On a lu : Venturi, GT à la française (ETAI)

C’était il y a 20 ans : Venturi passait sous pavillon monégasque et allait s’éloigner complètement de sa vocation de marque GT. Le prestige automobile à la française, c’est une longue et sinueuse histoire. Bugatti, Delage, Delahaye, etc. Nombreuses avant guerre, celles-ci n’ont pas survécu aux conséquences du second conflit mondial et à la priorité donnée en France, lors de la reconstruction, aux voitures économiques. Facel Vega a tenté l’expérience du luxe dans les années 50-60, sans jamais avoir été rentable, puis Alpine a repris le flambeau dans une veine sportive et n’a du son salut – néanmoins parsemé d’embuches – qu’à la mainmise, parfois contre-productive, de Renault. Venturi a fait partie de ces belles aventures, humaines d’abord, techniques ensuite, qui ont essayé de raviver l’automobile de prestige tricolore.

En 1984, Claude Poiraud et Gérard Godfroy, le technicien et le designer, tous deux issus de Heuliez, se lancent dans le pari fou de créer une GT sportive française. Ce sera la « Ventury », oui avec un « y », dont la version de série est présentée en grande pompe en 1986. Alors que le premier prototype reprenait une mécanique de Golf GTI, la version de production hérite finalement du fameux V6 PRV, le même que l’Alpine GTA. La commercialisation commence en 1987. L’engouement est réel, les avis de la presse sont très encourageants mais les ventes ont beaucoup de mal à décoller, encore plus en dehors de nos frontières, car Venturi n’a pas les reins assez solides pour s’agrandir et part de zéro, au niveau du réseau et surtout de l’image, très importante dans ce segment.

Qu’à cela ne tienne, sous la houlette du pdg Xavier De La Chapelle, bien connu pour la marque du même nom qui produit des répliques de Bugatti, Venturi voit grand, avec le déménagement dans une nouvelle usine, des envies d’export aux USA, le développement d’un cabriolet avec un système maison baptisé « Transcup » et surtout un investissement dans la compétition qui doit fabriquer cette image. Tout va peut-être trop vite et certains choix sont hasardeux, comme le rachat de l’écurie de F1 Larrousse en 1991-1992 qui se révèle être un gouffre financier et un fiasco sportif.

Venturi rebondit néanmoins avec la création audacieuse du Venturi Trophy, un championnat de gentleman-drivers à l’initiative d’un certain Stéphane Ratel, et même l’engagement de Venturi 500/600 LM au Mans et en championnat BPR. Mais commercialement, ça vivote (quelques dizaines de voitures par an) et financièrement, c’est constamment dans le rouge. Pourtant, les Venturi 260 GT, 300 Atlantique puis 400 GT sont de vraies réussites, dont les performances n’ont rien à envier à Porche et Ferrari. Sauvée à plusieurs reprises par différentes repreneurs, Venturi finit par déposer le bilan en l’an 2000, avant d’être reprise par Gildo Pastor qui transforme radicalement l’entreprise en l’orientant vers le tout électrique, les véhicules de record et d’exploration, bien loin de son ADN d’origine. Au total, un peu plus de 600 voitures auront été produites en 15 ans d’existence de cette marque de GT nationale.

Voici, de manière très très condensée, l’histoire de cette marque sportive qui a fait rêver de nombreux français, qui découvraient avec émerveillement la 400 GT, une véritable « F40 française ». Il s’agit ici d’une réédition, mise à jour évidemment, d’un ouvrage qui était sorti une première fois en 1996Pierre Doubrosse, qui est passé par la rédaction de La Revue technique automobile, Auto Hebdo et Auto-Moto, revient ainsi sur la genèse de cette audacieuse entreprise guidée d’abord par la passion et menée, surtout à son fondement, par beaucoup de débrouille et d’heures de travail à ne plus savoir les compter. Le texte, découpé logiquement année par année, fourmille de détails, d’anecdotes et bien entendu de documents iconographiques. Conception, commercialisation, essais, engagements en compétition, histoire du personnel et de ses dirigeants, tout y passe. Venturi a manqué de moyens, sans nul doute, mais n’a pas non plus bénéficie d’un contexte idéal. Un parcours semé d’embûches et qui renvoie finalement aux difficultés actuelles de DS et d’Alpine pour exister sur les segments du premium et des véhicules sportifs. Et ce n’est pas le climat anti-voiture actuel, venu d’en-haut, qui aidera…

Le livre est vendu au prix de 49 euros.

(32 commentaires)

    1. @sgl : des infos ? pas si hs que ça, j’ai fait un rapprochement dans un autre post sur la vie Alpine / Venturi…

      1. Des rumeurs disent que Luca de Meo envisagerait de transformer la marque Alpine de la même façon qui a créé la marque Cupra.
        Dès sa prise en fonction… Il n’était pas question d’abandonner Alpine !
        Il est vrai qu’Alpine et Venturi ont un peu la même histoire par certains côtés.

          1. Bah des GMP électrique et a PAC à hydrogène, c’est tres tres cher à faire « passer » sous la marque Reanult …et c’est l’avenir… Même vendu à perte pour respecter les normes.
            Tant qu’à faire sous la marque Alpine cela passe mieux !

  1. le // entre Venturi et Mc Laren est intéressant ?
    2 marques parties de « rien » (même si McLaren pouvait s’appuyer sur son image en F1, elle n’avait pas de réseau, pas d’histoire..) – l’une a réussi à s’imposer dans le monde de la GT de luxe, l’autre n’existe plus..

    Problèmes d’époque, de moyens, de moteurs, de stratégie, de compétences, de savoir-faire ?

    1. A ces prix, un minimum de finition restait à l’époque du lancement de Venturi une des conditions. Lotus même l’avait compris un peu tard avec une Esprit qui sur la fin pêchait moins sur ce sujet. Venturi singeait la qualité Lotus, ce qui est insuffisant quand on doit encore s’imposer.

      Puis comme tu le dis, McLaren dispose d’une légitimité de marque par son passé réussi en F1 par exemple. Autre époque évidemment, mais l’investissement McLaren sur sa MP4/12c en faisait directement une voiture finie autant que compétitive.

      On pourrait encore dire que la Venturi bouffait des parts de Alpine mais se partager ce marché Franco français est assez suicidaire. Si ça se trouve, elle a peut-être signé la mort d’Alpine à l’époque (soit pour raison de ventes, soit pour raison de …. raisonnement chez Renault).

      1. les Venturi n’étaient pas mal finies surtout pour l’époque, moins plastiques que les Alpines, moins complexes à entretenir, (pas besoin de tomber le moteur pour changer les bougies….).
        Peut être que Mc Laren faisait mieux, quoiqu’à l’époque je ne me souviens pas de Mc Laren concurrente de MVS, plutôt Lotus, oui.

        1. Les MVS Venturi ont réellement commencées les essais presse en 1987. A l’époque elle luttait contre la 911, l’Alpine GTA ou une Ferrari 328 alors une Mc Laren c’était sur les circuit de F1 mais pas sur la route

      2. la MC laren MP4 n’est apparue qu’en 2009. Seule la MCL F1 existait avant 2000.
        Mc Laren avait une image, pas MVS.
        Venturi entre Alpine et De Lorean…

    2. @ema : pour côtoyer parfois des industriels français ou étrangers, le problème vient souvent de l’esprit artisanal des productions made in France.
      Mc Laren bénéficie d’appuis financiers avec un vrai plan derrière (à géométrie variable selon les circonstances) mais structuré, en plus un grand constructeur sert de référence mécanique (Mercedes ndlr) tandis qu’en France c’est du bout des lèvres que Psa a soutenu Venturi alias MVS pour la fourniture des moteurs.
      Il se dit que si MVS n’avait pas eu l’idée saugrenue de racheter Larousse GP (en fond de grille perpétuel depuis son apparition) et s’était consacrée qu’à une formule Gentleman Drivers la notoriété et les performances commerciales eurent été plus importantes. Fallait une dose d’inconscience (ou d’incompétence) pour penser un moment faire de l’image sur une écurie de looser comme Larousse GP.
      Forcement comment imaginer une voiture de route performante quand on a une F1 qui ne finit pas ses tours de qualif ???
      Même Ferrari ne pourrait pas se le permettre…
      Bref dans les années 50 ça aurait pu marché, en 2000 c’était mort, en plus c’est vrai qu’en France, rouler en Porsche ça fait classe, en Venturi ça fait rien… Pourtant une 300 Atlantique, ça me fait toujours rêver…

      1. Ce qui était surtout reproché aux Venturi c’était le manque d’image. Le moyen le plus rapide c’était la F1 déjà ultra médiatisé à l’époque. Ils ont racheté Larrousse car c’était une écurie Française et en vente à se moment là. En plus les structures de Larrousse devaient servir à la conception des voitures de route pour le travail du carbon.

    3. Bah justement, McLaren avait les capitaux pour se lancer, et du fait se son engagement en F1, justement l’ image internationale qui manquait a Venturi.
      Le reseau a ete bati petit a petit (deux a trois ans) avant de lancer la voiture.
      Sans compter le precedent McLaren F1.

      1. L’entreprise MVS a été lancé avec peu de moyens rien à voire avec Mc Laren. Et honnêtement le travail accomplis a été incroyable. Ensuite il y a eu plus de moyen, pas illimité mais plus(période F1) mais ça n’a durée qu’un temps, tout comme Mc Laren et je crois qu’en ce moment c’est pas la fête et a vrai dire pour l’ensemble des marques de voitures de sports ça devient compliqué si un groupe n’assure pas derrière

  2. j’avais de la sympathie pour la marque, mais le dernier logo était une vraie faute de goût, y compris à l’époque…

  3. Gamin, gros naïf, je n’ai jamais compris que Peugeot n’a pas essayé de soutenir Venturi quitter à prendre des parts.
    Une marque de GT haut de gamme aurait permis de développer toute une gamme de GMP performant pour les hauts de gamme des Citroën et Peugeot de l’époque.
    … Le principe de chapeauter un groupe par une belle marque existe toujours et a toujours existé.

    1. voir le post sur alpine à ce sujet…
      La frilosité absolue des constructeurs Français et la rengaine : « ça va pas marcher » …
      Le gag étant que ce sont souvent des préparateurs allemands qui ont fait des caisses françaises performantes, quand Danielson s’est attaqué à une 505 Turbo de route, elle était parfaitement inconduisible, mise à part par un Pilote de circuit…
      On comprend mieux le manque de soutien des constructeurs qui n’avaient absolument pas envie de s’en mêler… On peut dire pareil pour Auverland qui aurait pu faire le Land Rover français.
      Certains se posent la question de la désindustrialisation du pays, mais être industriel c’est être persévérant, bizarrement on en a pas manqué par le passé, comme Gustave Eiffel, sa tour n’aurait jamais existé sans une certaines opiniâtreté…
      J’avoue ne pas comprendre le tournant de l’après guerre, il semble qu’une forme de défaitisme face aux nouvelles grandes puissances aient fait effet…

      1. On peut aussi ajouter la frilosité « des mines » pour l’homologation des voitures par rapport a ce que l’on peut voir rouler au Royaume uni ou en Allemagne
        Et comme vous le relevez, le manque d’appui des constructeurs français pour ouvrir certaines concessions a la distribution de produits dérivés de leur production
        Cournil – Auverland était très présent dans le massif central, par son origine, et a eu du mal à s’implanter sur le territoire national

        1. Cournil a manqué de moyens, et a compté beaucoup sur les marchés publiques pour s’en sortir. Pompiers et Gendarmes ont suivi malgré tout (en Montagne les Cournil/Auverland passaient partout comme les Pinzgauer d’ailleurs, même là où des land plantaient – En Europe du moins), mais le réseau SAV et surtout de vente était compliqué. UMM a d’ailleurs eu par la suite les mêmes soucis…
          PSA sur le coup n’avait pas trop de reproches à se faire, les moteurs étaient bien garantis par la maison mais le réseau de vente peu enclin à suivre….

      2. Dans les années 80 on pouvait encore espérer lancer une marque de voitures de sport
        Maintenant techniquement et financièrement c’est impossible et en plus pour qu’une voiture de sport Française trouve le succès il faudra qu’elle ait toutes les qualités possible et avec un tarif moitié moins cher que la concurrence sinon y en aura toujours pour dire que c’est de la merde et je ne parle pas du contexte actuel où ce genre d’auto est plutôt loin d’être encouragée, bref pour lancé une marque de voiture de sport en France bon courage

  4. Il serait effectivement plus logique de voir une Alpine Clio qu’ une Clio RS. Quand on a un blason on s’ en sert, on ne dedouble pas des investissements

    1. @greg : c’est, à mon sens, le péché originel de Renault. Avoir voulu effacer dans les années 70, les noms de Gordini et d’Alpine dans un ensemble Renault Sport.
      Ainsi qu’avoir imposé le jaune-noir-blanc sur l’Alpine qui a remporté les 24 h du Mans.
      La Clio V6 eut peu s’appeler Alpine Clio sans pbm par exemple.
      Et les Clio GT et Megane GT pourraient porter le nom de Renault Clio/Megane Gordini, bien plus adéquat qu’un Wind Diesel…

  5. Ce qui m’ interesserait, c’ est de savoir combien de Fetish Venturi a vendu….
    Car a part fanfaronner et profiter du nepotisme pour vendre ses batteries pourries a PSA, je cherche encore ses succes commerciaux.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *