nouvelle culture un peu partout, sans imports massifs depuis les climats chauds et humides propices à l’hévéa.

Des recherches soviétiques qui ont bientôt 100 ans

En 2014, il y a 10 ans donc, Continental a présenté un pneu intégrant du latex de pissenlit. Cela faisait suite à une grande offensive de recherche lancée en 2011, et qui reprenait des études soviétiques de 1928 ! Une idée pas si nouvelle qui aura été remisée au placard face à la mondialisation et la culture « à bas prix » de l’hévéa. Ressorti des placards, cela a demandé tout de même un peu de modification génétique.

En effet, le Kok-Saghyz ou pissenlit « gommeux » a une fâcheuse tendance à coaguler trop rapidement. La sève ne coule que quelques secondes, rendant la récolte très complexe. Mais, après quelques manipulations visant à inhiber la partie responsable de la coagulation quasi-instantanée du latex, voilà le Taraxagum (un jeu de mot avec taraxacum, le nom latin des pissenlits). On prend la racine de la plante que l’on broie et que l’on filtre pour récupérer un latex qui n’a pas encore coagulé. Le pissenlit n’est pas la seule plante comme on le disait et le guayule est utilisé lui par Bridgestone pour des pneus se passant du latex de l’hévéa du Brésil.

Il faut dire que la culture de l’hévéa n’est pas écologique. Ainsi, comme pour le palmier à huile, les pays producteurs déforestent énormément pour planter des hévéas. De plus, l’hévéa est touché par une maladie en Amérique du Sud qui fait fortement diminuer la production. Cette maladie risque fort de se propager à l’Asie. Dès lors il y a urgence à trouver comment créer du latex sans hévéa.

Le latex naturel est aussi en concurrence avec le latex synthétique dérivé de pétrole. Là encore, pouvoir augmenter la production d’un latex naturel via la racine du pissenlit serait un gros plus. En revanche, pour les pneus à base de pissenlit, on en reste encore à « bientôt en production ». Un peu comme le pneu sans air.

(3 commentaires)

    1. D’où le Kok-Saghyz. A ma guise me dît il !

      Mais c’est assez intéressant cet article en fait !

      On s’est tous moqué du physique ingrat du batracien au strabisme divergent et à la goutte au nez alors qu’on parlait pissenlit et caoutchouc super doux par ici !

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